ENTRETIEN. Ski alpin : "Ce n’était pas 'j’arrête ou je continue', c’était plus profond comme question", témoigne Alexis Pinturault avant la reprise de la saison
Le skieur français, vainqueur de la Coupe du monde en 2021, s'est confié à franceinfo: sport sur les démons qui auraient pu le contraindre à mettre un terme à sa carrière.
"Plus on s'élève et plus dure sera la chute." De ce proverbe chinois, Alexis Pinturault pourra en tirer de précieux enseignements. Pour le skieur de Courchevel, les reliquats, physiques mais surtout psychologiques, d'une saison 2020-2021 exceptionnelle marquée par le sacre suprême en Coupe du monde de ski alpin [une première depuis 1997 pour un Français], ont été particulièrement difficiles à encaisser. Au point où l'homme aux 34 victoires sur le circuit n'était pas loin de raccrocher les skis.
Après un exercice rempli de galères et de désillusions, notamment aux Jeux de Pékin, Alexis Pinturault, à 31 ans, a finalement trouvé les ressources mentales pour relancer la machine et opérer une totale reconstruction. Dans un entretien accordé à Franceinfo: sport quelques jours seulement avant la reprise de la Coupe du monde à Sölden, dimanche 23 octobre, le Français revient en profondeur sur la période la plus difficile de sa carrière et ses nouveaux objectifs.
Franceinfo: sport : Alexis, huit mois après vos larmes à Pékin et la pire saison de votre carrière, vous êtes bien de retour pour le nouvel exercice. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Alexis Pinturault : Avec des idées plus claires que l'hiver dernier. En fin de saison, les choses commençaient déjà un peu à se décanter. Surtout après les Jeux. Avant le début de la saison dernière, je n'avais pas pris assez de temps pour moi. Après ma saison 2020-2021, je me suis tout de suite relancé dans la nouvelle avec la perspective des Jeux olympiques. Finalement, mes contre-performances aux Jeux et le fait ne pas être au niveau que j'espérais m'ont permis de tourner la page. Là, j'ai pris une longue pause de plus de deux mois qui m'a fait beaucoup de bien. Ça m'a permis d'éclaircir tout ça et d'avoir une meilleure perception de mes maux. En tout cas, pour moi, et mon corps, c'était nécessaire, ça c'est sûr.
"Après, est-ce que cela sera suffisant pour retrouver le plus haut niveau ? Ça, je n'en suis pas sûr du tout."
Alexis Pinturault, 34 victoires en Coupe du mondeà Franceinfo: sport
Aujourd'hui, j'arrive à me dire où je veux être la saison prochaine ou même dans deux ans. L'année dernière, ce genre de projections était impossible.
À moins de deux semaines de la reprise de la Coupe du monde [le 23 octobre en Autriche], avez-vous retrouvé cette envie et cette détermination qui vous caractérisaient ?
Oui, je suis très content de reprendre l'hiver. Voir Sölden arriver me redonne l'envie, le sourire et la motivation. Et ça, je suis très content de le retrouver.
Mais que s'est-il s'est passé durant cette fameuse pause pour que vous soyez aujourd'hui opérationnel et prêt à relancer votre carrière ?
Beaucoup de choses. Tout d'abord, il y a eu des échanges avec mes entraîneurs. Pendant les Jeux, nous avons eu une longue discussion avec David Chastan [directeur des équipes de France hommes]. Le sujet, c'était : "Est-ce que je vais encore y arriver ?". Pour savoir si c'était juste psychologique, ou si, techniquement, j'étais également à côté de la plaque et que je ne repérais pas des choses que mes coachs voyaient. On a encore beaucoup échangé là-dessus en fin de saison, avant de partir trois semaines en vacances. Je suis resté très tranquille : même si j'ai repris un peu le sport, car j'adore ça, je n'avais pas de programme ni même d'objectifs d'entraînement. C'était au feeling, et sans pression.
