Cet article date de plus de trois ans.

Yoann Miangué, du taekwondo au foot US, le rêve américain de la NFL à portée de main

Alors que le Super Bowl arrive sur les écrans du monde entier dans la nuit de dimanche à lundi, le Français Yoann Miangué est parti le 31 janvier pour tenter sa chance en NFL grâce à un programme de développement mis en place par la prestigieuse ligue de football américain pour les meilleurs espoirs internationaux. L'ex-champion olympique de la jeunesse en taekwondo rêve de devenir le deuxième français à jouer un match officiel en NFL.
Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8 min
Ancien champion de France de taekwondo, Yoann Miangué va intégrer le programme de développement NFL Pathway.

C’est un pas de géant en avant mais aussi un mur immense qui attend Yoann Miangué. Moins de deux ans après avoir découvert le football américain, voilà déjà le colosse toulousain (1,96 m, 130 kg) dans l’antichambre de l’élite de sa discipline. Le 30 décembre dernier, il a été nommé parmi les 11 joueurs internationaux choisis pour l’édition 2021 du NFL Pathway*, un programme de développement pour les jeunes espoirs hors des États-Unis. 

Une progression fulgurante pour le joueur du Flash de la Courneuve, un des meilleurs clubs français, et de l’équipe de France. Arrivé sur le tard au jeu de mains qu’est le football américain, c'est avec ses pieds qu'il a connu ses premiers succès sportifs. Charmé dès ses quatre ans par les cris et les coups de pied tournoyants du taekwondo, Yoann Miangué est devenu champion olympique de la jeunesse en 2014, à Nankin (Chine), y ajoutant deux titres de champion de France senior en 2017 et 2018.

Mais un décès brutal en décembre 2018, celui de sa mère, précipite son arrêt. "Elle était très présente dans ce projet taekwondo avec moi. Sans elle, il n’avait plus de sens. Elle me suivait partout, elle était même là en Chine pour le titre", explique-t-il. Dobok (kimono de taekwondo) rangé définitivement, virage à 180 degrés. 

En équipe de France après trois mois de pratique

En 2019, direction la Seine-Saint-Denis et le Flash de la Courneuve, le plus grand club de la discipline en France. Son gabarit fait rapidement des merveilles. "On m’a mis directement avec les élites. Je me suis dit ‘Wow, ça va vite !’ Au début, j’étais largué sur les règles. J’ai appris, j’apprends toujours et j’essaye d’assimiler le plus rapidement possible", observe celui qui a été positionné joueur de ligne défensive.

Un poste qu'il n'avait pas anticipé, mais qui convient mieux à son physique colossal. "À la base, je voulais être linebacker car j’adore ce poste : tu es juste derrière la ligne défensive et tu es le maître de la défense. Puis quand j’ai vu le boulot que ça demandait, j’ai compris que ça n’aurait pas forcément été une bonne idée !", ajoute en riant Yoann Miangué. "Son gabarit ne correspondait pas au poste de linebacker. Il était un peu trop lourd et lent. Il est explosif sur une courte distance. Sur une plus longue c’est compliqué, donc on l'a replacé sur la ligne défensive", complète son coach au Flash de la Courneuve Nicholas Simmoneau.

Après un an et demi d’apprentissage accéléré, la nouvelle tombe le 30 décembre dernier : il est sélectionné parmi les onze meilleurs espoirs mondiaux pour participer au NFL Pathway. Au programme : dix semaines de préparation intensive à l’IMG de Bradenton (sport études), en Floride pour un retour le 11 avril, avant de, peut-être, intégrer l’élite : l’effectif final des 53 joueurs d'une des 32 équipes NFL. "C’est un peu comme si tu repartais de zéro, avec en ligne de mire le Pro Day (29 avril au 1er mai). Le but est d’intégrer la practice squad (un groupe de joueurs signés par une équipe mais qui ne participent pas aux matches officiels), et ensuite faire partie de l’effectif final", continue l'ancien champion de France de taekwondo.

Une timide internationalisation de la NFL

Pour entrer en NFL, deux options sont possibles : la première est le parcours universitaire en Amérique du Nord, comme l’a tenté Anthony Mahoungou, passé par l’université de Purdue (Indiana) avant de tenter d'intégrer les Philadelphia Eagles. La seconde est par le biais d'un programme de développement, comme l'avait fait Sébastien Sejean en 2007, en passant par le programme de la NFL Europe, désormais supprimé. "A mon époque, il existait encore la NFL Europe, soit la ligue mineure où venaient les joueurs NFL qui ne jouaient pas beaucoup, explique l’ancien joueur des Rams de Saint-Louis. Il y avait des quotas de joueurs non-américains à avoir : des Mexicains, des Européens et des Japonais. Avec la crise financière de 2008, la NFL a fermé la NFL Europe et il n’y a pas eu de programme de développement à l’international jusqu’au Pathway", explique Sébastien Sejean.

Initié en 2017, le NFL Pathway a relancé un circuit d’intégration international au point mort. De quoi tenter de mondialiser une ligue très autarcique et recluse sur elle-même, puisqu’aucune ligue secondaire n’existe aux Etats-Unis. "Depuis sa création en 2017, ce programme fait partie des efforts continus de la NFL pour renforcer l’arrivée d’internationaux", se félicite Damani Leech, l’opérateur en chef du secteur international de la NFL.

