Top 14 : transferts, jokers médicaux, salary-cap... Comment fonctionne le mercato du rugby ?
Les transferts de joueurs sont de plus en plus fréquents dans le monde du rugby. Décryptage.
Non, il n’y a pas que le Tournoi des six nations dans la vie. Alors que les Bleus ont réalisé le Grand Chelem, et qu'il reste encore cinq journées de saison régulière en Top 14, les présidents de clubs accélèrent pour boucler leur effectif de la saison prochaine. Est-ce à dire que le rugby est en pleine période de transferts ? Officiellement, non. D’après la Ligue nationale de rugby, la période de mutations s’étend sur les mois de mai et juin. Pourtant, les mouvements et les discussions se déroulent sur une période beaucoup plus longue. Plongée au cœur du marché français des joueurs de rugby.
Le nom de Melvyn Jaminet revient depuis plus d'un an parmi les rumeurs de transfert. Le joueur de l'USAP, qui évoluait en Pro D2 la saison passée, a explosé aux yeux du grand public en juin dernier. Titulaire avec le XV de France en Australie, il a brillé, pour s'emparer, depuis, du numéro 15 chez les Bleus. Son Tournoi des six nations ne va pas faire faiblir l'intérêt des prétendants. Il n'est pas le seul.
Dans le foot, il y a deux périodes de transferts : de juin à août, ainsi que tout le mois de janvier. Si le rugby français a officiellement une seule période de mercato, de mai à juin, la réalité est toute autre. “Les négociations démarrent assez tôt, vers le mois de novembre”, pose Jean-François Fonteneau, président du SU Agen (Pro D2). Pour lui, le mercato n’en est d’ailleurs “pas vraiment un”. Les clubs sont en effet sur le pont tout au long de l’année pour peaufiner leurs effectifs.
"Un joueur sous contrat n’a pas le droit de s’engager avec un autre club plus d’un an avant la fin de son contrat”, explique Clément Marienval, agent affilié à la Fédération française de rugby. L'exemple le plus trivial voudrait donc que les mutations concernent seulement des joueurs en fin de bail. Mais si le président de la LNR, René Bouscatel, s'est dit dans les colonnes du Figaro "contre les transferts", ces mouvements sont désormais légion.
Historiquement, la signature de Benjamin Fall de Bayonne au Racing 92, dès 2010, a marqué une sorte de tournant. On retrouve aujourd'hui de l'ordre "de dix à vingt (transferts) par saison", selon cet agent, pour des sommes qui se comptent en centaines de milliers d'euros. Cela n'atteint que très rarement le million, même pour les plus grandes stars.
Construire un effectif, un travail de longue haleine
Ces chiffres, même non négligeables, restent très éloignés du football. “Mais les clubs qui lâchent des joueurs contre une indemnité ne le font pas en leur défaveur”, poursuit Clément Marienval. Les budgets des plus grosses écuries de Top 14 ont beau dépasser les 30 millions d’euros, les folies sont exceptionnelles.
Pour construire un effectif, c'est un travail de tous les instants. “Il faut faire en sorte que tous les contrats n’expirent pas en même temps. Dans l'idéal, on cale tout sur la durée de contrat du manager”, explique le président d'Agen, Jean-François Fonteneau.
En plus, les dirigeants doivent faire face à deux contraintes majeures. En moyenne sur une saison,16 des 23 joueurs sur une feuille de match doivent être issus de la formation française (JIFF). Autre obligation : la masse salariale d’un club ne doit pas dépasser, hors exceptions, 10,9 millions d’euros. Ce quota, largement supérieur au salary-cap anglais, permet aux clubs français d'avoir la mainmise sur les plus grandes stars internationales.
Mais, il a été revu à la baisse la saison dernière dans un championnat toujours plus ouvert, où les effectifs atteignent rapidement la quarantaine de joueurs pour faire face aux blessures et autres doublons.
Le Stade Toulousain réagit au départ de Cheslin Kolbe.
— Stade Toulousain (@StadeToulousain) August 27, 2021
Retrouvez notre communiqué officiel
Malgré tout, ces transferts se font parfois en cours de saison. Toulon a ainsi racheté le contrat de Cheslin Kolbe à Toulouse en août dernier. Cette temporalité accrédite la thèse d'un marché dérégulé dans le temps, à l'inverse du football et ses périodes clairement établies.
Pour ne rien arranger au schmilblick, chaque équipe a droit à deux jokers médicaux et trois joueurs supplémentaires au cours d'une saison. "Ce n'est pas très simple à gérer, il faut trouver le bon joueur et qu'il soit disponible au bon moment", avoue le président du SUA. Le club lot-et-garonnais a, par exemple, enrôlé cinq éléments qui l'ont aidé à se sortir d'une mauvaise passe en Pro D2.
"Je comprends que ce soit compliqué à suivre pour le grand public ! Mais c'est la modernisation du rugby pro qui veut ça."
Clément Marienval, agent affilié à la FFRfranceinfo: sport
Avant d'embrasser une carrière d'agent, Marienval, 36 ans aujourd'hui, a joué comme trois-quart centre dans plusieurs clubs français. Il a donc expérimenté la précarité d'un milieu déjà très restreint en 2006. "J'avais signé très tôt à Lyon, alors en Pro D2, depuis Brive. Mais ils ont fait une saison catastrophique et se sont sauvés d'une descente en Fédérale 1 sur le fil. Là, il y avait un vrai stress", se souvient l'agent seize ans plus tard.
En s'engageant parfois un an à l'avance, difficile de se prémunir d'aléas sportifs contraires. Certes, des clauses existent pour libérer un joueur pré-engagé avec un club relégué. "Mais ça, ils ne le savent que très tard. Et derrière, ils n'auront pas forcément d'autres opportunités", conclut-il. Dans un marché des plus restreints, les places restent chères.
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