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Yannick Agnel, la carrière supersonique d'un surdoué, retraité à 24 ans

Champion olympique à 20 ans et retraité à 24 ans, l'ex nageur, mis en examen pour viol, a connu une carrière fulgurante.

Article rédigé par franceinfo avec AFP - Léo-Pol Platet
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Temps de lecture : 5 min
Yannick Agnel, le 30 juillet 2012, devient champion olympique du 200 m nage libre aux Jeux de Londres. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Accusé de viol ou agression sexuelle sur mineure de 15 ans, Yannick Agnel a été mis en examen, après avoir reconnu la "matérialité" des faits, samedi 11 décembre 2021. Double champion olympique à 20 ans, retraité à 24 ans, réputé intello, taiseux à l'allure de gendre idéal, il est une figure majeure du sport français. Membre éminent de la génération dorée de la natation française, sa réussite a été fulgurante. Et sa personnalité aussi énigmatique que contrastée. Retour sur sa carrière.

Originaire de Nîmes (Gard), c'est à Nice que Yannick Agnel propulse sa vie dans les bassins sur une trajectoire supersonique. Un trajet finalement court entre les deux villes, mais qui prouve déjà sa détermination. "C'est un solitaire. On devient solitaire pour ne pas être freiné", a dit de lui quelques années plus tard Fabrice Pellerin, l'entraîneur qui l'a mené jusqu'à l'or olympique. "Ça commence à 14 ans quand il décide de venir à Nice et de s'éloigner de ses parents" parce qu'il "avait le sentiment que c'est là qu'il pourrait construire sa carrière", poursuivait alors Pellerin.

Les Jeux Olympiques 2012 comme tremplin...

Plus symbolique, à 17 ans, il affirme une certaine singularité : quand tous nagent en combinaisons en polyuréthane en 2009, lui s'en tient au classique maillot de bain. Cela ne l'empêche pas d'aller vite, et de se créer l'étoffe d'un grand espoir de la natation française, dans le sillage des Alain Bernard, Laure Manaudou, Amaury Leveaux, Fabien Gilot, Fred Bousquet...

Les résultats arrivent vite pour Agnel, sacré champion d'Europe du 400 m nage libre en 2010, à 18 ans, dès ses premiers championnats internationaux en grand bassin. Puis, c'est aux Jeux Olympiques de Londres, en 2012. La natation française connaît alors les résultats les plus glorieux de son histoire. Le Nimois écrit les plus belles pages de sa carrière. Des sept médailles que la France obtient, il est impliqué dans trois : or sur 200 m nage libre et dans le relais 4x100 m, et argent avec le 4x200 m. Sur le 4x100 m nage libre, il termine le travail collectif, et la France renverse dans une totale insouciance les Etats-Unis des champions olympiques Michael Phelps, Ryan Lochte et Nathan Adrian. Un moment d'histoire. 

Le relais français sacré champion olympique du 4x100 mètres à Londres, le 29 juillet 2012. (BRIAN KERSEY / MAXPPP)

... et comme sommet

Après Laure Manaudou et Alain Bernard, et avec Camille Muffat, Florent Manaudou ou encore Camille Lacourt et Jérémy Stravius, Agnel, silhouette longiligne qui dépasse les deux mètres, incarne cet âge d'or. Il a seulement 20 ans.

Mais quand tout porte à croire qu'il a les moyens de devenir un des poids lourds de la natation mondiale, qu'il rêve d'élargir sa palette du 100 m au 400 m, sa trajectoire prend un tournant sinueux.

Au printemps suivant les Jeux de Londres, à bout de souffle et "arrivé à un point de non-retour", il rompt brutalement avec Pellerin, qui l'entraînait depuis sept ans, et songe même à tout arrêter. Il reste dans le bassin, et signe malgré un doublé aux championnats du monde à l'été 2013 (sur 200 m et 4x100 m). Ses derniers titres internationaux. Il croit alors en l'aventure américaine auprès de Bob Bowman, l'emblématique mentor de Michael Phelps, à Baltimore. Mais il s'y épuise et l'expérience ne dure qu'un an.

Avec les Jeux de Rio en tête, il rentre en France, à Mulhouse précisément, à l'automne 2014. C'est dans la ville alsacienne qu'il travaillera jusqu'en 2016 sous la direction de Lionel Horter - l'entraîneur qui a conduit Roxana Maracineanu, l'actuelle ministre délguée aux Sports, à devenir la première nageuse française championne du monde en 1998. Mais la relance n'est pas au rendez-vous.

Yannick Agnel et Camille Muffat posent avec leurs médailles olympiques, le 10 août 2012, à Nice. (MAXPPP)

C'est également dans ces années là, en mars 2015, qu'il se retrouve très affecté par la disparition accidentelle de Camille Muffat. Très liée à la nageuse niçoise, avec qui il a partagé les heures d'entraînements, les souffrances, et la gloire. Cette dernière décède dans un accident d'hélicoptère sur le tournage d'une émission de télé. Une déchirure pour lui.

"Je me suis entraîné quasiment une décennie avec Camille. J’ai partagé des choses sportivement avec elle que je ne partagerai avec personne d’autre, expliquait-il à nos confrères de Télé-Loisirs, deux ans après les faits. On était entre 6 et 8 heures par jour pendant des années et des années ensemble. Je la considérais comme ma grande sœur quasiment".

Sur le rôle qu'a joué le décès de Camille Muffat sur la fin de sa carrière, il précisait : "Ça a été quelque chose d’assez difficile à gérer à l’époque et ça a sûrement précipité les choses, Même encore maintenant, parfois, ce n’est pas facile : je me lève parfois le matin et j'ai l’impression que c’était hier l’accident. Je pense souvent à elle."

Une sortie de piste ratée à Rio

Sa carrière s'achève tristement, à 24 ans, sur des JO de Rio 2016 calamiteux, entre qualification rocambolesque, élimination dès les séries du 200 m, et critiques de ses équipiers du 4x200 m pour son absence.

"Le collectif ne l’intéressait pas outre mesure et cela se vérifiera en 2016 aux Jeux de Rio puisqu’il agira de la même manière en prétextant avoir pris froid", dit de lui Alain Bernard, dans son autobiographie paru en novembre 2021. Son ancien coéquipier le décrit comme une personne "égoïste" et évoque même les "caprices de Monsieur Agnel".

Yannick Agnel lors d'un meeting international de natation, le 23 mai 2015, à Nancy. (PATRICE SAUCOURT / MAXPPP)

À l'époque, Yannick Agnel se montre transparent sur les raisons qui le poussent à arrêter. "Vu les quatre dernières années que je viens de passer, si je m'en retape encore quatre comme ça, vous allez me retrouver entre quatre planches. Donc il ne vaut mieux pas" , lâche alors l'ancien Niçois. "Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça a été difficile. J'ai vécu des moments de bonheur qui m'ont sauvé la peau, mais sportivement, ça n'a pas été une mince affaire", avoue-t-il.

Une reconversion dans les médias

Celui qui avait obtenu son bac S avec mention bien, avec sa facilité à s'exprimer en public et dans les médias, devient consultant, s'investit dans l'esport en tant que directeur sportif du club marseillais MCES.

Le nageur s'était également lancé dans l'écriture, et devait publier le mois prochain "Les Racines du soleil", un récit portant sur l'histoire de son grand-père. Les éditions Arthaud ont annoncé lundi à l'AFP que la sortie du livre était annulée.

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