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Skis à roulettes, "Couscous Rockett" et entraînement express : qui est Samir Azzimani, skieur de fond franco-marocain ?

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Samir Azzimani participe aux JO de Vancouver (Canada), le 23 février 2010. (MAXPPP)

Il sera au départ du 15 km libre en ski de fond à Pyeongchang. Franceinfo vous raconte son parcours... atypique.

"J’en rêvais depuis si, si longtemps." En évoquant ce qu'il est en train de vivre, il ressemblerait presque à un enfant. Samir Azzimani, skieur franco-marocain, sera au départ du 15 km libre en ski de fond, vendredi 16 février. Agé de 40 ans, il participe à ses deuxièmes Jeux olympiques. Ce qui ne l’empêche pas, depuis son arrivée à Pyeongchang, en Corée du Sud, d’être émerveillé par tout ce qui l’entoure.

De Levallois à Vancouver

Pour en arriver là, il a surmonté des "obstacles immenses", mais celui que ses amis surnomment "Couscous Rockett" arbore toujours un large sourire. Né à Levallois-Perret, Samir Azzimani a passé toute sa vie dans les Hauts-de-Seine. "Mes parents sont arrivés du Maroc dans les années 1970 pour trouver du travail", raconte-t-il à franceinfo. Sa mère est alors femme de ménage et son père "mécano". Dans ce contexte familial, impossible pour lui de dire qu’il s’intéresse aux sports d’hiver, qu’il a découvert en classe de neige. "C’est comme si je disais que je voulais aller voir la Lune ! On m’aurait pris pour un grand rêveur", compare Samir en riant. A l’école, quand il ose parler de son envie de glisser sur les pistes, ses camarades se moquent de lui, comme il le raconte à France 3.

Pourtant, il tient tête. Au fil des classes de neige, il prend goût aux descentes. Jusqu’à sa toute première compétition, en décembre 2000 alors qu'il décide de passer professionnel. "Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour, je passerais du touriste au skieur de compétition", s’étonne-t-il. Une joie de courte durée quand il comprend qu'il n'a pas le niveau.

On pense qu’on est bon skieur, mais quand il faut passer entre les piquets [de slalom], ça change tout ! C’est comme un gars qui a une belle voiture, qui se prend pour un pilote. Sur un circuit de Formule 1, il ne sait plus conduire.

Samir Azzimani

à franceinfo

Pour lui, les pistes enneigées qu’il connaissait deviennent du "béton armé". A côté des autres, son équipement semble celui d'un amateur. "J’étais la mascotte, pas un concurrent", se souvient Samir, qui se plaît aujourd'hui à raconter l’anecdote.

Il ne réussit pas à se qualifier pour les Jeux de Salt Lake City en 2002 et une blessure l’empêche de voir les anneaux olympiques de Turin en 2006. A force d'acharnement, il finit tout de même par se qualifier en ski alpin pour les JO de Vancouver (Canada) en 2010, dix ans après ses premiers pas dans le milieu professionnel. "J'ai commencé à réaliser que j'étais finalement en train de réaliser mon rêve après tous ces efforts", écrivait-il sur son blog. Celui qui représente son pays d'origine lors de la cérémonie d'ouverture termine 44e au slalom et 74e au slalom géant.

Samir Azzimani porte le drapeau marocain à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Vancouver (Canada), le 12 février 2010. (LEON NEAL / AFP)

La traversée du Maroc en ski (à roulettes)

Samir Azzimani est fier de le dire : il est le premier athlète de l’histoire à être passé, aux JO, du ski alpin au ski de fond. Pas assez préparé pour concourir à Sotchi (Russie), en 2014, l'athlète décide en effet de changer de sport. "J’étais moniteur de ski, en 2013. J’étais à la bourre dans ma préparation et je cherchais un sport qui pouvait me redonner de l’endurance", explique-t-il. La réponse se trouve sous ses yeux : "J’ai vu passer un skieur de fond devant moi et je suis allé louer une paire pour essayer. Par défi." Les débuts, encore une fois, sont difficiles. "Je devais tout changer. Alors qu’en ski alpin, c’est la puissance pure qui est importante, en ski de fond, c’est la patience." Lors des premières descentes, il se sent "ridicule".

