Saluts fascistes, lévriers et courants d'air : une petite histoire du stade Vélodrome
La nouvelle enceinte de l'OM est inaugurée officiellement, jeudi, après avoir été rénovée en vue de l'Euro 2016 organisé en France. Visite guidée dans le passé parfois agité de ce lieu.
Le Vélodrome nouveau est arrivé. Après plus de trois années de travaux, le mythique stade de Marseille est inauguré officiellement, jeudi 16 octobre, dans sa nouvelle version, par le maire UMP de Marseille, Jean-Claude Gaudin, le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner, et 1 500 invités. La cérémonie est à suivre, dès 11 heures, sur le site de France 3 Provence-Alpes.
Le deuxième plus grand stade français a vu sa capacité portée de 60 000 à 67 000 places. Il accueillera au moins un match des Bleus lors de l'Euro 2016 organisé en France. Avant d'en arriver là , le "Vèl" a vécu, en presque 80 ans, une trépidante histoire.
Piste flambée et fanfare de cheminots
Le Vélodrome est né en 1937 (photo), deux ans avant Jean-Claude Gaudin. Comme son nom l'indique, l'enceinte comprend, à l'origine, un anneau cycliste, qui sert de ligne d'arrivée à dix éditions du Tour de France en trente ans. Quand la piste est mouillée par la pluie, en 1939, on l'asperge d'essence et on y met le feu pour la sécher, raconte Libération. C'est Bernard Tapie, devenu président de l'Olympique de Marseille en 1985, qui décide de supprimer la piste cycliste pour installer des sièges supplémentaires.
Dès ses débuts, s'il accueille du hockey sur gazon, du tennis sur herbe, des courses de lévriers ou encore de la pétanque, le Vélodrome est avant tout la résidence de l'OM. Le déménagement vers ce stade municipal est fraîchement accueilli par certains supporters phocéens, qui avaient financé, dans les années 1920, la construction des tribunes du stade de l'Huveaune, propriété du club marseillais.
L'ambiance dans les tribunes s'enflamme soudainement en juin 1938, lors de la Coupe du monde organisée en France. L'Italie affronte la Norvège, puis le Brésil dans la cité phocéenne. Avant chaque match, pendant les hymnes joués par des cheminots marseillais, les joueurs italiens font le salut mussolinien. Le public, en partie composé d'antifascistes italiens réfugiés, s'insurge, siffle et les cheminots se mettent à jouer L'Internationale. Pas de quoi impressionner les Transalpins, qui remporteront la compétition pour la deuxième fois consécutive.
Le lieu oĂą "les policiers cĂ´toient les voyous"
Un nouvel épisode de l'histoire politique du Vélodrome se déroule en avril 1988, lorsque le candidat du Front national à la présidentielle, Jean-Marie Le Pen, y tient un meeting de campagne, devant les caméras de FR3. Il obtient, au premier tour, un score de 14% au plan national et de 28% à Marseille. Aucun meeting partisan ou syndical n'a, depuis, été autorisé au Vélodrome. Le stade doit "rester un lieu de consensus, un lieu pour le sport, la culture, la fête et l'unité de toutes les communautés", selon les souhaits de Jean-Claude Gaudin.
Exit la politique, mais pas les affaires et les coups d'éclat. Depuis les grandes heures de l'OM, le stade attire la foule, toutes origines confondues. "Le Vélodrome, c'est ce mélange où les avocats et les policiers côtoient les voyous", affirme à L'Opinion l'ancien commentateur sportif et ex-député marseillais Avi Assouly. "Quand on veut refaire notre fiche photographique sur tel ou tel parrain, on va au Vélodrome et on regarde du côté de la tribune présidentielle", confient des policiers à un spécialiste du milieu, interrogé par francetv info.
Sur le terrain aussi, les "bad boys" marquent l'histoire du Vélodrome. Le 12 juin 1998, après avoir marqué le premier but des Bleus face à l'Afrique du Sud en Coupe du monde, l'attaquant de l'OM Christophe Dugarry tire la langue au public et aux journalistes qui l'avaient critiqué avant la compétition. En 2000, lors d'un Marseille-Monaco capital pour les Olympiens qui tentent de se maintenir en Ligue 1, les Marseillais Patrick Blondeau et Christophe Galtier en viennent aux mains avec, respectivement, les Monégasques Marco Simone et Marcelo Gallardo, dans le tunnel menant au terrain, à l'abri des caméras.
