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Affaire Brandao : le tunnel, lieu de tous les dangers dans un stade

L'agression de l'attaquant de Bastia sur un joueur du PSG samedi dans le couloir du Parc des princes n'est pas le premier coup fourré qui se soit déroulé dans cette zone très particulière des stades de football. La preuve.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un joueur de football sort du tunnel qui mène au terrain.  (MIKE POWELL / ALLSPORT CONCEPTS / GETTY IMAGES)

Les mauvais coups se déroulent souvent hors-jeu. Et le coup de tête asséné par l'attaquant de Bastia Brandao au milieu de terrain du PSG Thiago Motta dans le tunnel du Parc des princes, samedi 16 août, n'est que le dernier épisode d'une longue série. Depuis que le football existe, les matchs se sont parfois plus joués dans ces couloirs souterrains qui relient le terrain aux vestiaires que sur le gazon. La preuve. 

Idéal pour "foutre la trouille aux adversaires"

Le public exulte. Les deux équipes pénètrent sur le terrain. Le match va commencer dans quelques instants. Mais parfois, il s'est déjà joué avant le coup de sifflet de l'arbitre. Lorsque les deux équipes se jaugent dans le tunnel. Du temps du grand OM des années Tapie, le club phocéen jouait la carte de l'intimidation, se rappelle Basile Boli, défenseur central de l'époque, dans So Foot. "En championnat, on avait l’habitude de laisser les adversaires sortir deux minutes avant nous. On arrivait ensuite en laissant traîner les crampons sur le carrelage." Comme dans un film d'horreur en somme. Arrive l'intimidation verbale. Là encore, Basile Boli se distingue. Défenseur à Auxerre au milieu des années 1980, Basile Boli a la lourde charge de marquer Vahid Halilhodzic, meilleur buteur du championnat, qui porte le maillot du FC Nantes. "J'ai gagné mon match dans le tunnel, se souvient-il. Côte à côte dans le tunnel, je lui ai dit : ‘T'es un homme mort !’ Je lui avais foutu la trouille. Il n'a rien fait."

Pratique pour prendre la main à coup de claques

Quand les mots ne suffisent pas, on sort la boîte à gifles. Spécialiste de l'exercice, Patrick Blondeau, rugueux défenseur de l'OM et de Monaco, dont l'un des titres de gloire reste d'avoir donné un coup de tête à un CRS casqué lors de la demi-finale de Coupe d'Europe entre Marseille et Bologne en 1999. Avant un OM-Monaco capital pour le maintien, en février 2000, Blondeau gifle sans ménagement l'attaquant monégasque Marco Simone et lui lâche : "Ce soir, je ne veux pas voir ta gueule." Malgré l'absence de caméras, l'affaire s'est ébruitée. Cinéphile, Patrick Blondeau parlera "d'une claque style Belmondo dans ses films", relève Libération. Les autres acteurs de la L1 feront à Patrick Blondeau une réputation de "marginal", de "professionnel", serial gifleur dans cette zone qui relie les vestiaires au terrain. Et le tunnel du stade Vélodrome entre dans la légende comme l'enfer des visiteurs. "Rien qu’avec Sochaux, et j’étais jeune, on avait pris des gifles dans le tunnel, raconte Mickaël Madar, ancien attaquant passé par le PSG. Même mon président avait pris un coup !"

Génial pour faire taire 200 000 personnes

Il y a une morale dans le football : les gros bras ne gagnent pas toujours. Et l'équipe d'Uruguay, opposée au Brésil dans le match décisif pour la victoire en Coupe du monde 1950, en est le meilleur exemple. Sûrs de leur force, les joueurs auriverde se taisent, et laissent les clameurs des 200 000 supporters massés dans le stade terrifier les Uruguayens. Avant le match, les dirigeants uruguayens ont juste demandé à leurs joueurs de ne pas prendre plus de quatre buts, histoire de sauver l'honneur. Jusqu'à ce que le capitaine de la Celeste, Obdulio Varela, prenne la parole, raconte Marca (en espagnol) : "Ne pensez pas à tous ces gens et ne regardez pas en haut. Le match se joue ici, en bas, et si nous gagnons, il ne se passera rien. Un match, ça se gagne avec les tripes et avec les pieds." L'Uruguay l'emporte 2-1, causant un drame national au Brésil