J’étais à des années-lumière de penser que c’est la discipline qui m'emmènerait aux JO.

Samir Azzimani

à franceinfo

Pour mettre toutes les chances de son côté, il va même jusqu'à s'entraîner dans les dunes du Maroc, où il retourne régulièrement. En 2013, il a traversé son pays d'origine en ski… à roulettes, d'Oujda à Laayoune, pendant six semaines. "Les gens s’arrêtaient, me prenaient en photo, me klaxonnaient. Ils me prenaient pour un fou", s’amuse-t-il. Cette originalité lui a valu le surnom de "Couscous Rockett", en référence au film Rasta Rockett. "Mais je ne veux pas être 'Couscous Rockett' en ce moment. Aujourd’hui c’est Samir Azzimani, qui va aux Jeux", défend-t-il.

Pour se qualifier à Pyeongchang, Samir Azzimani a dû dire adieu au soleil et aux applaudissements. Les deux derniers mois ont été intensifs pour la petite équipe. "On met les bouchées triples. On est en train d’affiner sérieusement son gabarit", décrit son entraîneur Denis Boissière, à quelques jours de l’épreuve, prévue vendredi. Pour le coach, toute la préparation a dû être repensée pour les qualifications. "Techniquement, c’est un boulot très différent. Il a cinq ans maximum de ski de fond derrière lui", souligne ce spécialiste contacté par franceinfo. Samir Azzimani trime jusqu'au bout. "Je vais devoir y aller. Il veut que j’aille courir... Je ne sais pas où je vais trouver la motivation. Je suis mort", confie-t-il au téléphone. "Courir par -20°C, quelle idée !"

Le skieur franco-marocain Samir Azzimani s'entraîne avant les Jeux olympiques de Pyeongchang (Corée du Sud). (FRANCE 3)

Pistes "magnifiques" et selfies avec Fourcade

Mais "tout ça, ce n'est pas offert. Ca coûte une maison", insiste l'athlète. Outre les efforts physiques, il a fallu "beaucoup, beaucoup d’investissements" pour parvenir à Pyeongchang. Pour être sûr de concourir en Corée du Sud, Samir Azzimani a donc enchaîné les petits boulots. "Chauffeur à Roland-Garros, animateur, ouvrier, serveur, homme de ménage dans des centres de vacances, moniteur de ski", énumère-t-il. "Et tellement d’autres", soupire le quadragénaire, qui a aussi reçu l’aide de ses amis et de son comité olympique. "Depuis juillet 2017, ils me donnent 850 euros par mois. C’est une bourse de solidarité olympique", détaille le skieur.

Samir Azzimani ne veut pas se plaindre. Surtout pas. "Je ne pleure pas ! Vu ce que je vis, pleurer ce serait faire la star qui a un cheveu dans sa soupe." D'autant qu'à ses yeux, il a déjà atteint son objectif : il est à Pyeongchang et il en profite. "Les pistes sont magnifiques. C’est incroyable. J’en rêvais, je suis super heureux." Pour lui, sa présence prouve qu'"on peut croire en ses projets". Sur place, il joue même les "groupies" et se prend en photo avec les grands noms. "J’ai rencontré Tessa Worley et Martin Fourcade ! C’était génial", dit-il, admiratif. Il dit bien connaître l’équipe de France, avec fierté. "Je leur fais la bise. Je leur ai ramené des drapeaux pour qu’ils viennent m’encourager", raconte-t-il en riant.

Cerise sur le gâteau, le Maroc l'a mis à l'honneur, le 9 février, en le désignant porte-drapeau de la délégation nationale lors de la cérémonie d'ouverture. Un honneur récompensant "toutes ces galères, toutes ces années", et dont il s'est réjoui sur Facebook

Pour Samir Azzimani, "l’important, c’est de représenter le Maroc et ouvrir la porte à la future génération", comme il l'explique dans cette vidéo de présentation. S'il a conscience qu'il ne grimpera sans doute pas sur le podium à l'issue de son épreuve, vendredi, il aura au moins réussi à prouver qu'"au Maroc, on n'a pas besoin de neige pour faire du ski de fond" et atteindre le haut niveau.

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