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Reportage Football : quand le centre de formation du PSG s'ouvre aux filles et fait découvrir la mixité aux garçons

Depuis la rentrée scolaire, six centres de formation de clubs de D1 Arkema, reconnus par la fédération et le ministère des Sports, ont ouvert, pour mieux encadrer le développement des jeunes joueuses.
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Paulo Cesar, ancien joueur du PSG et international brésilien, désormais entraîneur du centre de formation féminin, donne ses consignes aux jeunes joueuses parisiennes. (Hortense Leblanc)

Marie-Antoinette Katoto, Grace Geyoro, Laurina Fazer… Le PSG, qui affronte Manchester United pour le match retour du deuxième tour qualificatif de la Ligue des champions mercredi 18 octobre, a formé de grandes joueuses. Mais jusqu'à cette année, le club de la capitale n'avait pas de centre de formation agréé pour les filles. Depuis cette rentrée scolaire, comme cinq autres clubs de D1 Arkema, le PSG a passé un cap, avec les premiers agréments octroyés par la FFF et le ministère des Sports pour des centres de formation féminins. Les jeunes joueuses du PSG côtoient donc désormais leurs homologues masculins, au sein du centre d'entraînement Ooredoo de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), ancien quartier général des professionnels qui ont déménagé au PSG Campus à Poissy (Yvelines). En janvier, les deux centres de formation (garçons et filles) délaisseront à leur tour Saint-Germain pour intégrer le Campus.

"Les infrastructures sont incroyables, on nous traite comme des pros. On a un terrain magnifique et de quoi bien travailler", s'enthousiasme Sofia Djoubri, 15 ans, qui s'est entraînée le matin même sur la pelouse que foulaient Kylian Mbappé, Neymar ou encore Leo Messi il y a quelques mois. "En plus des terrains et de la salle de musculation, où il y a des appareils de très haute performance, on bénéficie aussi des équipements qui étaient là pour l'équipe masculine, avec des caméras qui filment tous les matchs et les entraînements par exemple, et nous avons recruté une analyste vidéo pour analyser tout cela", explique Sabrina Delannoy, ancienne joueuse du PSG et directrice sportive adjointe du centre de formation, qui a connu une époque où il n'existait que le pôle France de Clairefontaine pour former les joueuses au haut-niveau. Exit le sport-études, la scolarisation et l'hébergement au Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), à 28 km de là pour les Parisiennes.

Un staff étoffé pour se rapprocher des conditions de l'équipe première

En demandant l'agrément, le PSG a appuyé sur l'accélérateur. "Quand on a des ambitions comme le Paris Saint-Germain, c'était naturel, affirme Sabrina Delannoy. Honnêtement, dans le cahier des charges, on remplissait déjà 80% des conditions. On était déjà dans de bonnes conditions avec le sport-études, mais là on a encore franchi une étape." Sonia Haziraj, qui dispose du BEFF (brevet d'entraîneur formateur de football), a été recrutée en tant que nouvelle directrice technique, un médecin embauché, et le nombre de joueuses est passé de 20 à 34. Avec le PSG, Lyon, Fleury, le Paris FC, Montpellier et Bordeaux ont tous obtenu l'agrément pour un centre de formation féminin, rendu possible grâce au plan de développement du football féminin dévoilé en avril 2023.

Les joueuses du centre de formation du PSG, à l'entraînement, au centre Ooredoo, le 10 octobre 2023. (Hortense Leblanc)

Au centre Ooredoo, les jeunes Parisiennes partagent donc les mêmes installations (terrains, cantine...) que les joueuse de l’équipe première. "On peut voir comment se situer par rapport à elles, et ce qu'il faut faire pour progresser", se réjouit Alyssa Fernandes, gardienne de l'équipe U19. "Si le staff pro a besoin d'une joueuse, on a juste à aller la chercher, elle n'est pas loin", complète Sabrina Delannoy. "En étant basées ici, avec uniquement des gens du PSG, on se sent vraiment joueuses du PSG", poursuit Alyssa Fernandes. "C’est plus strict que ça ne l’était au sport-études, il y a plus de règles. Les journées sont plus chargées, avec plus de cours et d'entraînements qu'avant, mais on est au PSG, donc on a une image qu'on doit respecter", complète Naolia Traoré, milieu de terrain. 

