Tennis : le coaching hors court autorisé en 2025 divise le circuit masculin

Le coaching depuis les tribunes sera définitivement adopté à partir du 1er janvier 2025. Une décision qui ne fait pas l'unanimité auprès des joueurs.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Le Serbe Novak Djokovic échange avec ses entraîneurs lors d'une séance d'entraînement à l'Open d'Australie, à Melbourne, le 13 janvier 2024. (DAVID GRAY / AFP)

La mesure n'est pas passée inaperçue sur le circuit. Après plusieurs années de tests, la Fédération internationale de tennis (ITF) a annoncé, le jeudi 17 octobre dernier, modifier son règlement et autoriser le "coaching hors du court à partir du 1er janvier 2025". Désormais, il sera donc autorisé pour un entraîneur de communiquer verbalement avec son ou sa joueur(se) pour lui donner des instructions ou des conseils pendant un match depuis les tribunes, à condition qu'il soit du même côté que son élève.

Des indications par la gestuelle seront autorisées depuis l'autre bout du court. Ce coaching devra toutefois être discret et rapide, et ne sera autorisé qu'entre les points ou lors des fins de jeux et de sets. Terminés donc les points de pénalité et les amendes pouvant aller jusqu'à 5 000 dollars pour coaching. À travers cette modification de règlement, l'ITF estime que cela permettra notamment de "réduire la subjectivité dans l'application de la restriction actuelle sur le coaching", et de "rendre le tennis plus équitable et, potentiellement, plus divertissant", est-il écrit sur le site de l'ITF.

Une modification qui divise

L'ITF assure également que la modification a été approuvée par les principaux membres du circuit. "Les joueurs ont trouvé que cela rendait les tournois plus intéressants ; les coachs ont déclaré que cela améliorait le développement des joueurs et améliorait la réputation de leur profession, et les arbitres étaient satisfaits de pouvoir se concentrer sur ce qu'il se passe sur le court plutôt qu'en tribunes", appuie Stuart Miller, directeur en charge des règlements à l'ITF. La réalité est plus nuancée. "Pouvons-nous cesser de ruiner le duel mental et stratégique du sport s'il vous plaît", s'était énervé l'Américain Taylor Fritz, numéro 6 mondial, sur son compte X (anciennement Twitter).

"Non seulement en tant que joueur de tennis, mais aussi en tant que fan de ce sport, il est triste de voir cette nouvelle règle de coaching hors du court, avait vertement regretté le Canadien Denis Shapovalov sur le même réseau social. Le tennis est spécial parce qu'on est seul sur le terrain. Pourquoi essayez-vous de changer la beauté de ce jeu ?" Le règlement précise toutefois que les organisateurs de chaque tournoi auront le dernier mot pour appliquer ou non cette nouvelle règle, et sous quelle forme.

"Cela ne changera rien"

Dans les travées du Rolex Paris Masters, les joueurs n'ont évidemment pas pu échapper à la question. Pour Richard Gasquet, qui quittera les terrains à Roland-Garros 2025, cette autorisation du coaching permettra d'officialiser une pratique courante. "Tout le monde coache depuis longtemps, mes entraîneurs aussi, mais cela ne se voyait pas. Cela ne changera rien", tranche le 133e joueur mondial, éliminé au premier tour du tournoi parisien. Même son de cloche du côté de l'Italien Jannik Sinner. "Cela ne changera rien. Des entraîneurs donnent déjà des conseils à leurs joueurs à certains moments", confirme le numéro un mondial.

"En tant que joueur, vous êtes seul sur le terrain à essayer de comprendre la situation. Mais le lien avec l'entraîneur vous permet de communiquer avec lui d'un simple regard. Dès que vous regardez le coach, vous vous comprenez."

Jannik Sinner, numéro un mondial

en conférence de presse

Le Bulgare Grigor Dimitrov (9e à l'ATP) est, lui, plus nuancé. S'il confirme également "les petits signes ici et là pendant les matchs", il regrette toutefois la perte d'un élément clé du tennis. "Nous sommes sur le terrain pour trouver une solution par nous-mêmes, et nous avons été capables de le faire pendant tant d'années. J'aime les traditions, et les choses telles qu'elles sont. Je n'aime pas trop les changements de ce côté-là. Mais cela reste bien sûr entièrement à l'appréciation des joueurs sur la façon dont ils veulent jouer."

Interrogé lors de sa période de test, Arnaud Clément, ex-top 10 mondial et consultant pour franceinfo: sport, s'était clairement opposé à ce coaching hors court : "On voit des joueurs qui ont des capacités d'analyse aux changements de côté. Elles leur permettent de trouver des solutions si besoin, ce qui est une qualité, alors que d'autres ont beaucoup plus de mal. Là, on va avoir un regard extérieur qui va aider les joueurs et enlever à certains le petit plus qu'ils ont par rapport aux autres. Je trouve cela un peu dommage", développait l'ex-capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis.

"Je vais donc jouer contre l'adversaire, et aussi son coach qui a été top 5 mondial"

Cette mesure pourrait-elle mettre en péril l'essence même du tennis, où le mental fait partie intégrante du jeu ? "Il y a toujours un risque, mais il faut que le tennis, comme les autres sports, évolue", estime Richard Gasquet, tout en y voyant un autre point positif : celle d'une meilleure visibilité et reconnaissance des entraîneurs. "J'espère que les coachs seront ainsi mis en avant, afin que l'on se rende compte de leur travail", glisse le joueur de 38 ans

De son côté, Enzo Couacaud, 208e joueur mondial, a un avis bien plus tranché. "Aujourd'hui, en payant un coach, parfois très cher car il est un ancien top 5 ou top 10 mondial, il va lui donner les clés, nous avait-il d'ailleurs répondu, lorsque la mesure était encore en phase de test. Moi, je vais donc jouer contre l'adversaire et le coach qui a été top 5 mondial. C'est plus dur et injuste. Nous n'avons pas tous les mêmes moyens. Ça devrait être tel joueur contre tel joueur, et chacun avec ses armes pour gagner." Il faudra donc attendre le déroulement de l'année 2025 pour savoir si cette réforme avantage des joueurs au détriment des autres.

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