Coupe du monde de rugby : l'Afrique du Sud épinglée par l'Agence mondiale antidopage, l'affaire en cinq questions
C'est une affaire qui vient entacher l'image d'une nation. En pleine Coupe du monde de rugby, l'Afrique du Sud a été épinglée, le 5 octobre dernier, par l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour "non-conformité" avec le code mondial antidopage. Le pays avait jusqu'au 14 octobre pour régulariser sa situation, sous peine de sanctions. En ce dimanche 15 octobre, jour du quart de finale choc entre la France et l'Afrique du Sud, franceinfo: sport revient sur cette affaire qui n'en est qu'à son début.
Que reproche l'AMA à l'Afrique du Sud ?
Le 22 septembre, en pleine Coupe du monde de rugby, l'Afrique du Sud est épinglée par l'Agence mondiale antidopage (AMA), pour "non-conformité" de la législation sud-africaine au code mondial antidopage, révisé en 2021. Deux ans sont ainsi donnés aux nations afin de leur permettre d'apporter les modifications législatives nécessaires pour ratifier le code. "Les pays sont obligés d'adapter leur législation en fonction de ce nouveau code mondial antidopage, et d'apporter des ajustements législatifs et juridiques nécessaires pour être conformes. C'est très souvent un travail technique", nous explique l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Si le motif exact de cette "non-conformité" n'a pas été précisé par l'AMA, celle-ci a toutefois confirmé à franceinfo: sport qu'il s'agissait de la "première procédure de non-conformité liée à la législation de l'Afrique du Sud".
L'AMA avait donné à l’Afrique jusqu'au 14 octobre pour mettre sa législation en conformité avec ce nouveau code, mis à jour tous les six ans. Une injonction qui concerne également les Bermudes. Le pays, qui joue son quart de finale face à la France dimanche, "disposait de 21 jours après la date de réception de la notification formelle de non-conformité pour contester l'allégation de non-conformité de l'AMA, ainsi que les conséquences et/ou les conditions de réintégration proposées par l'Agence", précise un communiqué de l'Agence mondiale antidopage, publié le 10 octobre.
Si son laboratoire de Bloemfontein, jusqu'ici certifié par l'AMA, s'est vu imposer une restriction d'analyses depuis le 5 septembre, ceci n'a pas de lien avec l'affaire actuelle, a confirmé l'AMA a franceinfo: sport. Certaines de leurs méthodes d'analyses sont en effet non-conformes. Le laboratoire sud-africain a ainsi six mois pour les modifier, sous peine de se voir retirer son accréditation pour procéder aux analyses antidopage.
Quelles sanctions encourent les sportifs sud-africains ?
En cas de sacre, les Springboks pourraient-ils se voir retirer leur titre ? "Pas du tout, assure l'AFLD. Parmi la liste des sanctions, celle-ci n'apparaît pas. En aucun cas, les sanctions ne concernent les résultats sportifs. L'Afrique du Sud ne pourra pas perdre son titre." "L'exclusion de la participation à la Coupe du monde n'était pas l'une des conséquences proposées", confirme à son tour l'AMA.
Les sanctions possibles reposent sur la fin des financements de l'Agence mondiale antidopage, l'interdiction de siéger dans les instances de l'AMA, d'accueillir des compétitions internationales et, plus symbolique, de hisser le drapeau national et de chanter l'hymne. Ces sanctions sont pour l'heure suspendues, jusqu'à la décision du TAS. Si ce dernier donnait raison à l'AMA, le pays devra alors adapter sa législation en fonction de ce code mondial antidopage. Les sanctions seront effectives tant que la situation législative du pays n'a pas changé.
Quelle a été la réaction de l'Afrique du Sud ?
Après quelques jours de silence, l'Afrique du Sud a annoncé le 10 octobre avoir fait appel auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) de la décision de l'Agence mondiale antidopage, pour éviter l'application de sanctions immédiates, qui auraient concerné en premier lieu les Springboks lors de la Coupe du monde de rugby. Le délai de 10 jours ne permettant pas à Pretoria, capitale du pays, de se mettre dans les clous, l'appel interjeté auprès du TAS à Lausanne (Suisse) vise à "retarder" les effets de la décision de l'AMA, a déclaré le ministre des Sports Zizi Kodwa, lors d'une conférence de presse, le 10 octobre.
