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Jeux paralympiques : pourquoi la France n'a pas été dans la course

L'équipe tricolore échoue à la seizième place du classement des médailles, devancée par l'Ukraine, l'Iran ou Cuba. Autopsie d'un demi-échec.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Marie-Amélie Le Fur (gagnante du 200 m, le 6 septembre à Londres) a remporté l'une des huit médailles d'or de la France, qui en escomptait seize. (GLYN KIRK / AFP)

SPORTS - Les Bleus terminent à la 16e place du classement des nations aux Jeux paralympiques, qui se sont achevés dimanche 9 septembre. Bien loin de leur objectif de figurer dans le top 10, avec moitié moins de médailles d'or que prévu (huit au lieu de seize escomptées) et derrière des pays comme l'Iran ou Cuba. Autopsie d'un demi-échec.

1Un vivier d'athlètes insuffisant

La fédération française de handisport compte 27 000 licenciés, dont 250 athlètes de haut niveau. Les sélections nationales n'ont donc pas éliminé grand monde, puisque 164 athlètes ont décroché leur billet pour les Jeux de Londres. A titre de comparaison, le Royaume-Uni a envoyé une délégation de 288 athlètes au total, les Etats-Unis 227 et la Chine 282, pour un pourcentage de médaillés bien supérieur. Certes, des défaillances en judo ou en équitation ternissent le bilan des Français, mais le manque de sportifs de haut niveau se fait cruellement sentir. 

"On n'a pas assez d'athlètes pour pouvoir faire émerger les meilleurs", déplore le directeur technique national (DTN) du handisport français, Jean Minier, sur RMCOn prend ceux qui sont là et on essaie d'optimiser leur potentiel. Ça n'est pas une démarche rationnelle de haute performance." En Australie, la fédération handisport a mis en place un programme de détection à l'échelle nationale, "Talent Search", qui lui a permis de dénicher 44 des 161 athlètes qu'elle a envoyés à Londres. Une initiative copiée au Royaume-Uni, pas encore en France.

2Un budget trop léger

"On ne va pas aux Jeux juste pour participer", avait claironné la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, avant le début de la compétition. C'est pourtant ce qui s'est produit dans beaucoup de disciplines. Le mouvement paralympique français, tiraillé entre sa volonté d'offrir la possibilité de faire du sport au plus grand nombre et le rêve de former des athlètes de très haut niveau, doit composer avec un budget de 12 millions d'euros par an. 

La cycliste sur piste britannique Sarah Storey lors de la finale du contre-la-montre dames, le 1er septembre 2012. (GLYN KIRK / AFP)

12 millions d'euros, c'est aussi la somme dont dispose, outre-Manche, l'organisme UK Sports. A la différence près qu'il ne s'occupe que de 300 athlètes handisport de haut niveau (contre 27 000 en France, donc). ll dispose au total d'un budget de 50 millions de livres (plus de 60 millions d'euros) réparti dans toutes les disciplines sur quatre ans, en fonction des chances de médailles. Le cyclisme sur piste, bastion britannique chez les valides comme chez les handisports, est ainsi bien doté, avec 5 millions d'euros. Dans cette discipline, 20 athlètes paralympiques bénéficient d'un salaire versé par UK Sport, le produit de la loterie nationale. Leur équipement est pris en charge, comme chez les valides. Et comme chez les valides, les Britanniques ont régné sans partage sur le vélodrome : 22 médailles, contre 21 à Pékin.

3Un temps de retard sur la professionnalisation

Comment expliquer le succès étonnant de l'Ukraine, 4e nation au tableau des médailles, et qui détient de loin le meilleur ratio médaille/habitant ? Tout est venu d'un homme, Valeriy Shushkevich, ancien athlète handicapé devenu homme politique, qui s'est battu pour que les athlètes handisports bénéficient d'un budget propre, et ne se contentent pas des miettes des valides. Les résultats ne se sont pas fait attendre : l'Ukraine est passée de la 21e place à la 6e entre 2000 et 2004, avant de frôler le podium cette année. Lors de la compétition de foot à 7, les Ukrainiens ont fessé les Britanniques 7 buts à 1.

Commentaire de l'un des perdants, Martin Sinclair, dans The Independent (lien en anglais) : "Ils sont pros à plein temps, nous ne le sommes pas." Idem pour l'autre nation émergente du handisport, le Brésil : une loi garantit que 15% du budget olympique est consacré exclusivement aux athlètes handicapés, ce qui s'est traduit par un bond au classement des médailles.

Le sauteur en longueur français Arnaud Assoumani, seulement second du concours paralympique alors qu'il était favori, le 3 septembre 2012.  (GLYN KIRK / AFP)

En France, on n'a pas pris la mesure de cette course aux armements. Le directeur technique national du handisport français, Jean Minier, a commencé son mea culpa dans le journal L'Equipe : "Nos sportifs sont au niveau, mais il faudrait davantage batailler pour accéder aux podiums. On a eu beaucoup de difficultés à anticiper le niveau réel de la concurrence."

La France accuse aussi un temps de retard dans l'encadrement. Soucieuses de briller à domicile, les autorités britanniques sont allées jusqu'à débaucher un des meilleurs entraîneurs de tennis de table au monde pour aider les pongistes handisport à franchir un palier. Du jamais-vu en France, où beaucoup de coachs sont bénévoles.

Le retour des athlètes français a eu lieu ce lundi 10 septembre, en Eurostar comme les valides, mais sans défilé sur les Champs-Elysées. Au même moment, l'équipe britannique, valides comme handicapés, était acclamée dans les rues de Londres par une foule considérable. Comme un symbole du retard français dans le handisport.

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