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Tessa Worley : "Le 14 juillet, on défile en survêtement du Bataillon de Joinville"

Championne du monde de slalom géant en 2013 et 2017, et donc tête de pont de l'équipe de France féminine de ski alpin, Tessa Worley est aussi sergent dans l'Armée de Terre depuis douze ans. Une situation méconnue mais pour autant loin d'être inédite. En effet, beaucoup de sportifs français sont engagés dans les rangs d'un des trois corps d'armée, ou dans la gendarmerie, et regroupés dans le bataillon de Joinville. A l'occasion de la fête nationale, Tessa Worley -qui va défiler en ce 14 juillet- se confie sur ce pan oublié de la vie des sportifs, quand ceux-ci troquent le survêtement pour l'uniforme.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
  (JURE MAKOVEC / AFP)

Pourquoi vous êtes vous engagée dans l’Armée de Terre ?
Tessa Worley : "Je suis dans ma douzième année de service, je ne m’en lasse pas. J’ai été recrutée quand j’étais jeune, comme beaucoup de jeunes skieurs, fondeurs. L’Armée nous aide à construire notre carrière. Ils sont aussi venus me recruter parce qu’ils avaient vu que j’avais l’état d’esprit qui pouvait bien correspondre. Et effectivement, je m’y retrouve pas mal, notamment dans les valeurs de cohésion, de dépassement de soi, de travail. Tout ça sont des choses qui m’animent et me font avancer".

Quel est votre grade ?
TW : "Je suis sergent dans l’armée de Terre. Nous les sportifs de la Défense on dépend du CNSD (Centre National des Sports de la Défense) à Fontainebleau, aussi connu sous le nom de bataillon de Joinville. Après, l’équipe de France militaire de ski est rattachée par l’histoire à l’École Militaire de Haute Montagne (EMHM) de Chamonix avec les chasseurs alpins".

"Il y a une vraie histoire, notamment entre le biathlon et les chasseurs alpins, et aussi les skieurs alpins. Depuis très longtemps, il y a de vrais liens entre les sports d’hivers et l’armée"

C’est vrai qu’il y a beaucoup de skieurs qui sont engagés...
TW : 
"Il y a une vraie histoire, notamment entre le biathlon et les chasseurs alpins, et aussi les skieurs alpins. Depuis très longtemps, il y a de vrais liens entre les sports d’hiver et l’armée, surtout via les chasseurs alpins. Après on a aussi, volontairement ou pas, beaucoup de chance parce qu’on pratique des sports qui ne nous permettent pas d’avoir un emploi présentiel à côté à cause des déplacements etc. On ne peut pas mener une double carrière classique. Mais l’Armée le permet et on a beaucoup de chance d’avoir ce statut".

Concrètement, vous êtes quel genre de soldat ?
TW : "On a un rôle de communication, de partenaire. Notre mission est de communiquer un maximum sur ce partenaire, de dire aux gens qu’on est militaire, de faire le lien. On est des vitrines des Armées dont on fait la promotion. Sinon on participe aux championnats du monde et aux jeux mondiaux militaires, chaque année. Le 14 juillet, on défile. Bien souvent, on a un journée de rassemblement administratif dans l'année, et on fait des stages commando annuel de cohésion, mais aussi pour aller se faire connaître dans les régiments, et faire des images pour montrer notre activité. On parfait aussi notre éducation militaire : j’ai fait des stages dans les commandos marines, commandos montagnes, chez les légionnaires, j’ai adoré. J’ai découvert des métiers très différents".

"On parfait aussi notre éducation militaire : j’ai fait des stages dans les commandos marines, commandos montagnes, chez les légionnaires, j’ai adoré. J’ai découvert des métiers très différents"

En ce 14 juillet, vous allez défiler à Chamonix. Racontez nous ? 
TW : 
"Chamonix c’est une petite ville, donc il n’y a pas de répétition avant le défilé. On fait une cérémonie militaire sur la place, puis on défile dans les rues de Chamonix. Nous les sportifs on défile en survêtement du bataillon de Joinville, on nous repère vite au coeur des rangs (rires). Mais on porte le treillis de temps en temps !"

Il y a-t-il une différence entre représenter la France avec l’uniforme ou les skis au pied ?
TW : 
"C’est vrai qu’on ne ressent pas tout à fait la même chose. Les deux donnent une vraie fierté, c’est certain. Quand on est seule sur un podium, c’est plus un accomplissement et une fierté personnelle. Lors d’une cérémonie militaire, c’est la sensation d'appartenance à un groupe, une nation, une forme de fierté qui booste, qui encourage à être un meilleur individu et une meilleure sportive".

Quelles sont les points communs entre l’Armée et votre sport ?
TW : 
"Toutes les valeurs que le sportif a l’habitude d’avoir, comme le dépassement de soi, on les retrouve dans les rangs. En ski, c’est encore plus liés parce que les chasseurs alpins ont la même connection avec la montagne, ils respectent la Nature et les éléments comme le font les skieurs. On a aussi cette capacité d’adaptation à avoir en tout temps. L’armée renforce aussi la cohésion qui est capitale en ski car on fait sport individuel qui fonctionne en équipe. Enfin, la rigueur militaire peut servir dans le sport et dans la vie tout court."

"Quand on est seule sur un podium, c’est plus un accomplissement et une fierté personnelle. Lors d’une cérémonie militaire, c’est la sensation d'appartenance à un groupe, une nation, une forme de fierté qui booste, qui encourage à être un meilleur individu et une meilleure sportive"

Vous avez participé aux compétitions militaires. Quel est le niveau ?
TW : 
"Ça dépend des pays. Il y a pas mal de nations où c’est très important et ça tient à coeur à beaucoup de monde, notamment en Italie, Allemagne, Autriche ou dans des pays de l’Est. Mais pas que. Justement ce qui est génial aux compétitions militaires c’est qu’on voit des nations pas alpines, qui viennent concourir et qui ont d’autant plus de mérite. On voit de vrais militaires de carrière qui n’ont pas les bases que nous montagnards on a et qui viennent représenter leur pays et donner meilleur d’eux-même. Mais on retrouve aussi beaucoup de vrais skieurs professionnels et les compétitions sont du niveau de la coupe du monde. La différence c’est qu’en coupe du monde, on cherche la performance. Aux championnats militaires, on vient surtout pour représenter le pays. C’est une autre ambiance."

Est-ce qu’après votre carrière sportive vous envisagez une carrière militaire ?
TW : 
"Je ne sais pas encore, mais pourquoi pas. Tout dépend du métier parce que tous les métiers sont possibles dans l’armée. Je ne m’étais pas forcément imaginée cela, mais pourquoi pas. En tout cas je suis déjà très fière de ces douze années de service et ce n’est pas fini."

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