Mercato : le prêt de footballeur, l'astuce pour contourner la règle du "fair-play financier"
L'arrivée de Radamel Falcao à Manchester United n'est que le dernier exemple en date d'un phénomène qui a concerné de nombreux clubs prestigieux.
Le suspense a duré jusqu'au bout de la nuit. Radamel Falcao, attaquant vedette de l'AS Monaco, a été officiellement prêté à Manchester United, tôt mardi 2 septembre. L'avant-centre colombien, recruté à prix d'or il y a à peine un an par le club du rocher, aurait rejoint les Red Devils contre une somme de 10 millions d'euros, assortie d'une option d'achat fixée à 55 millions d'euros à la fin de la saison.
L'opération a de quoi surprendre. Habituellement, les clubs prestigieux prêtent des joueurs en manque de temps de jeu à des écuries plus faibles, dans le but de les relancer, ou de voir leur valeur marchande remonter. Cela n'a pas été le cas lors du dernier mercato estival : outre Manchester United, le PSG, le Real Madrid ou encore l'AC Milan se sont tous fait prêter des joueurs aux noms ronflants.
Passer sous le radar de l'UEFA
Cette nouvelle tendance s'explique par la mise en œuvre par l'UEFA, qui pilote le foot européen, du "fair-play financier". Cette règle a été élaborée pour forcer les clubs "flambeurs" surendettés à assainir leur bilan financier, et rétablir une certaine équité entre les équipes européennes. Désormais, les clubs dont les dépenses excèdent les recettes risquent des condamnations qui vont bien au-delà de la simple remontrance : pour ne pas avoir respecté la règle du jeu lors des dernières saisons, le PSG de Zlatan Ibrahimovic a écopé, en mai, d'une amende de 60 millions d'euros et d'une interdiction d'inscrire plus de 21 joueurs en Ligue des champions, quand ses adversaires pourront en enregistrer 25.
Malgré des recettes considérables, estimées à 420 millions d'euros par Forbes, Manchester United risquait d'être rattrapé par la patrouille à cause de sa masse salariale colossale et de sa frénésie acheteuse lors du mercato. Avant d'enrôler Falcao, le club mancunien avait en effet déjà dépensé près de 185 millions d'euros sur le marché des transferts, dont 75 millions pour le seul Angel Di Maria.
"La solution idéale"
Pour accueillir le Colombien, la direction de Manchester United a donc été obligée de ruser en décalant d'un an le paiement de la majeure partie de l'indemnité de transfert. "Pour toutes les parties, un prêt était la solution idéale", écrit le Daily Mail (article en anglais). "United acquiert un joueur de classe mondiale pour une somme relativement modeste, et Monaco se débarrasse de ses soucis concernant le fair-play financier en se séparant de son plus gros salaire, estimé à 378 000 euros par semaine". Cité par L'Equipe, l'agent du joueur a d'ailleurs reconnu sans détour que la manœuvre était destinée à contourner les règles du fair-play financier.
Le PSG était dans le même cas de figure. Le champion de France en titre, qui a cassé sa tirelire au début de l'été pour s'offrir le défenseur David Luiz pour la coquette somme de 49,5 millions d'euros, ne pouvait pas se permettre un autre coup de folie avant d'avoir vendu un de ses joueurs au prix fort, au risque de subir à nouveau les foudres de l'UEFA.
Mais à part le latéral Christophe Jallet, cédé à Lyon pour 750 000 euros, aucun départ n'est venu renflouer les caisses parisiennes. Le club a bien essayé de faire venir Angel Di Maria en prêt pour contourner la règle, mais le Real Madrid, propriétaire du milieu de terrain argentin, a préféré vendre directement le joueur à Manchester United. Finalement, le PSG a seulement enregistré l'arrivée de l'Ivoirien Serge Aurier, là encore en prêt. L'option d'achat du joueur, estimée à 10 millions d'euros, devrait être levée à la fin de la saison.
Une manœuvre appelée à durer
En plus de permettre aux clubs les plus riches de passer sous le radar de l'UEFA, ces transferts ont "des avantages pour tout le monde", explique Lionel Maltese, professeur de marketing sportif à Kedge Business School, à Marseille, contacté par francetv info. "En football, on n'est jamais à l'abri d'un flop ou d'une blessure. Dans ce cas-là, l'année de prêt peut être considérée comme une période d'essai. Cela permet aussi de jauger l'attractivité du joueur d'un point de vue du merchandising, comme les ventes de maillots ou les opérations promotionnelles."
L'opération peut également être rentable pour les agents des footballeurs, qui se rémunèrent sur une fraction du salaire de leurs poulains, et ne voient donc pas forcément d'un mauvais œil ces prêts de luxe. "Dans ce contexte, je ne vois pas l'UEFA commencer à sanctionner ces pratiques, qui sont légales, et ne concernent qu'une poignée de joueurs dans les plus grands clubs, continue l'expert. Pour ce genre d'équipes, le marché des transferts est par nature irrationnel, et ce type d'acteurs arrive traditionnellement à contourner les éléments de rationalité lorsqu'ils sont imposés".
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