Parfait pour révéler sa beauté intérieure face aux Italiens

Autre histoire incroyable, celle de l'équipe du Celtic Glasgow, opposée à l'Inter Milan en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions 1967, à Lisbonne (Portugal). Les Ecossais ne sont pas favoris, et le sentent au moment où les 22 acteurs se regroupent dans le tunnel. Jimmy Johnstone, un des joueurs écossais, raconte au Daily Telegraph (en anglais) : "Je les vois encore qui attendent dans le tunnel, les Facchetti, Mazzola, mesurant tous 1,80 m, avec des bronzages parfaits et des sourires Colgate. Une brochette de jeunes premiers de cinéma. Et ils sentaient bon..." En face, les joueurs du Celtic, pâlichons, à la dentition incertaine, rendent 20 cm sous la toise à leurs rivaux. D'un coup, Bertie Auld se met à entonner à pleins poumons l'hymne du club, The Celtic Song, imité par tous ses camarades. "Vous auriez dû voir la tête que tiraient les Italiens", s'amuse Billy McNeill, cité par le magazine spécialisé FourFourTwo. Ceux que la presse britannique baptisera "les Lions de Lisbonne" déjouent les pronostics et l'emportent 2-1. 

Optimal pour régler ses comptes à l'abri des regards

Le milieu de terrain monégasque Marcelo Gallardo lors du match Monaco-Nancy, le 15 avril 2000.  (PASCAL GUYOT / AFP)

La mi-temps peut être l'occasion de mettre un bon coup de pression sur l'adversaire. L'exemple le plus célèbre en France a lieu à la mi-temps d'un OM-Monaco en février 2000. Le meneur de jeu monégasque, l'Argentin Marcelo Gallardo, est cerné dans le tunnel du stade Vélodrome par des agents de sécurité, et des membres du staff de l'OM. Mystérieusement, les caméras de Canal + ont disparu. Les joueurs monégasques sont maintenus sur le terrain par des stadiers du club phocéen. Le passage à tabac dure trente secondes. Une "éternité" pour Marcelo Gallardo. Un "lynchage" pour le directeur sportif monégasque Henri Biancheri. L'exécuteur des basses œuvres de l'OM, c'est l'entraîneur-adjoint Christophe Galtier, qui explique d'abord que Marcelo Gallardo a frappé le premier, et que dans un "geste d'autodéfense, mon poing est parti", rapporte L'Humanité. La justice ne voit pas les choses de cette façon : elle inflige une forte amende à l'OM, six mois de suspension à Christophe Galtier... mais laisse le bénéfice de sa victoire sur le leader monégasque au club phocéen (4-2 en fin de match). Trois points cruciaux dans la course au maintien. 

Propice pour une belle bataille de pizza

Entre Manchester United et Arsenal, les matchs ont souvent commencé dans le tunnel. Et même fini, une fois, en 2004. La sortie du terrain est tendue entre les deux formations qui dominaient alors sans partage la Premier League anglaise. L'attaquant mancunien Ruud van Nistelrooy affirme avoir été traité de tricheur par Arsène Wenger, le coach français d'Arsenal. Le ton monte avec Sir Alex Ferguson, son homologue de Manchester. Arsène Wenger se met en garde, prêt à en découdre... quand une part de pizza s'écrase sur le visage d'Alex Ferguson. Le défenseur d'Arsenal Ashley Cole raconte dans son autobiographie la suite du "Pizzagate" : "L'écho du bruit de la pizza sur la tronche de 'Fergie' a résonné dans tout le tunnel. Tout le monde s'est retourné vers Ferguson, bouche bée, pour voir cette part de pizza glisser de son visage écarlate, et lentement tomber sur son beau costume noir. Je pensais que Ferguson allait exploser, mais il s'est précipité dans son vestiaire en jurant." Ashley Cole laisse aussi entendre que c'est Cesc Fabregas, jeune recrue d'Arsenal à l'époque, qui serait l'auteur de ce magnifique lancer, entré dans la légende. 

Dangereux pour ses rêves de Coupe du monde

La mésaventure est arrivée à la vedette de l'équipe de Yougoslavie, Rajko Mitić, avant un match décisif face au Brésil au Mondial 1950. Au moment d'entrer sur le terrain, Rajko Mitić se fracasse le crâne sur une poutre du tunnel, pas tout à fait terminé au moment du match. Il ne peut prendre part au début de la rencontre. Pendant qu'il se fait recoudre, son équipe, réduite à 10, est acculée sur son but et finit par en encaisser un. Rajko Mitić est soigné en quelques minutes. Mais son entrée sur le terrain ne permet pas à ses équipiers de remonter au score, raconte Politika (en bosniaque). C'est le Brésil qui dispute la finale, contre l'Uruguay. Rarement tunnel se sera montré si décisif...

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