"Sans le sport, je pense que mon fils serait en souffrance", quand le sport améliore les conditions de vie des personnes avec autisme
A l'occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme samedi, franceinfo: sport met la lumière sur les bienfaits du sport face à l'autisme.
En France, environ 600 000 personnes sont atteintes de troubles du spectre autistique (TSA) d'après les chiffres de l'association SOS Austime France. Ce samedi 2 avril a lieu la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme. Considérés comme un handicap depuis 1996, ces troubles sont le résultat d'anomalies du neurodéveloppement et s'expriment notamment par des problèmes de communication, des troubles du comportement, et des altérations au niveau des interactions sociales. La pratique sportive peut participer à une amélioration de leur quotidien.
Le sport pour s'évader, rencontrer, échanger. Comme beaucoup d'autres personnes avec autisme, Kevin Lapeyre ne pourrait plus se passer de sport aujourd'hui. Le jeune homme de 26 ans, installé à Nîmes, a commencé l'athlétisme à l'âge de 12 ans. "Courir me permet d'échapper à mon autisme, et de décompresser. Le sport m'aide au quotidien. Je suis moins nerveux et j'ai davantage confiance en moi", confie le coureur de demi-fond, multiple champion de France de cross et d'athlétisme sur piste en sport adapté. Kevin Lapeyre pratique dans l'un des 1 300 clubs et associations sportives affiliés à la Fédération française du sport adapté. Parmi les 50 000 licenciés que compte la Fédération, près de 10 000 présentent un TSA.
People with autism have the equal right to make their own decisions & choices like everybody else.
— United Nations (@UN) April 1, 2022
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Au fil des années, différentes études ont montré les vertus du sport chez les personnes atteintes de ce trouble. "La pratique d'une activité physique régulière est vraiment bénéfique pour les personnes avec autisme, confirme Elodie Couderc, chargée de développement sport et autisme, et activités motrices au sein de la Fédération française du sport adapté. L'activité physique va participer à un développement des compétences comme l'équilibre, la coordination, la concentration, mais a aussi un effet bénéfique sur le sommeil et l'estime de soi."
Des échanges facilités
Au-delà des bienfaits physiques, le sport permet également de favoriser les rencontres et le lien social. Un effet positif qu'a remarqué Anne Rouleau, mère de Bastien, 22 ans, présentant un TSA, une déficience intellectuelle et atteint d'épilepsie : "Bastien ne parle pas ou très peu. Mais le sport développe la communication et facilite les échanges avec les autres. Par exemple, quand il joue au basket, pour montrer qu'il est heureux, il peut faire une tape dans le dos d'un de ses coéquipiers", relate sa maman, qui est devenue aidant familial pour s'occuper de son fils.
Bastien a fait ses débuts dans le sport grâce à la Fédération française de sport adapté il y a dix ans. D'abord avec le rugby, puis aujourd'hui l'escalade et le basket. Une flexibilité de pratique rendue possible grâce à la Fédération. "Quand on prend la licence en début d'année, vous pouvez aller dans n'importe quel club de sport adapté de votre département pour essayer diverses disciplines", explique Anne Rouleau.
En parallèle, son fils participe aussi aux ateliers de danse de Corps et Arts à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne), et a accès à un créneau d'une heure par semaine à la salle de sport. Au total, Bastien pratique entre trois et quatre activités sportives par semaine. Un rythme soutenu mais devenu essentiel. "Sans le sport aujourd'hui, je pense qu'il serait en souffrance", tranche sa mère. Un constat qu'elle a tiré après le premier confinement : "C'était une catastrophe car tout était à l'arrêt. On était livré à nous-même. Heureusement, nous vivions à la campagne donc il a fait beaucoup de marche et de tricycle. Il ne pouvait pas rester à la maison sans bouger. Il avait besoin de se défouler", souligne-t-elle.
Le plaisir, clé des bienfaits
Si les bienfaits sont aussi nombreux, c'est aussi grâce à la notion de plaisir sur laquelle repose la pratique. "S'ils prennent du plaisir à pratiquer, on aura tout gagné", affirme Elodie Couderc de la Fédération française du sport adapté. Et pour que le plaisir soit au rendez-vous, il faut se laisser porter par ses envies. Si certains sports sont davantage pratiqués que d'autres par les personnes avec autisme, comme la natation, l'escalade ou le trampoline, il n'y a aucune limite dans le choix des disciplines.
"Il faut suivre la volonté et l'envie de la personne concernée."
Elodie Couderc, chargée de développement à la Fédération française du sport adaptéà franceinfo: sport
Mais si la pratique se développe, les lieux appropriés pour ces activités restent insuffisants sur le territoire. "Il manque des places dans les clubs pour accueillir ce public, qui nécessite un encadrement renforcé la plupart du temps. Par ailleurs, la Fédération n'est pas encore très connue du grand public et du monde de l'autisme, qui ne la connaissent pas comme possible lieu d'accueil", regrette Elodie Couderc.
Un manque de formation de l'encadrement
Pourtant, tout club peut recevoir des personnes avec autisme sans préalable ni l'obligation d'être affilié à la Fédération française de sport adapté. Toutefois, le manque de formation de l'encadrement et la méconnaissance de l'autisme freinent bon nombre de structures. "Ce qui fait défaut à la pratique sportive, au-delà de la connaissance, c'est des personnes suffisamment formées et informées sur le fonctionnement autistique, qui est très spécifique et qui nécessite de la formation et de l'information", précise Elodie Couderc. Si la Fédération française de sport adapté souhaiterait des formations complémentaires sur l'autisme pour les encadrants, elle a déjà mis à disposition sur son site un guide de préconisation afin d'enclencher la démarche.
Toutefois, le chemin reste long. "La pratique du sport des personnes avec autisme dépend de la volonté de ceux qui les encadrent", se désole Anne Rouleau. "On rencontre encore beaucoup de discrimination. Dans les clubs dit ordinaires, dans lesquels leur place n'est pas toujours la bienvenue, on va leur demander de s'adapter ou on ne va pas prendre en compte leurs besoins spécifiques. Cela reste une réalité", appuie Elodie Couderc. Car encore aujourd'hui, conclut Anne Rouleau, que ce soit dans le sport ou ailleurs, "l'autisme fait toujours peur par méconnaissance".
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