Une mixité encouragée mais encore timide

Faute de place au Camp des Loges, où sont hébergés les garçons, les 31 joueuses internes sont logées à dix minutes de route des terrains d'entraînement, mais tous se retrouveront à Poissy dans le même bâtiment dédié à la formation. Il faut donc tenter de faire cohabiter les sections féminines et masculines, alors que les garçons ont toujours été habitués à la non-mixité des centres de formations. "Ça ne nous a pas changé notre quotidien, mais ça nous rapproche plus de la vraie vie. Ce sont des footballeuses, elles sont là pour faire le même sport que nous, avec les mêmes objectifs. Mais pour l'instant, on ne se mélange pas trop. Le soir on dîne ensemble, mais on reste avec nos groupes d'amis", admet Noah Cousin, gardien des U17. "On est toujours dans une phase de pudeur", confirme Sabrina Delannoy.

Au moment de s'installer en classe, filles et garçons gardent leurs distances. "Dans l'ensemble, les filles ont été bien intégrées, mais on voit qu'il y a des clans, avec les filles d'un côté de la salle, et les garçons de l'autre, observe Eddy Kebli, professeur d'éco-droit et professeur principal de la terminale STMG. On a fait des travaux de groupe sur un projet de création d'entreprise, et les filles se sont mises ensemble. Globalement, elles sont plus studieuses et plus investies en cours, donc je vais mettre un plan de classe pour les mélanger et créer une synergie de groupe"

Pour tenter de les rapprocher un peu plus, le PSG organise aussi des activités de cohésion, comme une sortie à la Tour Eiffel en début de saison, ou bien des ateliers d'éloquence mixtes, puisque les lycéens de secondes participeront à un concours d'éloquence entre centres de formation à la fin de la saison. Ce soir-là, ils participent à leur deuxième atelier. "Apparemment on va être mélangés avec les filles en binôme, je ne sais pas qui a eu cette idée", murmure-t-on du côté des garçons. Mais au fur et à mesure que la séance avance, l'appréhension disparaît, et les jeunes footballeurs sont incités à échanger et à se poser mutuellement des questions. Avec la présence des filles, alors que les jeunes sont amenés à choisir des sujets de débats, le thème du football féminin est le plus évoqué, et les garçons sont amenés à argumenter sur leurs positions : pour ou contre la mixité en centre de formation ? Des joueuses peuvent-elles être meilleures que des joueurs ? Est-ce normal que les garçons du centre soient payés et pas les filles ? 

En atelier d'éloquence, filles et garçons sont incités à former des binômes mixtes. (Hortense Leblanc)

Si les garçons du centre de formation peuvent bénéficier de contrats aspirants ou stagiaires, qui leur assurent une rémunération durant la formation, ces dispositifs n'existent pas encore pour les filles. "Elles ont une convention de formation et la fédération travaille pour aligner les conditions et les statuts des filles et des garçons", explique Sabrina Delannoy. Et si les joueuses ne sont pour l'instant pas rémunérées, le club voit l'ouverture du centre de formation comme un moyen de sécuriser leur avenir. "Il est arrivé qu'on forme des joueuses qui sont ensuite parties pour d'autres clubs. Avec l'agrément, cela va nous permettre de recevoir des indemnités de formation dans ce cas de figure. Ça valorise le travail de nos équipes", poursuit la directrice sportive adjointe. 

Avec 34 joueuses âgées de 15 à 19 ans, la formation du PSG féminin ne compte pour l'instant qu'une seule équipe engagée en championnat officiel, en U19 national. Les joueuses non retenues pour ces matchs disputent régulièrement des rencontres amicales, mais le PSG envisage à l'avenir d'ouvrir son centre à davantage de joueuses pour créer une équipe réserve qui pourrait être engagée en D3.

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