Et d'épargner au pays un embarras majeur. "Ce peut en effet être vu comme un moyen de gagner du temps pour lancer le travail législatif afin d'aboutir à un amendement qui sera voté dans les mois qui viennent", confirme l'AFLD. "En conséquence, l'allégation de non-conformité est mise en suspens et les conséquences ne s'appliqueront pas tant que le TAS n'aura pas rendu sa décision", a écrit l'AMA dans le même communiqué du 10 octobre.
Ce retard administratif a d'ailleurs provoqué l'ire de Mark Alexander, le patron de la Fédération sud-africaine de rugby. "Nous avons ce problème parce que notre gouvernement n'a pas réussi à faire promulguer une nouvelle législation. C'est une honte. C'est très préoccupant pour notre pays. Ils [le gouvernement] ont été prévenus bien à l'avance", a-t-il déclaré aux médias locaux. De son côté, le ministre des Sports a assuré avoir proposé les modifications réglementaires nécessaires au Conseil des ministres la semaine dernière et qu'il avait demandé que le projet de loi fasse l'objet d'une procédure accélérée au sein du système parlementaire. "Je suis convaincu que l'AMA reconnaîtra ces efforts comme un engagement à adopter la législation amendée et à suspendre la déclaration de non-conformité", a-t-il déclaré.
Pourquoi l'annonce de l'AMA intervient en plein Mondial ?
Dans cette affaire, au-delà du motif, c'est surtout le timing de l'AMA qui interroge. "Ce qui se passe avec l'Afrique du Sud est exacerbé avec la Coupe du monde de rugby, où une partie du monde a les yeux rivés sur l'événement et dans un contexte où l'Afrique du Sud a connu des suspicions de dopage, notamment en 1995, quand elle a remporté son premier titre", souligne Laurent Benezech, ancien pilier de l'équipe de France, qui a dénoncé dès 2013 les méfaits du dopage dans le rugby et auteur de Rugby, où sont tes valeurs ? (Éditions de La Martinère).
"On peut en effet se poser la question sur le timing, observe auprès de franceinfo: sport une source proche de l'AMA. C'est assez rare que ce genre d'affaire concerne un pays aussi exposé que l'Afrique du Sud. Peut-être se sont-ils servis du Mondial pour ce soit plus coercitif ?" D'autant plus que l'AMA se réunit plusieurs fois par an lors de comités exécutifs, qui leur permet de prendre ce genre de décision. D'ailleurs, avant celui de septembre 2023, l'AMA s'était réunie en comité exécutif en mai. "Le processus était toujours en cours au moment de la réunion du mois de mai 2023", a répondu l'AMA. Le prochain se tiendra le 16 novembre prochain. Contactée, l'Agence sud-africaine antidopage n'a pas donné suite.
Pourquoi l'Afrique du Sud a-t-elle directement été mise sous une procédure de non-conformité ?
D'ordinaire, les pays concernés sont ajoutés à une liste de surveillance afin de les alerter sur la non-conformité de leur législation avec le code mondial antidopage."Il s'agit de mesures intermédiaires qui interviennent dans un premier lieu. On accorde ainsi aux pays un délai supplémentaire de quatre mois pour corriger les non-conformités, précise l'AFLD. Actuellement, vous avez par exemple l'Algérie, l'Angola, d'Equateur, la Mongolie, le Maroc et les Philippines dans ce cas. Cette étape suppose néanmoins que l’organisation concernée propose des mesures correctives et s’engage sur un calendrier, ce qui n’a vraisemblablement pas été le cas pour l'Afrique du Sud qui a eu directement une sanction plus sévère."
De son côté, l'AMA confirme que cette "liste de surveillance de conformité concerne les cas où le signataire est en mesure d'indiquer clairement la manière dont la non-conformité sera traitée et de fournir un calendrier précis à cet effet dans un délai de quatre mois. Les autorités sud-africaines n'ayant pas fait cela, la liste de surveillance n'était pas la voie à suivre dans ce cas", a justifié l'instance mondiale auprès de franceinfo: sport. Le processus de contrôle de conformité de l'AMA consiste d'abord "à identifier la non-conformité, puis à travailler avec le signataire pour y remédier. Ce n'est qu'en dernier recours que l'AMA ouvre une procédure de non-conformité à l'encontre d'un signataire", souligne l'Agence mondiale antidopage.
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