"Un couloir que le vent traverse"
Dans les tribunes, malgrĂ© son sang chaud, le public est rĂ©gulièrement refroidi par le Mistral sec et froid qui dĂ©boule de la vallĂ©e du RhĂ´ne. Car lorsque le stade est modernisĂ© et agrandi en vu du Mondial 1998, la mairie de Marseille choisit le projet de l'architecte Jean-Pierre Buffi, qui ne prĂ©voit pas de couverture totale des tribunes. "Le VĂ©lodrome, c'est juste un courant d'air, un couloir que le vent traverse", se dĂ©sole Akhenaton, le leader d'IAM dans So Foot. En 1999, l'entraĂ®neur marseillais Rolland Courbis, citĂ© par le site OM4ever, surnomme le stade "l'enrhumeur".Â
Résultat, faute de toit sur trois des quatre tribunes, les chants s'envolent dans les airs. "Notre stade, c'est le plus vilain de France, peste une fidèle supportrice, interrogée par Libération en 1998. Il n'y a pas d'acoustique." Seuls les plus fervents s'en moquent, comme le résume un slogan des supporters phocéens : "Il pleut, il mouille et on s'en bat les couilles !"
Il faut attendre les travaux de rénovation en vue de l'Euro 2016, entamés en juin 2011, pour que le Vélodrome se mette à l'abri des éléments. "La particularité du projet, c'était la protection face aux intempéries, explique un des architectes du chantier à  Metronews. Toute l'image du projet, on l'a basée là -dessus."
Toi, toi, mon (très cher) toit
Un nouveau stade, c'est joli, mais c'est cher. La facture, critiquée par la chambre régionale des comptes, atteint 268 millions d'euros. "Pourquoi on investit autant dans le stade et pas dans l'éducation de nos enfants ?", s'interrogent des parents d'élèves, mobilisés contre la gestion des cantines, sur le site du Monde.
En juin, la mairie de Marseille révise le loyer annuel que devra payer l'OM, qui passe de 1,5 million d'euros (selon Slate) à 8 millions d'euros. Une augmention qui reste en travers de la gorge des dirigeants olympiens. "A ce montant-là , l'OM n'a pas les moyens de jouer au stade Vélodrome, prévient aussitôt le directeur général du club, Philippe Pérez. Nous n'avons pas d'autre recours aujourd'hui que de lancer la recherche d'un stade de repli."
Quitter le Vélodrome ? Du déjà -vu. En 1965, l'OM retourne dans son stade de l'Huveaune, le temps d'un bras de fer entre le maire Gaston Defferre et le président du club Marcel Leclerc, qui réclame une baisse du loyer. La mairie cède en 1966, lors de la remontée du club en première division. Cinquante ans plus tard, Jean-Claude Gaudin, lui, accepte un compromis en quelques semaines, détaillé par le site de 20 Minutes.
"Naming" et luminothérapie
La charge financière du Vélodrome pourrait bientôt être assumée, en partie, par un partenaire privé, qui verserait quelques millions d'euros par an pour voir son nom apposé à celui du Vélodrome. En France, le "naming" existe déjà , notamment au Mans (MMArena) et à Lyon (Matmut Stadium). Reste à trouver une entreprise intéressée, sans doute à l'étranger, ce que peinent à faire les dirigeants marseillais depuis plusieurs années.
Si les comptables de la mairie font grise mine, la nouvelle pelouse hybride du Vélodrome est, elle aussi, pâlichonne. Mi-gazon, mi-synthétique, elle a eu "du mal à s'enraciner" depuis cet été, reconnaît Arema, la filiale de Bouygues qui a décroché, en partenariat public-privé, le contrat de la rénovation du stade. Le toit privant la pelouse d'une partie de sa lumière naturelle, il faut désormais offrir à l'herbe des séances régulières de luminothérapie.
Et l'OM dans tout ça ? Depuis leurs débuts dans leur nouvelle enceinte, les Marseillais ont perdu contre Montpellier leur premier match de championnat, mais ils ont ensuite enchainé trois victoires. En tête de Ligue 1 après neuf journées, avec cinq points d'avance sur le deuxième, les joueurs de Marcelo Bielsa régalent leur public. Pourvu que ça dure. Après la victoire montpelliéraine au Vélodrome, l'entraîneur héraultais Rolland Courbis (encore lui) a mis en garde les Olympiens contre un effet secondaire de cette nouvelle toiture : "Les sifflets te résonnent dans les oreilles et, ceux-là , ils font beaucoup plus mal qu'avant."
(INFOS ACTUS MARSEILLE / YOUTUBE)
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