Contrat surévalué, financement déguisé du Qatar... Les révélations des "Football leaks" qui embarrassent le PSG
Le Qatar a injecté 1,8 milliard d’euros dans le club parisien "de façon largement frauduleuse", selon des documents révélés et analysés par Mediapart.
Le PSG, détenu par un fonds souverain qatari (QSI), aurait eu recours à "un dopage financier" d'envergure pour gonfler ses revenus grâce à des "contrats fictifs" et "sous couvert de l'UEFA", l'instance censée réguler ses dépenses via le fair-play financier. C'est ce que révèlent les "Football Leaks", vendredi 2 novembre, relayées par Mediapart. Dans ce complexe montage financier, on découvre d'étonnantes anecdotes sur la manière dont le club de la capitale a négocié ses contrats de sponsoring pour "rêver plus grand".
Un contrat de sponsoring qui vaut entre 77 et 1750 fois moins
L'enquête de Mediapart revient, entre autres, sur un contrat "douteux" passé entre le PSG et l'Office du tourisme du Qatar en échange d'une loge et d'une mention sur le maillot. Ce contrat s'élève à "1,075 milliard d'euros promis sur cinq ans au PSG par l'Office du tourisme du Qatar (QTA), soit 215 millions d'euros par an". Un montant surrévalué, selon deux cabinets d'audit indépendants missionnés par l'UEFA, qui l'ont respectivement évalué à 123 000 euros pour l'un et 2,8 millions d'euros pour l'autre. Soit "entre 77 et 1 750 fois moins que le montant affiché", note Mediapart.
Et alors que le club parisien était sous le coup de sanctions, l'UEFA, et ses deux patrons de l'époque, Michel Platini et Gianni Infantino, devenu le nouveau président de la Fifa, auraient "couvert les faits" pour des "raisons politiques". En 2014, le PSG n'a finalement écopé que de 60 millions d'euros d'amende, et de deux ans de restrictions financières (plafonnement de la masse salariale, limitation du nombre de joueurs...).
Plusieurs sièges de la loge de l'Office de tourisme du Qatar supprimés
En lisant les révélations de Mediapart, on apprend que le très généreux sponsor qu'est l'Office du tourisme du Qatar (QTA) n'est pas forcément choyé par le club parisien. En échange de ses centaines de millions d'euros dépensés chaque années, il n'a ainsi obtenu qu'une simple loge au Parc des Princes, d'une valeur de 150 000 euros à l'année. En 2014, QTA s'est même vu retirer 10 de ses 15 sièges en loge, sans un courrier d’explication, sur ordre personnel du président du club, Nasser Al-Khelaïfi. "Ça a eu un impact important sur nos activités commerciales", se plaint QTA au PSG, en réclamant une confirmation officielle de cette décision.
Un Qatar Winter Tour qui ne passe pas par le Qatar
Selon Mediapart, le Qatar Winter Tour est une autre preuve que les contrats de sponsoring avec l'autorité touristique du Qatar ne servent qu'à cacher le dopage financier dont a bénéficié le PSG. Cet événement consiste normalement en un déplacement annuel hivernal du club parisien à Doha, pour affronter d'autres clubs de prestige. Sauf qu'en 2014-2015, il a eu lieu à Marrakech puis, en 2016-2017, à Tunis. Etonnant et contraire aux conditions du contrat signé avec le Qatar Tourism Authority (QTA), qui demande d'ailleurs que les références au Qatar soient désormais retirées des communiqués officiels. Mais le PSG fait la sourde oreille, malgré les millions d'euros de contrat, précise le site d'information.
Un sponsor très généreux (et aux ordres)
Au fil de cette enquête, on découvre que le PSG, pour tenter de respecter le fair-play financier et financer ses achats de joueurs, a besoin de généreux sponsors. Et pour en trouver, il peut se tourner vers les entreprises qataries. Ainsi en 2013, Ooredoo, ex-Qatar Telecom, signe "une simple lettre de deux pages, où il s’engage à payer 20 millions par an pendant cinq ans", et transmet un premier versement sans même savoir quels droits marketing il va obtenir.
Estimant avoir obtenu ce qu'il voulait —à savoir sa marque à l'arrière du maillot parisien et le baptême du centre d'entraînement du Camp des Loges à son nom– il refuse de payer pour les deux années suivantes. Nasser Al-Khelaïfi, le dirigeant du PSG, se plaint alors de cette décision auprès du directeur de cabinet de l’émir du Qatar, raconte Mediapart. "Résultat : Ooredoo capitule, paye les 40 millions d’arriérés et promet d’honorer la suite du contrat."
La colère de Nasser Al-Khelaïfi pour faire baisser une amende
Le football se joue sur les terrains mais a des influences bien en dehors. C'est notamment un enjeu de prestige entre deux voisins qui se détestent : le Qatar et les Emirats arabes unis. En 2014, la chambre de l'instruction de l'UEFA se réunit pour examiner l'accord avec le PSG qui permet au club d'éviter une sanction dans le cadre du fair-play financier.
Le club écope de 60 millions d'euros d'amende et de deux ans de restrictions financières. Une sanction acceptable pour le club, mais plus lourde que celle délivrée au club de Manchester city, propriété du demi-frère du cheikh d’Abou Dhabi. Mediapart raconte alors que Nasser Al-Khelaïfi est entré "dans une colère noire" en apprenant cette différence de traitement. L’affaire est remontée au plus haut niveau de l'UEFA. Et le PSG a finalement obtenu la même chose que Manchester City, son amende ferme étant réduite de 60 à 20 millions d’euros.
Un enquêteur de l'UEFA qui travaille pour les clubs accusés de fraude
En 2014, toujours, l’enquêteur en chef de la chambre d’instruction de l'UEFA, Brian Quinn, refuse de signer l'accord avec le PSG, parce qu'il le trouve "trop indulgent" envers le club. Il démissionne en pleine séance et est remplacé par l’universitaire italien Umberto Lago. Ce dernier signe le texte sans sourciller. En 2017, ce même Umberto Lago quitte à son tour les instances et se fait embaucher par le géant du conseil KMPG pour... aider les clubs à se défendre contre l’UEFA dans les affaires de fair-play financier.
"L'ex-enquêteur en chef aide désormais les fraudeurs présumés", traduit Mediapart. L'Italien a même offert ses services au PSG, qui a refusé. Interrogé par le site d'information, Umberto Lago indique n’avoir "jamais eu de contacts" avec des employés de l’UEFA depuis son départ, et ne voit aucun problème éthique à défendre les clubs.
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