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Rugby : Antoine Dupont, seul avec du monde autour

Le demi de mêlée toulousain a été nommé meilleur joueur de l'année 2021, vendredi. Une récompense pour couronner un début de carrière linéaire.

Article rédigé par franceinfo: sport - Elio Bono
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Antoine Dupont, lors de la victoire des Bleus contre l'Argentine (29-20) début novembre, vient d'être nommé meilleur joueur de l'année 2021. (FRANCK FIFE / AFP)

"Ce mec est à un autre niveau. Personne ne peut rivaliser actuellement." Le mythique demi de mêlée All Black Aaron Smith a vu juste en adoubant Antoine Dupont début février. Dix mois plus tard, le Toulousain a été sacré meilleur joueur de l'année 2021 par World Rugby, vendredi 9 décembre. Un trophée des plus prestigieux, puisque seuls deux Tricolores, Fabien Galthié en 2002 et Thierry Dusautoir en 2011, l'ont remporté avant lui. "Toto" sur le toit du monde, tout sauf une blague au vu du parcours linéaire de ce demi de mêlée hors-normes.

L'histoire démarre à Castelnau-Magnoac, dans les Hautes-Pyrénées"Le dernier village avant le Gers", aime tant à rappeler Dupont pour situer son patelin. Né en 1996, le jeune Antoine tâte la balle ovale dès ses premiers pas, dans la lignée de son père, son frère ou son oncle. "On se souvient tous de ce blondinet à la bouille ronde avec son ballon", racontait en 2019 à l'AFP Bernard Verdier, maire de la bourgade de 800 âmes où vit toujours la famille Dupont.

"Tous mes souvenirs d’enfance tournent autour de ce sport, du ballon ovale. Il n’y avait pas d’école de rugby au village et des bénévoles s’occupaient d’encadrer les gamins."

Antoine Dupont

Fédération française de rugby, en 2017

Ses passes vissées et ses cannes endiablées lui permettent de rejoindre le FC Auch Gers dès l'âge de 15 ans. Il y reste trois ans, le temps de grandir aux côtés de son pote Anthony Jelonch et de connaître ses premières capes chez les moins de 17 ans. Le temps, aussi, de hisser le FCAG en finale du championnat de France Crabos 2014, les moins de 18 ans. Une première pour le club auscitain, défait par un Racing – déjà – porté, entre autres, par Camille Chat et Boris Palu.

Lancé très jeune à Castres

Ce rendez-vous manqué, Antoine Dupont l'a disputé... en position d'ouvreur. "En jeunes, j'ai joué au centre puis je suis passé en 10 ou en 15", confiait-il cet été à Sud Ouest. C'est Serge Milhas, son entraîneur à Castres, qui le fixe au poste de demi de mêlée. À l'issue de son arrivée dans le Tarn à l'été 2014, tout s'enchaîne : à peine bachelier et pas encore majeur, "Toto" entre en jeu face au grand Leinster.

Antoine Dupont en 2015 sous le maillot de Castres, ici lors d'un match à Toulouse. (PASCAL PAVANI / AFP)

Couvé par l'emblématique Rory Kockott et jamais très loin du fidèle Anthony Jelonch, il apprend et devient un habitué des sélections espoirs. Son manager Christophe Urios lui accorde une confiance importante, jusqu'à figurer parmi les meilleurs espoirs de l'année 2016. Puis, quelques mois plus tard, le graal : Dupont, 20 ans, découvre les Bleus. Marcoussis, le Stade de France et la Marseillaise : cette fois, le gamin des Hautes-Pyrénées touche à l'excellence. "J’avais l’impression que la réalité était virtuelle…", indique alors le demi de mêlée sur le site de la Fédération.

International à vingt ans

Un baptême du feu en Italie puis un match d'anthologie contre le pays de Galles (victoire 20-18... acquise vingt minutes après la sirène) initient l'idylle entre Dupont et les Bleus. Laquelle sera scellée quelques mois plus tard, contre les All Blacks. Pas impressionné par le haka et le prestige de son vis-à-vis Aaron Smith, il livre une prestation de haute volée quelques jours avant son vingt-et-unième anniversaire. Jusqu'à être élu homme du match et faire la Une de L'Equipe, malgré une défaite amère (18-38).

En réalité, cela fait déjà quelques mois que Dupont a basculé dans une autre dimension. Transféré au grand Stade Toulousain à l'été 2017, il intègre une institution en perte de vitesse, piteux 12e de l'exercice précédent. Surtout, ce fils d'éleveurs de porcs noirs de Bigorre redécouvre une Ville rose où il a passé son baccalauréat.

"Toulouse, c’était la grande ville, une grosse métropole où je ne me sentais pas du tout à l’aise. En une année, je ne suis jamais allé une seule fois place du Capitole !"

Antoine Dupont

Fédération française de rugby, en 2017

Ces mauvais souvenirs n'empêchent pas le supporter des Rouge et Noir – gamin, il peuplait régulièrement les tribunes toulousaines – de s'adapter. Rapidement propulsé titulaire, une blessure le freine toutefois dans sa progression lors du Tournoi 2018. Les "croisés" tant redoutés sonnent le premier accroc de sa jeune carrière. Mais ils renforcent, aussi, son appétit : Antoine Dupont revient à la bonne heure pour mener le Stade Toulousain vers le Brennus en 2019.

2021, année de la maturité

Son premier trophée couronne une année 2019 prometteuse : jusque-là remplaçant derrière Baptiste Serin et Morgan Parra, il gagne sa place lors du Tournoi. Son assurance et sa folie lui permettent de disputer le Mondial au Japon dans la peau d'un titulaire. Deux essais contre l'Argentine et le pays de Galles, pour définitivement s'imposer aux yeux de la planète ovale.

Antoine Dupont lors du quart de finale du Mondial 2019 perdu contre le Pays de Galles (20-19), à Oita au Japon. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Mieux, le numéro 9 enchaine avec un Tournoi 2020 stratosphérique, à l'issue duquel il sera élu "meilleur joueur". Nouvelle coqueluche d'un public français qui réapprend à aimer sa sélection, Dupont acquiert le surnom de "ministre de l'Intérieur", en raison de sa faculté à se montrer au soutien de ses coéquipiers. Sa vitesse, ses appuis fous, sa rudesse en défense et ses passes millimétrées le font entrer dans la galaxie des plus grands.

Comme si l'élève avait dépassé le maître, il fait vivre un enfer à Aaron Smith lors de la victoire détonnante des Bleus à Saint-Denis en novembre 2021 (40-25). Une partie que "Toto" a abordé dans un rôle nouveau de capitaine, après la blessure de Charles Ollivon. Signe d'une certaine maturité au plus haut niveau, et ce même si ses vingt-cinq ans lui augurent un avenir radieux. 

"Maturité" est sans aucun doute le terme qui sied le mieux au cru 2021 du Toulousain. Champion de France et d'Europe avec son club, il croque chaque rencontre comme un ogre dont on peine à savoir s'il finira par être rassasié. Multi-titré à Toulouse et désormais reconnu sur le plan individuel, Dupont va désormais s'attarder à un immense défi : garnir un palmarès toujours vierge avec sa sélection. Avec Anthony Jelonch, évidemment.

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