Ethique et agressivité

Autour des dix autres "prospects", ces joueurs à haut potentiel, Yoann Miangué a-t-il sa chance ?  Le Français a en tout cas deux atouts non négligeables pour espérer un jour intégrer la grande ligue : son gabarit et sa connaissance de l'exigence du haut niveau. "C’est un joueur atypique car il vient d’un sport de haut niveau. On n’a pas eu besoin de lui apprendre une éthique de travail. Sa force, c’est son physique, et le mental qui va avec son passé dans le taekwondo. Il a un gros avantage, c’est qu’il comprend immédiatement ce qu’il faut faire pour réussir", détaille son coach Nicholas Simmoneau. "Je suis quand même assez grand et imposant donc ils ont essayé de l’exploiter au maximum", ajoute le défenseur.

Point à travailler dans une ligue où la place se prend plus qu'elle n'elle se donne : son agressivité, dans une ligue qui en regorge. "Sa "faiblesse", c’est qu’il est gentil. Généralement, je demande aux joueurs d’être virulents sur le terrain, et Yoann ne l’est parfois pas assez. Si on ne le pousse pas dans ses retranchements, il a du mal à l'être. En NFL, il va en rencontrer des gens virulents !", anticipe Nicholas Simmoneau.

Voir le post sur Instagram

Sur les traces de Richard Tardits

Au-delà de son profil atypique, le défenseur du Flash (22 ans), l'un des plus jeunes des 11 espoirs appelés vers la NFL, compte un autre avantage technique : sa position de joueur de ligne défensive. "C’est une position où si on a un physique, on s’améliore rapidement. Il va se développer très rapidement dans ce programme, analyse Sébastien Sejean, lui aussi joueur défensif. Certes il n’a que deux ans d'expérience, mais durant ce programme, il va manger et dormir football. Il se peut qu’il ne soit pas pris cette année, mais il faut qu’il continue à se développer pour que cela arrive en 2022", assure le vétéran de 37 ans. 

À la fin du programme en avril, Yoann Miangué en saura beaucoup plus sur ses chances d'intégrer pour de bon un effectif NFL, ce qu’un seul Français a réussi à faire dans l’histoire : Richard Tardits, qui a disputé 27 matches de NFL entre 1990 et 1992. Par la suite, Philippe Gardent, Marc-Angelo Soumah, Anthony Dablé et plus récemment Anthony Mahoungou n’ont pas réussi à passer la sélection finale.

Obstacle insurmontable pour le jeune Toulousain ? Absolument pas. "Je ne me dis pas du tout que c’est impossible. C’est une motivation de faire partie des 53, je ne me pose pas de questions. Ma manière de faire depuis deux ans a payé, donc on va continuer sur cette voie. Si ça ne le fait pas, tant pis, j’aurai peut-être une deuxième chance et je suis encore jeune", ambitionne Yoann Miangué.

Sébastien Sejean, s’est lui aussi arrêté tout proche de l’effectif chez les Rams de Saint Louis en 2008 après avoir disputé des matches de présaison. Le vétéran sait donc la difficulté de l’entreprise. "Tout est possible si les ingrédients sont là : s’il s'entraîne, s’il met toutes les chances de son côté, et s’il écoute les personnes autour, les spécialistes de la discipline tout comme ceux qui n’y connaissent rien car ils ont parfois le meilleur recul. Il a une opportunité, qu’il la saisisse, et pourquoi pas ?",  souhaite-t-il à Yoann Miangué.

Aujourd’hui, seuls trois joueurs issus du Pathway sont présents dans des effectifs NFL : l’Allemand des New England Patriots Jakob Johnson (Fullback), l'Australien des Philadelphia Eagles Jordan Mailata (Tackle) et le Britannique Efe Obada (Defensive End). Des joueurs de devoir plus que des stars, mais surtout des motifs d’espoirs pour les 11 sélectionnés.

Un plafond de verre pour les étrangers ?

Reste un point qui n’a rien à voir avec le niveau intrinsèque des heureux élus : la nationalité. Qu’ils soient Européens, Canadiens ou Japonais, très peu de joueurs non-Américains obtiennent le sésame. "Si les Américains ont à disposition un joueur américain et un Français avec la même qualité de jeu et qui apportent la même chose sur le terrain, ils vont plus se tourner vers l’Américain, déplore Sébastien Sejean. Ce n’est pas pour une raison discriminatoire, mais pour une histoire d’affinités. C’est compréhensible. Mais par rapport à il y a vingt ans, les Américains savent désormais grâce aux réseaux sociaux qu’un joueur qui n’est pas né sur le continent américain peut performer", se réjouit celui qui a conclu sa carrière aux Molosses d'Asnières-sur-Seine en 2018.

Car la NFL est impitoyable : la ligue la plus "bankable" du monde entretient son propre modèle : pas de ligue mineure, des contrats partiellement garantis, haussant le niveau demandé chaque année. "C’est extrêmement concurrentiel. Les places sont chères en NFL. Les joueurs titulaires sont excellents, les remplaçants sont de très bons joueurs. Aujourd’hui, le foot américain en France survit grâce aux subventions du ministère. Il faudra un jour un joueur européen avec l'opportunité de jouer à une position qui l’expose, et que les sponsors suivent derrière", conclut Sébastien Sejean. A Yoann Miangué de démontrer qu'il peut épouser ce rôle dans le futur.

 

*NFL Pathway : Programme de développement international mis en place par la NFL depuis 2017 sur dix semaines. L’objectif final est de permettre à quelques élus parmi les onze joueurs sélectionnés d’avoir une chance d’intégrer une équipe NFL. En 2021, les onze membres sélectionnés sont : Aaron Donkor (Allemagne), Taku Lee (Japon), Yoann Miangue (France), Leonel Misangumukini (Autriche), Adedayo Odeleye (Royaume-Uni), Ayo Oyelola (Royaume-Uni), Max Pircher (Italie), Sammis Reyes (Chili), Bernhard Seikovits (Autriche), Lone Toailoa (Nouvelle-Zélande) et Alfredo Gutierrez (Mexique).

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.