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Guerre en Ukraine : quel poids peuvent avoir les sanctions sportives à l'encontre de la Russie ?

De nombreux sportifs et fédérations internationales ont pris position en dénonçant ou en sanctionnant Moscou après l'invasion en Ukraine décidée par Vladimir Poutine.

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président russe Vladimir Poutine participe à une réunion avec le chef de l'Union des industriels et des entrepreneurs de Russie, au Kremlin à Moscou, le 2 mars 2022.  (MIKHAIL KLIMENTYEV / SPUTNIK / AFP)

Ce n'est pas nouveau, le sport et la géopolitique ont souvent des intérêts en communs. Depuis le jeudi 24 février et le début de l'offensive militaire russe en Ukraine, les sanctions ont été nombreuses de la part de la communauté internationale. Le sport n'a pas manqué à l'appel. Depuis le début de la semaine, les grandes fédérations internationales, alignées sur les recommandations du Comité international olympique (CIO), ont suspendu ou exclu les athlètes russes et biélorusses des compétitions à venir. Dernière en date, celle concernant les athlètes russes et biélorusses, privés de Jeux paralympiques de Pékin à la veille de la cérémonie d'ouverture.

Des sanctions fortes qui ont marqué un tournant. "Aujourd'hui, la rupture est historique, constate Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport. C'est la fin de l'apolitisme de façade de toutes les institutions sportives, qui se sont alignées sur une décision du CIO. Ces dernières années, on est passé de la suspicion à une condamnation par le sport, jusqu'à une situation d'exclusion."

Utiliser le rayonnement sportif russe pour punir Moscou

Comme d'autres pays avant elle, la Russie de Vladimir Poutine a utilisé le sport comme un moyen de rayonner sur la scène internationale. Sa politique s'est notamment illustrée par l'accueil de grands événements comme les JO de Sotchi en 2014 et la Coupe du monde de football en 2018. "L'idée était aussi nationale, en utilisant le sport dans une volonté patriotique pour mieux contrôler sa population", explique Lukas Aubin, docteur en géopolitique, spécialiste de la Russie et du sport. 

Le président russe, Vladimir Poutine, s'entretient avec le président du Comité international olympique, Thomas Bach, lors d'une rencontre au Kremlin à Moscou, le 15 juillet 2018. (YURI KADOBNOV / AFP)

Dès lors, le sport peut également être utilisé dans le sens inverse pour sanctionner un pays quand il est "récurrent, régulier et le plus visible médiatiquement", analyse Jean-Baptiste Guégan. Les sanctions prises par les fédérations internationales en réponse à l'attaque militaire en Ukraine oscillent entre la symbolique, le politique et le rapport de force. "Il y a cinq ans, on a commencé à sanctionner la Russie après le scandale de dopage. Aujourd'hui, on fait ce qu'on a jamais fait avant, en associant le pays à un niveau de sanction qui n'existe pas normalement. En plus, on met la pression à travers les diffuseurs, les sponsors, l'opinion publique, les joueurs et influenceurs", ajoute le chercheur.

"Le sport fait partie des réponses géopolitiques et l'exclusion sert à la fois à marquer le coup, à toucher l'ensemble de la population car c'est le seul domaine d'activité qui parle à tout le monde."

Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport

à franceinfo: sport

Le message permet donc de contrer le discours de désinformation du chef du Kremlin. "Mine de rien, par le sport vous sanctionnez des gens qui ne sont pas forcément très politisés et qui se demanderont pourquoi le monde entier les sanctionne. Finalement, l'unanimité est plus grande dans le sport qu'aux Nations Unies", ajoute Jean-Baptiste Guégan.

"Ça le touche, on le sait"

Bien que le sport puisse apparaître au second plan face à une guerre qui aurait déjà tué plusieurs centaines de civils ukrainiens, selon le ministère de l’intérieur ukrainien, les sanctions prises ne laissent pas Vladimir Poutine indifférent. "Ça le touche, on le sait. Car toutes les semaines, il se met en scène en train de pratiquer un sport, et appelle sa population à en faire de même. Son implication est politique et personnelle", relève Lukas Aubin.

Le président russe Vladimir Poutine (au centre, cravate rouge), le 15 juillet 2018, à Moscou, lors de la finale de la Coupe du monde.  (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Si les suites de ce conflit et ses répercussions sont difficiles à prévoir, les réponses sportives internationales pourraient bien créer un précédent. "Comment va-t-on réorganiser la gouvernance du sport international à la suite de ce qu'il se passe avec la Russie ? Il n'y a pas que le cas russe qui questionne", rappelle Jean-Baptiste Guégan. Et le chercheur de souligner que plusieurs régimes autoritaires ont désormais également une influence sur la scène sportive mondiale. "Qu'est-ce qui empêche maintenant de sanctionner aussi la Chine, le Qatar ou l'Arabie saoudite par exemple ?”, conclut-il.

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