Cet article date de plus d'un an.

Mondiaux de ski alpin 2023 : "Un nobody sur des skis de compétition, c'est impossible"... Quelles sont les différences entre vos skis et ceux des professionnels ?

Franceinfo: sport a cherché à comprendre pourquoi le commun des mortels ne pouvait pas skier avec le matériel d'Alexis Pinturault ou Mikaela Shiffrin.
Article rédigé par Quentin Ramelet, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une paire de skis classiques pour un pratiquant de très bon niveau, tout en haut de Méribel où l'on peut apercevoir le Mont-Blanc. (FRANCEINFO: SPORT / Adrien Hémard-Dohain)

Maitriser le planté du bâton, c'est une chose. Dévaler une pente glacée à plus de 100km/h en est une autre. Si le slalom masculin va clore, dimanche 19 février, les Mondiaux de ski alpin 2023 à Courchevel, les skieurs amateurs vont prendre le relais des professionnels. La grosse différence entre les deux ? Les skis, tout simplement.

Quand on observe Mikaela Shiffrin claquer les piquets serrés avec autant d'aisance, c'est aussi parce que son matériel lui permet d'être dans les meilleures dispositions possibles pour réaliser une telle prouesse. Alors vient ainsi la question que tout passionné de sport d'hiver a pu se poser une fois : "Et si moi aussi j'avais ce genre de skis, serais-je meilleur et plus rapide ?" La réponse n'est malheureusement pas celle tant espérée.

"Jean-Michel Lambda dans un mur !"

Technicien de l'équipe de France masculine de ski alpin, Paul Delberghe, est en charge de chouchouter et préparer les skis de Thibaut Favrot, Cyprien Sarrazin et Léo Anguenot. Il nous a coupé court quand on lui a demandé ce qui différenciait des skis classiques des skis pour athlètes de haut niveau. "Globalement tout ! Ce ne sont pas du tout les mêmes, a-t-il immédiatement tranché. Si 'Jean-Michel Lambda' venait à chausser des skis de compétition, il irait très vite dans un mur ! [rires] Mais plus sérieusement, c'est très dangereux." Une vision également partagée par notre consultant Luc Alphand, amusé qu'on lui pose cette question : "Oula ! Un 'nobody' sur des skis de compétition ? C'est impossible !"

Concrètement, entre leur matériel et celui qui est loué ou vendu au magasin en bas de votre petit appartement de station d'hiver, toutes les caractéristiques sont différentes. Chaque équipementier garde bien secret les matières et matériaux utilisés pour fabriquer ses spatules puisqu'il s'agira ici de trouver la meilleure composition permettant de limiter au maximum les vibrations, pires ennemis des skieurs professionnels. Autre différence, d'envergure cette fois. Si vos spatules doivent être à votre taille, chez les pros, les skis vont mesurer entre 1,55 m chez les femmes en slalom (1,65 m chez les hommes) et au moins 2,10 m pour les descendeuses (2,18 m minimum chez les hommes).

Un lot de skis d'athlètes professionnels juste avant d'être affûtés et préparés par les techniciens de l'équipe de France. (FFS)

Surtout, la plus grosse différence se situe au niveau du rayon des skis. Outre ceux de slalom, qui naviguent aux alentours des 15 mètres (la distance maximale que vous pourriez parcourir en effectuant un virage sec à 180°), les skis d'Alexis Pinturault en géant, par exemple, montent tout de suite au-delà des 30 mètres. Et ceux d'un Johan Clarey, vice-champion olympique de la descente à Pékin, disposeront d'un rayon de 50 mètres minimum. En gros, "les skis de descente sont les plus longs car ils sont conçus pour des pistes qui vont tout droit" explique Paul Delberghe alors que Luc Alphand rappelle aussi qu'ils "pèsent très lourds, 13 kg environ" et sont conçus "pour atteindre des vitesse hors norme, à 110km/h de moyenne et jusqu'à 150 km/h".

"Des skis comme ça, pour un touriste, sont extrêmement durs à tourner. Il faut le physique déjà, la puissance nécessaire, et enfin la vitesse pour pouvoir les tourner."

Paul Delberghe, technicien de l'équipe de France masculine de ski alpin

à Franceinfo: sport

Et si certains, persuadés d'être d'excellents skieurs, pouvaient penser que rien n'est impossible, Luc Alphand, détenteur du gros globe de cristal (1997), avoue qu'il lui est aujourd'hui difficile de pratiquer avec des skis de compétition. "Malgré mon âge, je pense être encore un très bon skieur, lâche-t-il avec un franc sourire. Parfois, quand je suis avec mes enfants, je skie avec des skis de course de géant. Et c'est une vraie galère pour moi ! Je dois presque prendre les pistes tout droit, j'en chie vraiment ! Un slalom, je pourrais sentir quelques trucs à la limite mais ça serait très dur aussi..."

Des skis ou des lames de rasoir ?

Enfin, l'angle de la carre (l'arête métallique située de part et d'autre du ski pour garantir une bonne accroche) va également avoir son importance. Quand elle est affûtée à 90° chez le commerçant, l'angle va descendre jusqu'à 86° pour l'athlète de haut niveau. Si la différence vous paraît minime, elle va pourtant tout changer sur la piste. "C'est une vraie lame de rasoir de toute façon, affirme Luc Alphand. Et plus c'est glacé, plus on ira chercher les 86° pour nous permettre de garder le meilleur grip possible. Donc souvent on affûte tout du long, et des deux côtés." Une façon, tout simplement, de garder une totale maîtrise du comportement de ses skis, un élément primordial avant n'importe quelle course.

Le matériel est ainsi devenu un élément primordial dans la performance des skieurs professionnels. "C'est comme en F1, c'est bien d'avoir un joli châssis, mais il faut aussi un sacré moteur pour gagner des courses" compare même notre consultant. S'il vous sera fort probablement impossible de pratiquer un jour votre sport préféré avec les skis d'Alexis Pinturault ou de Mikaela Shiffrin, il ne faut pas omettre que ce n'est finalement pas le même sport que vous pratiquez.

Des skis de gamme normaux, à Méribel, et dont les carres sont bien affûtés à 90°. (FRANCEINFO: SPORT / Adrien Hémard-Dohain)

"Les skis classiques sont faits pour se faire plaisir tranquillement sur une piste", conclut le technicien des Bleus. Vous l'aurez donc compris, il ne faut pas acheter ou louer des skis qui ne seraient pas appropriés à votre niveau. D'ailleurs, même au plus haut niveau, le choix du matériel est régulièrement un vrai casse-tête pour l'athlète et son staff. Mathieu Faivre, qui a changé d'équipementier l'été dernier, vit une saison cauchemardesque. A contrario, le grand spécialiste des courses techniques (géant et slalom), Henrik Kristoffersen, skie désormais avec le matériel du légendaire Marcel Hirscher et ses performances n'ont quasiment pas évolué. Comme quoi, bien choisir sa paire de skis n'est pas chose aisée. Que l'on soit skieur professionnel, ou "Jean-Michel Lambda".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.