: Reportage "L'enjeu, c'est l'avenir de la santé des enfants" : une école francilienne teste les 30 minutes d'activité physique quotidienne
Depuis septembre 2020, 7 000 écoles primaires ont mis en place trente minutes d'activité physique quotidienne, en complément des heures d'EPS.
Dans la cour des CP de l'école Polangis de Joinville-le-Pont (Val-de-Marne), les 25 élèves de Laurent Blairon enchaînent joyeusement les sprints. Un peu trop d'ailleurs, aux oreilles de l'enseignant. "Vous n'avez pas besoin de crier si vous avez rattrapé votre camarade. Il suffit de le toucher." Progressivement, les enfants prennent le pli : revenir, calmement, sur le côté vers la ligne de départ. Se remettre en rang, puis courir de nouveau, les bras en l'air puis dans le dos, et en marche arrière. Enfin, dernier défoulement, des sprints en chantant ! "Au retour, vous marchez en silence", avertit le professeur. Après trente minutes d'exercice et un rapide passage aux toilettes pour se rafraîchir, les petits athlètes retrouvent leur bureau d'écolier.
"Les élèves disposent de deux heures de pause le midi. Les trente minutes d'activité physique qu'on vient de faire leur permettent de se défouler, et de se remettre plus facilement au travail, explique Laurent Blairon. S'ils sont bruyants, l'activité remet un cadre, s'ils sont léthargiques parce qu'ils se sont ennuyés lors de la pause, alors elle va les réveiller." L'instituteur fait partie des premiers à avoir mis en place le dispositif "trente minutes d'activité physique quotidienne", lancé par le ministère de l'Education nationale en septembre 2020, dans la perspective des Jeux de Paris 2024.
Agir sur la santé des enfants
Testé dans l'académie de Créteil en 2020, notamment à l'école Paul-Bert dans la ville voisine de Nogent-sur-Marne où enseignait précédemment Laurent Blairon, le dispositif a depuis essaimé : au total, 7 000 écoles et 500 000 élèves l'ont expérimenté. "L'enjeu, c'est l'avenir de la santé des enfants, qui sont de plus en plus sédentaires. L'objectif est de créer des habitudes, de leur faire comprendre qu'il est normal de bouger chaque jour", explicite Nadège Prigent, conseillère pédagogique qui a participé au lancement de l'expérimentation. Parallèlement, même si pour l'heure aucune étude ne démontre des progrès, le but est de développer les capacités motrices des écoliers et leur endurance.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande aux enfants et adolescents de pratiquer une heure d'activité physique, d'intensité modérée à élevée, chaque jour. Et la régularité importe plus que la quantité – il vaut mieux bouger trente minute chaque jour que marcher une unique fois le samedi durant trois heures. "Parmi les 6-10 ans, 46% sont considérés comme inactifs, c'est-à-dire qu'ils n'atteignent pas les recommandations en activité physique de l'OMS. Or, on constate que plus les enfants grandissent, plus ils sont inactifs, notamment les filles", rappelle Alicia Fillon, chargée de mission à l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps).
Le 14 novembre avait lieu la journée mondiale du #diabète. L'occasion de revenir sur les bénéfices de l'activité physique en prévention primaire.#diabetes #Diabetesday #DiabetesAwarenessday #ActivitePhysique #prevention pic.twitter.com/lAl9da79jf
— Onaps (@Onaps_officiel) November 15, 2021
Le dispositif a donc été imaginé pour aider les enfants à atteindre le niveau d'activité physique recommandé. Le postulat ? Plus tôt les bonnes habitudes seront prises, plus elles auront des chances de durer. "Les études ont démontré que jouer sur le niveau d'activité physique d'un enfant va autant améliorer sa condition physique et sa santé dans l'enfance – limiter les risques de développer de l'obésité, du diabète, un cancer... – que jouer sur son niveau d'activité physique une fois adulte, et donc sa santé future", ajoute Alicia Fillon.
Un complément au sport hebdomadaire
Ces trente minutes quotidiennes ne remplacent pas les trois heures d'éducation physique et sportive, dont la finalité est de transmettre des compétences. "En heure de sport, je vais corriger. En activité physique, mon objectif est d'abord qu'ils bougent", précise Laurent Blairon, qui a positionné ce temps les mardis, jeudis et vendredis. Les enseignants disposent d'une très grande latitude pour mettre en place le dispositif : l'activité peut être fractionnée, se dérouler sur le temps de classe – de quoi briser la sédentarité – ou sur les récréations – pour faire bouger les enfants inactifs –, et à toute heure de la journée. Avec des bénéfices à chacune des organisations.
"En le positionnant en fin de journée, les enfants ont l'impression de finir plus tôt. C'est utile lors des journées chaudes. En début de matinée, cela peut aider ceux qui viennent à l'école à reculons. En fin de matinée, c'est une respiration. Après le déjeuner, cela les recadre", illustre Laurent Blairon, qui constate que les enfants sont "très demandeurs". "C'est un moment où ils sont tous en réussite. Il n'y a pas d'enjeu d'évaluation ou de concurrence. Faire de l'activité physique ensemble cimente le groupe."
Le manque de temps, principal frein
Pour s'inspirer, les enseignants volontaires disposent de fiches leur proposant une multitude de jeux pour mettre les élèves en mouvement. "Chaque école labellisée a reçu un kit, composé de ballons, mini-haies, plots, chasubles, cerceaux", explique Nadège Prigent, la conseillère pédagogique. Laurent Blairon, lui, mesure sa chance de trouver, au pied de sa salle de classe, une cour réservée aux élèves de CP. "Je peux me décider au dernier moment, je n'ai que la porte à pousser." A l'inverse, pour les établissements avec des espaces extérieurs réduits, ce n'est pas toujours simple de cohabiter. Et en pratique, rares sont les fois où la séance dure véritablement trente minutes en raison du temps d'installation ou de l'attention volatile des élèves.
Frein principal au développement de ce dispositif encore peu connu : le manque de temps. Avec un programme déjà chargé, rogner sur le volume horaire scolaire rebute certains enseignants. "Parfois il ne se passe plus grand chose en classe. C'est un autre moyen de faire se reconcentrer les élèves", répond Nadège Prigent.
Quant à savoir si l'expérimentation peut être généralisée, quelques questions subsistent. "Si le dispositif est rendu obligatoire, il faudra l'inclure dans les trois heures de sport ou bien alléger le programme ailleurs, avance Laurent Blairon, attaché à la liberté pédagogique dont disposent les enseignants. Je pense qu'il vaut mieux laisser de la souplesse. Moi, mon truc, c'est le sport. Mais d'autres collègues vont plutôt développer l'art par exemple."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.