Tour de France : 2013, année maudite pour les Français
Pas de victoire d'étape, pas de maillot distinctif, quasi-personne au classement général après l'abandon de Jean-Christophe Péraud... et un Britannique qui va gagner : cette année pour les coureurs tricolores, le Tour, c'est Waterloo.
Et pourtant, on y croyait. Lors de la présentation du parcours du Tour 2013, à l'automne dernier, les deux espoirs français ne cachaient pas leur satisfaction. "Si je passe sans encombre la première semaine, je pourrai viser un top 10", analysait Thibaut Pinot, 10e du classement général l'année dernière pour sa première participation. Quant à Pierre Rolland, qui avait fini 8e de l'épreuve, il plaçait la barre encore plus haut dans une interview au Journal du Centre : "Le tracé m'inspire, c'est vrai. C'est un parcours complet et, franchement, on ne peut pas rêver mieux."
Mercredi 17 juillet, veille de l'étape de l'Alpe d'Huez, Pinot n'est plus dans la course après son abandon mardi 16 juillet, Rolland se traîne au classement, les Français n'ont remporté aucune étape et la double chute de Jean-Christophe Péraud dans le contre-la-montre entre Embrun et Chorges a sonné le glas des espoirs de top 10 tricolore. Comment en est-on arrivé là ?
Les équipes de sprinters sont trop fortes
Avec aucune victoire au compteur à quelques jours de l'arrivée, les Français risquent de finir bredouille comme en 1999 et 1926. L'an passé, ils cumulaient cinq victoires. Pourquoi cette dégringolade ? Cette année, toutes les étapes de plaine se sont achevées au sprint. L'an passé, Mark Cavendish ne disposait pas d'une équipe à son service, quand Marcel Kittel avait dû abandonner d'entrée. Cette année, les Omega Pharma-Quick Step et les Argos-Shimano verrouillent la plupart des étapes, empêchant les échappées d'aller au bout.
Pas assez d'étapes pour les baroudeurs
Trop limités dans la haute montagne, écrasés dans les contre-la-montre et démunis dans la plaine face aux équipes de sprinters, 80% des coureurs français ont pour unique terrain de chasse les étapes de moyenne montagne. Celles où une échappée a toutes les chances d'arriver au bout. Ce qui s'est encore vérifié lors de l'arrivée à Gap, mardi 16 juillet. Les coureurs tricolores finissent... 2e, 3e et 4e, laissant échapper le Portugais Rui Costa pour la victoire finale. Idem à Lyon, samedi 13 juillet, où Julien Simon est repris à 1 km de la ligne. Bref, les Français sont cantonnés aux places d'honneur malgré un nombre conséquent d'étapes à leur portée.
Des coureurs se sont dispersés
Traditionnellement, les Tricolores compensent leurs lacunes au classement général en allant chercher le maillot à pois : c'est arrivé 12 fois lors des 16 dernières éditions. Cette année, c'est très difficile. L'édition 2013 compte quatre arrivées au sommet, qui rapportent le plus de points.
Pierre Rolland, qui visait le top 10, s'est éparpillé dès le début du Tour en allant chercher le maillot à pois. Il a tenté de concilier ses ambitions au classement général avec la défense de ce maillot, qui suppose de passer en tête un maximum de cols. Pour au final abdiquer au général et dans ce classement particulier. "Je ne vais pas me focaliser sur le maillot à pois sinon je vais courir à l’envers", a reconnu Pierre Rolland, après la 15e étape. Un peu tard, non ?
Les anciens n'aident pas les coureurs français
Sur francetv info, Bernard Hinault s'est montré très sévère, avant le début de l'épreuve : "Les meilleurs Français, comme Pinot, Rolland, Chavanel ou Voeckler peuvent lutter ponctuellement avec les meilleurs, mais pas viser la victoire finale. On les prépare pour des gros coups ponctuels : une victoire d'un jour, c'est plus facile que de briller pendant trois semaines..."
Il fait trop chaud
C'est l'excuse de Thomas Voeckler, le chouchou du public. "Je pense que c’est dû à la chaleur. Le seul jour où je me suis senti mieux, c’est quand il a fait moins chaud. Je dois attendre que l’organisme s’habitue." Les coureurs français réussissent-ils mieux dans la grisaille ? L'histoire récente, tant météorologique que cycliste, ne montre pas de corrélation entre fraîcheur et performances françaises. D'après Météo France, 2003 et 2006 ont été les deux étés les plus chauds depuis 1950. Ces années-là, les Tricolores ont remporté respectivement deux et trois victoires.
Les sprinters tricolores sont devant leur télé
Souvent cantonnée à la figuration lors des sprints, la France compte désormais trois fusées de niveau mondial. Mais Arnaud Démarre et Bryan Coquard n'ont pas été retenus par leur équipe pour le Tour. Le troisième, Nacer Bouhanni, a été vaincu par une gastro-entérite à la fin de la première semaine.
La pression était trop forte
C'est ce qui arrivé à Thibaut Pinot, qui connaît le syndrome du "nouveau Zidane" (détaillé en 2011 par Le Post) version cyclisme. Deux jours après son brillant Tour de France 2012, L'Equipe s'interroge en une : "Pinot gagnera-t-il le Tour ?" Son frère Julien, entraîneur de l'équipe FDJ, explique sur Rue89 : "Quand je l'ai vue [cette une], je me suis dit : 'Quel désastre !'. D’un côté c’est une fierté, de l’autre, c’est dangereux. Evidemment, ce n’est pas la seule cause de ce qui lui arrive, nous en sommes tous les deux très bien conscients. (...) Même si Thibaut sait qu’il n’a pas les épaules pour gagner le Tour de France, inconsciemment ça met une certaine pression." Cette année, une bronchite et les commentaires sur les réseaux sociaux auront eu raison de sa Grande Boucle...
Vous faites la fine bouche devant le bilan 2013, où le premier Français, Romain Bardet, pointe à la 20e place ? Qu'aviez-vous dit en 2007, quand le premier Français avait terminé 27e du classement général ?
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