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JO 2016 : la natation française en plein naufrage à Rio

Un palmarès en berne, des nageurs qui se disputent, des entraîneurs et d'anciens champions qui règlent leurs comptes : l'équipe de France de natation a sombré à Rio.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Florent Manaudou, le 12 août 2016, après avoir fini deuxième de la finale du 50 mètres nage libre aux Jeux olympiques de Rio (Brésil). (MARTIN BUREAU / AFP)

Les malheurs de l'équipe de France de natation se poursuivent aux JO de Rio (Brésil). Lundi 15 août, dans la baie de Copacabana, la nageuse Aurélie Muller a cru, le temps de quelques minutes, avoir décroché la médaille d'argent du 10 km eau libre, avant d'être disqualifiée pour obstruction

Après une première semaine déjà bien triste dans les bassins olympiques, entre contre-performances sportives et luttes intestines, la "famille" de la natation tricolore n'en finit plus de laver son linge sale en public. 

Un piètre bilan 

Zéro médaille d'or pour la natation française : une première depuis les JO de Sydney en 2000. Le compteur des nageurs tricolores plafonne à trois médailles : deux d'argent dans les bassins cariocas et une de bronze en eau libre. Ni Florent Manaudou ni le relais 4x100 m nage libre messieurs n'ont réussi à conserver leur titre olympique, se contentant  à chaque fois de la deuxième place. Aux Jeux de Rio, les Bleus ont plongé. Mais cette absence de résultats était prévisible, avec des grands champions à bout de souffle et une relève inexistante.

Le psychodrame du relais 4x200 m

Le relais 4x200 m nage libre masculin était vice-champion olympique 2012. A Rio, il a fini 14e sur 16. Souffrant d'une sinusite et d'une forte fièvre, Yannick Agnel n'a pas pris part au relais en séries, et la France a été éliminée. "Ils nous a abandonnés", a lâché Jordan Pothain, grand perdant des JO pour avoir dû laisser son billet individuel sur 200 m à... Yannick Agnel. En réponse, ce dernier a pointé une erreur de communication et assuré qu'il voulait nager. La direction technique nationale (DTN) a pour sa part réfuté tout amateurisme dans la gestion de l'épisode.

Yannick Agnel le 9 août 2016 en conférence de presse aux JO de Rio (Brésil). (STEPHANE KEMPINAIRE / DPPI MEDIA / AFP)

Un règlement de comptes en public

Cette absence de résultats a soulevé d'inévitables critiques. Mais l'encadrement français a eu du mal à les accepter et a choisi de régler ses comptes devant la presse, notamment avec ses anciens champions olympiques. Des "adieux lunaires" relatés par Le Monde.

"Je ne considère pas qu'on fait partie de la même famille de la natation", a ainsi lancé Romain Barnier, l'entraîneur en chef des Bleus, à Alain Bernard, en pleine conférence de presse de bilan. L'ancien champion olympique avait fustigé l'"amateurisme" de la gestion de la crise du relais 4x200 m et du cas Yannick Agnel, et avait comparé l'équipe de France à un navire à la dérive sans "vrai chef". "Je n'ai jamais eu l'impression de faire partie de la même famille que Romain", a rétorqué l'ex-star de la natation française.

L'affaire des critères de sélection comme point de départ

La crise couvait, bien avant Rio. Elle avait même pris un vilain tour en juin, lors d'un stage de l'équipe de France à Marseille. Lionel Horter, le coach mulhousien de Yannick Agnel, et Mathieu Burban, l'entraîneur marseillais, en étaient venus aux mains pour une triste histoire de ligne d'eau qu'ils ne voulaient pas partager, rappelle le JDD.

La gestion de l'équipe de France par le "clan des Marseillais", incarné par Romain Barnier, semble cristalliser les antagonismes. Les opposants pointent également le cas Jacques Favre, un Marseillais, nommé il y a dix-huit mois au poste de DTN, alors qu'il n'a été ni nageur de haut niveau, ni entraîneur.

L'affaire des critères de sélection a été la goutte de trop. En vue des JO, l'encadrement des Bleus et la Fédération française de natation avaient établi des critères stricts et exigeants de sélection. Lors des championnats de France, en avril, très peu de nageurs ont réalisé les temps exigés. Parmi eux, la star Yannick Agnel, au cœur d'un imbroglio concernant sa course, le 200 m nage libre. Seuls une quinzaine de nageurs auraient dû composer la sélection olympique. Mais, quelques jours plus tard, coup de théâtre : la fédération décide d'amener 28 nageurs à Rio, provoquant l'incompréhension.

Lionel Horter coache Yannick Agnel le 31 mars 2016 à Montpellier durant les championnats de France. (PASCAL GUYOT / AFP)

Une direction sur le banc des accusés

Alors que nageurs, entraîneurs et anciens champions se déchirent, L'Equipe souligne la '"discrétion étonnante" à Rio du président de la Fédération française et chef de la délégation française au Brésil, Francis Luyce, qui s'est contenté de faire part de sa "déception" et de son "insatisfaction" face à des résultats qui "ne sont pas à la hauteur de nos espérances". Un homme désormais sur des charbons ardents.

Pour l'ancien DTN Claude Fauquet, qui avait accompagné les premiers grands succès de la natation française de 2001 à 2008, il y a "urgence" à "reconstruire""Soit Francis Luyce s'entoure de gens compétents, soit il démissionne", tance Claude Fauquet dans un entretien au Parisien, lundi. La championne olympique Laure Manaudou, elle aussi, s'invite dans la polémique, interpellant le président de la fédération, se disant "inquiète" pour l'avenir de la natation française et proposant même ses services. 

La rentrée s'annonce animée. Notamment la course à la présidence de la fédération. Francis Luyce, en poste depuis vingt-trois ans, pourrait prétendre à un septième mandat.

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