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Rugby : pourquoi n’y a-t-il pas de Coupe d’Europe chez les femmes ?

Née en 1996, la Coupe d'Europe masculine n'a toujours pas de pendant féminin.

Article rédigé par Justine Saint-Sevin, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
L'ASM Romagnat et Blagnac lors de la finale d'Elite 1, le 20 juin 2021. (RENAUD BALDASSIN / MAXPPP)

Foot, basket, hand, volley, les sports collectifs majeurs en France ont tous droit à leur compétition européenne au féminin. Tous sauf un : le rugby. Pourtant, comme nombre d'entre eux, il a brillé lors des Jeux olympiques de Tokyo en ramenant une médaille d’argent, en rugby à 7. Encore plus récemment, pendant la tournée d’automne, les Bleues du XV de France ont étrillé la concurrence et marqué les esprits en dominant par deux fois les Néo-Zélandaises. Alors pourquoi nos rugbywomen n’ont pas (encore) une Champions Cup ou un Challenge européen à se mettre sous la dent ? Brigitte Jugla, ancienne joueuse et vice-présidente de la Fédération française de rugby (FFR) chargée du rugby féminin, nous explique tout.

Le casse-tête du calendrier

Sachez-le, le projet est dans les cartons de l’European Professional Club Rugby (EPCR), organe dirigeant des coupes d’Europe, qui a sollicité les différentes fédérations nationales au printemps dernier. "Ils nous ont dit qu’ils avaient très envie de créer une coupe d’Europe féminine. Ils ont notamment notifié l’Angleterre, l’Écosse, le Pays de Galles pour nous sonder et il s’est avéré que nous étions tous intéressés", débute Brigitte Jugla.

Il est encore très difficile d’envisager quoi que ce soit, il faut notamment déterminer sur quels créneaux elle pourrait avoir lieu, mais on aimerait qu’elle soit créée pour 2022-2023.

Brigitte Jugla, vice-présidente de la FFR

à franceinfo: sport

Une date qui permettrait à chaque fédération, actuellement en train de réfléchir à leur futur calendrier domestique, d'homogénéiser leurs échéances. "World Rugby est en réflexion aussi. L’objectif va être de caler au mieux les compétitions domestiques de chacun, en fonction des compétitions internationales et d'essayer de trouver une formule qui convienne à tout le monde", ajoute-t-elle. Point encourageant, le calendrier français se rapproche déjà de celui de son meilleur ennemi anglais.

Un groupe très resserré de concurrentes

Mais si compétition il y a, pour espérer qu’elle puisse séduire, la future coupe d'Europe ne peut pas se contenter d’une bataille entre clubs français et clubs anglais. Au total, 14 club évoluent en Élite 1 - si on compte l'AS Bayonne qui a déclaré forfait pour l'ensemble de la saison en novembre - contre dix en première division anglaise. L’un des freins reste aujourd’hui le niveau hétérogène du rugby féminin. "Il y a des nations majeures, des équipes majeures dans les championnats domestiques, et elles sont peu nombreuses. Les titres, les phases finales tournent toujours autour des mêmes équipes. Au niveau international, dans le Six Nations, le partage se fait entre l’Angleterre et la France, même si l’Ecosse a évolué du fait notamment de son investissement dans le rugby féminin et montre plus de choses."

En Élite 1 - appellation du championnat français - les jeux sont à peine plus ouverts. Si la suprématie montpelliéraine a été bousculée l'an passé (l’ASM Romagnat a remporté le titre en 2021 après trois années de règne héraultais), les coéquipières de Safi N'Diaye ont remporté 6 des 10 dernières éditions. Et ces dernières saisons, "quatre, cinq clubs sont toujours en haut du tableau", rappelle la vice-présidente. Dans le lot, les incontournables Blagnac, Stade Toulousain et Montpellier.

Néanmoins, ce sacre est loin d’être anecdotique pour Brigitte Jugla. "C’est une preuve que les écarts se gomment pour les clubs qui s’investissent. Et nous travaillons pour que ça continue, pour que tout le monde puisse monter en puissance et trouver plus de plaisir. Sur notre territoire, nous avons des clubs en Elite 1 qui pourraient jouer la coupe d’Europe, mais c’est très dispersé. On est encore en construction", souligne-t-elle.

La santé des joueuses en question

Surtout, là où leurs homologues masculins disposent souvent d’effectifs pléthoriques pour négocier les compétitions, les joueuses des clubs potentiellement concernés par une future coupe d’Europe sont souvent déjà particulièrement sollicitées. "Certaines jouent en équipe de France à XV et ou à 7, mais aussi en championnat. Il faut faire très attention à leur santé. En plus, on manque de licenciées pour combler les trous. Il n’y a pas un effectif très fourni pour jouer et répondre à la multiplication des matchs", prévient la vice-présidente.

Il y a eu un bon de 45% en quelques années, mais on ne peut pas se comparer au handball où ils ont 158 000 licenciées. Nous, on en a 38 000. Avant toute chose, on doit poser un socle cohérent pour que tout devienne pérenne.

Brigitte Jugla, vice présidente de la FFR

à franceinfo: sport

L'objectif est certainement aussi d'éviter un dénouement similaire à celui de l'AS Bayonne. En novembre, les joueuses avaient engagé une grève et adressé une lettre ouverte expliquant qu'elles regrettaient de ne pas disposer d’un effectif suffisamment large pour s’entraîner convenablement et de ne pas être écoutées par la direction. 

Le Covid-19 n’aidant évidemment pas, les effectifs se maintiennent ou stagnent-question de point de vue- ces dernières années. Une situation à laquelle la FFR espère remédier rapidement. Pour identifier des solutions, Brigitte Jugla a notamment demandé des études sur la fluctuation des licenciées. "Elles nous ont montré qu’on gagne autant de joueuses qu’on en perd sur les cinq dernières années, 900 par saison environ. Ça veut dire qu’on a perdu 4500 filles, c’est énorme. Pourquoi, comment ? Il faut réfléchir sur tout ça aussi", expose-t-elle.

L'importance du double-projet

Car Brigitte Jugla et la Fédération espèrent faire progresser le championnat tout en permettant à son élite d’évoluer au plus haut niveau. L'un ne va pas sans l'autre. "On a beaucoup de choses à apprendre, le rugby féminin se construit aujourd’hui sans se caler sur le masculin. C’est une vraie volonté de la Fédération, mais aussi des joueuses car cela ne leur correspond pas." En feuille de route, la place cruciale laissée au double-projet. "Pour les équipes de France on est encore en train de réfléchir à comment organiser au mieux du temps pour le projet socio-professionnel, la carrière de rugby. Combien de temps doit être dédié aux études, à la vie de femme ? Certaines veulent-elles aller sur du 100% rugby ?", interroge-t-elle.

La mise en place de contrats fédéraux, synonyme d’une rémunération, (55 joueuses de France 7 et de France XV sont concernées cette saison), puis celle d’une coupe d’Europe irait dans ce sens. Elle permettrait au rugby féminin français de se donner les moyens de côtoyer un peu plus les cimes de son sport.

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