Comme une thérapie, une mise au point sur ma vie et mes envies... Réaliser ce qui est derrière moi et éclaircir le futur... Merci Marabout d'avoir donné vie à ce projet ! Sortie le 19 octobre prochain #DeLorAuCristal #Autobiographie pic.twitter.com/6rCbKg0vdn
— Alexis Pinturault (@AlexPinturault) September 20, 2022
Puis il y a eu ce livre aussi, qui m'a permis de clore ce chapitre de ma carrière [son autobiographie, De l'or au cristal, sortira le 19 octobre]. On m'avait déjà sollicité [avant sa victoire en Coupe du monde en 2021], mais je n'en éprouvais pas du tout le besoin. Je pensais alors que ça serait à l'issue de ma carrière. Finalement, cela s'est fait après le gros Globe de cristal, et ça m'a beaucoup aidé à tout remettre à plat.
Vous avez envisagé d'arrêter votre carrière ?
Ce n'était pas "j'arrête ou je continue". C'était plus profond comme question. C'était de savoir si j'avais vraiment encore envie de ça. Est-ce que je prends toujours du plaisir ? Est-ce que me lever le matin pour aller à la montagne m'intéresse toujours autant qu'avant ? Des questions assez simples mais relativement profondes. Et si ça n'était pas le cas, est-ce que ça ne valait pas le coup d'arrêter là ?
De fil en aiguille, je me rendais compte que je répondais par la positive à toutes ces questions. J'ai compris que j'avais toujours envie de continuer. Maintenant, il faut prendre le temps et faire les bonnes choses pour retrouver mon meilleur niveau ou, en tout cas, me remettre droit dans mes bottes.
Aujourd'hui, les doutes sont levés et vous êtes bien là. Comment appréhendez-vous cette saison 2022-2023 qui sera une sorte de découverte pour vous après un exercice très difficile ?
En effet, ça sera totalement différent. La saison dernière, j'avais repris après la victoire au général, plusieurs succès en course et beaucoup de podiums. Là, je suis dans une situation où je n'ai fait que quelques podiums dans une saison qui s'est terminée difficilement, avec plein de questionnements. J'ai besoin de confiance, de me tester. Il n'y a que le terrain pour me permettre de savoir comment je réagis. J'ai des objectifs, mais ils ne sont pas élevés.
"Mon but, c'est de pouvoir sentir le Alexis Pinturault que j'ai toujours été."
Alexis Pinturaultà Franceinfo: sport
Je veux retrouver du tonus, de l'explosivité dans ma manière de skier. Atteindre aussi un taux d'adrénaline élevé. Toutes ces choses qui m'ont toujours caractérisé. Si j'arrive à retrouver tout ça, je pourrais me battre avec les meilleurs.
Justement, pour y parvenir, qu'est-ce que vous avez changé dans votre préparation ? On sait déjà que Stéphane Quittet [ancien reponsable du groupe technique, de 2007 à 2016] réintègre votre staff, en remplacement de Fabien Munier...
On garde le modèle, ce sont surtout les personnes qui ont évolué. Chacun va devoir trouver sa place, on a des manières différentes de fonctionner. Stéphane, déjà, ce que j'ai toujours apprécié chez lui, c'est son calme. Nous sommes toujours dans la tempête. Son tempérament va faire énormément de bien. Le deuxième point intéressant, c'est sa formation dans la préparation mentale. Quand quelque chose ne va pas, il va me tirer les vers du nez. Je réfléchissais surtout, avec David [Chastan], à une personne, un caractère. Plus qu'un entraîneur pur et technique, j'ai déjà Nicolas [Thoule] pour ça, il me fallait surtout quelqu'un capable d'organiser et de structurer.
Désormais, j'ai aussi deux techniciens au lieu d'un seul : l'un sur la vitesse et l'autre sur la technique. Ils ne travaillent plus du tout de la même manière comme il y a deux personnes. Par ailleurs, je voulais aussi avoir une connexion beaucoup plus étroite avec Head [son équipementier officiel de skis], pour échanger tous les jours sur ce que l'on doit tester, mettre en place et quels en sont les retours.
Enfin, on imagine que l'échéance des Mondiaux chez vous, à Courchevel et Méribel du 6 au 19 février, sera le point d'orgue de votre saison et un moment particulier...
Oui, clairement. Je ne peux pas dire : "Je vais aller aux Mondiaux sans aucun objectif !". Mais pour moi, ça reste difficile de mettre du concret dessus. J'étais tellement à la ramasse l'année dernière qu'il faut que je retrouve pas mal de choses pour pouvoir construire cette quinzaine. Bien entendu, j'ai à cœur d'arriver là-bas dans les meilleures dispositions.
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