Rugby : en première division féminine, exigence sur le terrain et débrouille en dehors
Une pluie fine, un terrain synthétique... Les joueuses de Bobigny et de Grenoble se sont rendu coup pour coup en match de championnat de première division de rugby féminin, l'Elite 1, dimanche 6 octobre. Mais dès la sirène, les enjeux redeviennent communs puisque, pour elles, presque toutes amatrices, le lendemain "il faut être au travail". Le match, initialement programmé à 15 heures a justement été avancé de deux heures ; une demande du club de Grenoble afin de rentrer plus tôt du long voyage en bus qui va suivre
Défaites 24-10, les Grenobloises, quarts-de-finalistes de la saison passée se battaient sans leurs meilleurs éléments, six internationales tricolores actuellement au Canada pour disputer la compétition Women XV avec l'équipe de France. Les joueuses internationales, à XV ou à VII, sont les seules à bénéficier d'un statut semi-professionnel, avec un salaire pris en charge par la fédération, qui a en échange la priorité pour les matches et les rassemblements.
Pour les autres, les rémunérations liées au rugby sont avant tout des "défraiements" et demeurent minimes, souligne Léo Brissaud l'entraîneur de Grenoble."Aujourd'hui, une des premières cause d'arrêt" dans le rugby féminin de premier plan est causée par la différence entre "le niveau d'exigence attendu et les conditions dans lesquelles on met les joueuses", estime-t-il.
Sur le banc d'en face, Clémence Gueucier la directrice sportive de Bobigny, ne dit pas autre chose. Si, "ce n'est pas le même marché" par rapport au Top 14 masculin, "globalement, on demande à des joueuses d'avoir un taux d'investissement quasiment identique: regarder les matches, faire de l'analyse, trois fois par semaine de la muscu au minimum, des entraînements (...) la récup, se développer individuellement..."
Des joueuses parfois retenues au travail
"Ca nous arrive qu'il y ait des joueuses qui nous disent 'en fait je ne peux pas jouer car mon employeur ne me libère pas'", raconte-t-elle. Le budget de l'équipe féminine de Grenoble tourne autour de 350.000 euros pour une saison selon Léo Brissaud, et celui de Bobigny autour de 400.000 euros, d'après Marc-Henri Kugler, coordinateur de la filière féminine, un chiffre qui a doublé en cinq ans. "Le rugby féminin se professionnalise par les structures" avec des kinés, des aides pour se loger, ou, dans le cas de clubs ayant des équipes masculines professionnelles, par les équipements à disposition mais "pas par les joueuses", faute d'un modèle économique suffisant, observe-t-il.
Aucun diffuseur ne s'est manifesté pour le championnat et l'entrée des 150-200 personnes présentes à Tremblay-en-France pour encourager les Louves, en grande majorité des femmes, est gratuite. La fédération française de rugby, qui organise la compétition, a lancé cette saison une nouvelle formule afin de gagner en "qualité de jeu" et en "visibilité", décrit Brigitte Jugla, vice-présidente de la FFR chargée du rugby féminin. Des discussions sont aussi en cours pour mettre sur pied une compétition européenne de clubs qui n'existe toujours pas.
De seize équipes, réparties en quatre poules, avant la pandémie, le championnat français est passé à dix équipes qui vont s'affronter en phase régulière dans une poule unique. Six d'entre elles sont liées à des clubs professionnels, au contraire des quatre autres.
Parmi ces dernières figure Bobigny, qui a réussi à se sauver in extremis la saison passée quand l'autre club de l'Ile-de-France, le Stade français, est descendu. Rennes, Lille et Blagnac sont les trois équipes également dans cette situation. "Il y a un travail de fond encore à mener. Mais ça avance" estime Clémence Gueucier, elle-même ancienne internationale du rugby à VII.
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