Trois questions sur les 400 000 euros de salaire de Teddy Riner à Levallois
La star incontestée du judo tricolore, Teddy Riner, a reçu en 2013 plus de 400000 euros de rémunérations de la part de son club, en difficulté financière malgré son financement largement public.
Teddy Riner est-il trop payé par le club de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) ? C'est ce que suggère un rapport de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France, dévoilé mercredi 17 juin. Il souligne le mauvais état des finances de ce club omnisports très lié à la municipalité. Le conseil municipal doit d'ailleurs en débattre lundi. Francetv info se penche sur les problèmes que posent les 24 000 euros de salaire mensuel octroyés à la star du judo français, auxquels il faut ajouter des primes.
Comment cette rémunération est-elle fixée ?
Teddy Riner est employé depuis septembre 2009 par le Levallois Sporting Club. Les magistrats financiers ne repèrent aucune irrégularité dans le contrat du judoka. Et le fait d'être salarié, pour un sportif de haut niveau, n'est en rien contraire à la législation. Mais les sommes en jeu interpellent.
Le contrat conclu en 2009, un CDI, octroyait au judoka une rémunération de 8 300 euros brut par mois. Un montant revalorisé au gré des exploits sportifs du champion : +10% en cas de titre européen, +15% pour un titre mondial, +30% pour la consécration olympique. Comme Teddy Riner a fait carton plein, le salaire mensuel a atteint 13 649 euros.
En 2013, le contrat a été remplacé par un CDD de cinq ans (2013-2018), avec un salaire de base bien plus généreux : 24 000 euros par mois. Ses performances sportives ne lui donnent plus droit à des revalorisations, mais à des primes (par exemple, 46 000 euros pour sa victoire aux championnats d'Europe en 2014). S'ajoutent à cela des avantages en nature (logement d'une valeur locative de 1 900 euros mensuels et voiture d'une valeur de 550 euros par mois, plus 330 euros de carburant) dont Teddy Riner a choisi de ne pas bénéficier. Il perçoit donc les sommes correspondantes (2 780 euros) en plus de son salaire. Résultat : de moins de 200 000 euros en 2010, sa rémunération brute annuelle s'est élevée, en 2013, à près de 430 000 euros.
Et ce n'est pas tout. Hors de ce cadre contractuel, le sportif a bénéficié en 2012, après son titre aux Jeux olympiques de Londres, d'une récompense exceptionnelle de 30 000 euros votée par le conseil municipal de Levallois-Perret. Une pratique habituelle depuis les JO de 1988 qui vise, selon la mairie, à "reconnaître les performances des athlètes et à leur rendre l'hommage qu'ils méritent".
Ce type de contrat est-il courant dans le sport de haut niveau ?
L'existence d'un contrat de travail entre un athlète et son club est évidemment chose très courante dans les sports collectifs. C'est beaucoup moins fréquent dans les sports individuels comme le judo, la natation ou le tennis. "Le salariat n'est pas du tout systématique. Cela concerne surtout des sportifs qui obtiennent des résultats importants", observe Philippe Veber, avocat spécialisé dans le droit du sport. Quant aux salaires, "ils ne sont pas forcément d'un niveau élevé", poursuit Me Veber.
Certains sportifs de haut niveau sont engagés par l'armée ou la gendarmerie. En échange de quelques obligations, ils reçoivent une rémunération et la possibilité de pratiquer leur sport à plein temps ou presque. Mais les niveaux des salaires sont bien moindres.
Dans le cas de Teddy Riner, ses 24 000 euros de salaire mensuel sont-ils trop élevés pour un sportif de son niveau ? Difficile de répondre dans l'absolu. "Tout dépend de ce que le club en retire. La somme peut se justifier au regard de la résonance et de la notoriété qu'un sportif de haut niveau peut apporter à son club", explique l'avocat.
Pourquoi cela pose problème ?
De fait, c'est le contribuable levalloisien qui finance pour une bonne partie le salaire du champion. En 2013, la rémunération de Teddy Riner a représenté plus de 4% du budget total du club. A titre de comparaison, le footballeur superstar Zlatan Ibrahimovic et ses 15 millions d'euros annuels pèsent à peu près la même chose dans le budget du PSG.
Mais si la rémunération de Teddy Riner fait polémique, c'est moins pour son montant qu'à cause du statut de son employeur. Le Levallois Sporting Club (LSC) est une association qui vit sous perfusion des subventions de la mairie de Levallois-Perret : environ 6 millions d'euros par an pour un budget de 10 millions. La municipalité, dirigée par Patrick Balkany (Les Républicains), se montrerait d'ailleurs omniprésente dans la gestion du club, jusqu'à soulever "la question du caractère transparent de l'association", estiment les juges financiers.
Les émoluments accordés au judoka, jusqu'à présent tenus secrets, sont d'autant moins justifiables que le club se trouve en grande difficulté financière. Entre 2008 et 2013, soulignent les magistrats, "la situation financière du LSC s'est sensiblement détériorée". Une détérioration due d'abord "à l'organisation d'événements sportifs de grande ampleur au budget mal maîtrisé" (par exemple les championnats du monde de judo en 2008), mais aussi "à la forte progression des charges de personnel" et notamment au recrutement de Teddy Riner en provenance d'un club concurrent, le Lagardère Paris Racing.
En retour de sa généreuse rémunération, Teddy Riner est soumis à un devoir de représentation et de promotion. Il doit ainsi citer "nommément le Levallois Sporting Club ou la ville de Levallois lorsqu'il fait référence à son club dans les médias". Mais la venue de Teddy Riner, recruté à grands frais pour être une sorte de vitrine, n'a pas eu l'effet escompté. Ce recrutement "n'a pas entraîné de hausse importante des recettes issues des sponsors privés", tranche le rapport de la chambre régionale des comptes.
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