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Mondiaux de biathlon 2023 : fatigue physique, gestion de l'après JO... La drôle de saison de Quentin Fillon Maillet

Le biathlète, double champion olympique à Pékin, connaît un début de saison difficile et aborde les championnats du monde d'Oberhof (du 8 au 19 février) sans certitudes.
Article rédigé par Louise Le Borgne, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Quentin Fillon-Maillet sur le pas de tir du relais masculin de Ruhpolding, le 13 janvier 2023. (SVEN HOPPE / DPA)

Deux saisons, deux ambiances. Après avoir été quintuple médaillé olympique à Pékin et sacré meilleur biathlète du monde, Quentin Fillon Maillet est à la peine. Loin derrière l'intouchable norvégien Johannes Boe, le Jurassien est quatrième du classement général de la Coupe du monde et n’a glané qu’un petit podium cette saison, à Pokljuka (Slovénie). Grand favori à sa propre succession, Quentin Fillon Maillet pointe désormais à 656 points du Scandinave et aborde les championnats du monde d'Oberhof (Allemagne), du 8 au 19 février, dans l'incertitude.

Syndrome post-olympique, épuisement, ou simple période d'ajustement, franceinfo: sport a cherché à comprendre les raisons de cette saison en demi-teinte, avant les Mondiaux où le Français espère décrocher un premier titre mondial en individuel, celui qui manque à son palmarès.

Une "spirale négative"

Au moment d'empaqueter ses affaires pour l'Allemagne, Quentin Fillon Maillet a dû trouver sa valise bien légère. Seule sa médaille individuelle de bronze sur la poursuite en Slovénie tinte dans son escarcelle. A la même période la saison passée, il en comptait sept au départ pour Pékin. "Je ne m'attendais pas une saison comme celle-ci (...) J'aurais bien aimé continuer sur la dynamique de la saison passée", s'excusait presque "QFM" en conférence de presse.

Dixième à Kontiolahti, quatrième à Hochfilzen, septième au Grand-Bornand, treizième à Antholz-Anterselva... le double champion olympique ne met plus un ski devant l'autre. "Je manque cruellement d'énergie sur les skis. Je fais avec ce que j'ai pour l'instant (...). J'ai du mal à combattre pour retrouver la tête de course et je n'ai pas d'explications à ça", pointait le Jurassien au micro de l'Equipe 21, début janvier.

“Comme il a enchaîné les courses moyennes, il a un peu perdu confiance, et forcément, il se demande ce qui lui arrive. C’est une spirale négative qui s’installe”.

Stéphane Bouthiaux, directeur des équipes de France de biathlon

à franceinfo: sport

Le scénario est aux antipodes de sa saison 2021/2022. Après une déconvenue en début de saison à Östersund (seizième), Quentin Fillon Maillet n’avait fait qu’une bouchée des épreuves, et notamment de la poursuite. Le Tricolore s'était adjugé cinq des sept courses de la discipline, sans compter celle des Jeux olympiques, grâce à une précision redoutable aux tirs et une très bonne vitesse sur les skis. Mais la machine semble grippée. 

Même sa mire, d’ordinaire si redoutée, ne parvient plus à le sortir d'affaires : 91% de ses tirs debout trouvaient leur cible la saison passée. Ils ne sont plus que 85% à faire mouche cette saison. "Le tir debout, c’est le dernier sur une course, c’est donc celui qui va décider des résultats. Et comme Quentin n’a pas eu beaucoup de résultats cette saison, il veut un peu forcer les choses. Ça lui met une pression supplémentaire, et ça le mène à la faute", analyse Stéphane Bouthiaux, directeur de l'équipe de France de biathlon.

Monsieur "toujours plus"

Pour le directeur des équipes de France, la méforme de Quentin Fillon Maillet tient surtout à un manque d'énergie. "Sa première erreur a été de reprendre beaucoup trop tôt, comme après une saison classique, alors qu'il a été beaucoup sollicité. Quentin est un stakhanoviste, c’est compliqué de le calmer. A l'entraînement c’est monsieur “toujours plus”. Mais en avril, il était livide, sans force." Si le Jurassien s’est arrogé des vacances en mai, après avoir fêté ses médailles olympiques, une petite intervention chirurgicale et quelques jours de maladie ne lui ont pas permis de se reposer complètement durant l'intersaison. A l’automne, les tests de forme du staff de l’équipe de France étaient formels : le champion olympique est épuisé.

“Je veux comprendre ce qu'il s'est passé, pour optimiser les trois prochaines années jusqu'aux JO de Cortina. Je n'aurai jamais de réponses claires sur tout ça, mais j'ai des bonnes pistes pour l'avenir”

Quentin Fillon Maillet

en conférence de presse

Un déficit en énergie que le Français a trainé comme une dette invisible. Habitué des montées de forme au fil des courses, la fatigue a pris le dessus, l’empêchant de s’exprimer à son plein potentiel. "Il faut que j’apprenne à me reposer. Pour la première fois en pleine saison, j’ai eu trois jours de repos consécutifs, avant la première course d’Anterselva. Cela a été assez dur pour moi, mais finalement la forme a été bonne", confiait-il dans les colonnes de Ouest-France.

Les Jeux olympiques durs à digérer

Face à une situation qui semble lui avoir échappé, le biathlète préfère encore philosopher : "Je n'avais pas envie de rentrer dans un post-olympique un peu compliqué. Et globalement... C'est quand même compliqué." On repassera pour la transition en douceur mais ce n'est pas faute d'avoir essayé.

"Dans un souci de rester au top - et peut-être par excès de confiance aussi - il a essayé plein de nouvelles choses cet automne, sans forcément nous mettre au courant. Il a installé un nouvel appareil de visée, opéré un changement sur sa culasse, et fait des essais qui se sont ensuite avérés être de belles conneries", révèle Stéphane Bouthiaux.

Quatrième place du classement général de la Coupe du monde avant les Mondiaux, derrière trois norvégiens (Boe, Laegreid, Christiansen), le gros globe de cristal semble compromis. Il lui reste un objectif majeur de sa saison : décrocher un titre mondial individuel. 

Pour le directeur des Bleus, Oberhof peut être son Eldorado : "Ce n'est pas un syndrome post-olympique, parce qu'il est toujours autant motivé. Techniquement, à la carabine et sur les skis, il est en place. Il faut juste qu’il reprenne un peu de confiance et un peu de fraîcheur". Déjà champion olympique et champion du monde par équipe, Quentin Fillon Maillet pourrait alors faire oublier ses tâtonnements de début de saison en repartant avec le titre mondial individuel dans ses valises. Le dernier qui manque à sa collection.

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