: Vidéo Homophobie dans le football : "Tous les acteurs vont avoir intérêt à ce que cela cesse", se félicite le président d'un club amateur gayfriendly
Bertrand Lambert, président du club de football amateur gayfridendly PanamBoyz & Girlz United, réagit à la suspension mercredi d'une tribune du club de Nancy pour un match ferme, en raison de chants homophobes le 16 août dernier.
"La fermeture d'une tribune pour des propos homophobes en France, c'est historique, [...] un pas de géant a été fait cet été", réagit jeudi 29 août sur franceinfo Bertrand Lambert, président du club de football amateur PanamBoyz & Girlz United. Les instances disciplinaires de la Ligue de football professionnel (LFP) ont annoncé mercredi soir la suspension d'une tribune du club de Nancy pour un match ferme, en raison de chants homophobes le 16 août dernier. Cette décision intervient après une soirée marquée par l'interruption pendant une dizaine de minutes du match Nice-Marseille suite à des incidents homophobes.
franceinfo : Vous vous attendiez à cette décision ?
Bertrand Lambert : La fermeture d'une tribune pour des propos homophobes en France, c'est historique, ça n'est jamais arrivé. C'est un immense pas en avant. Un pas de géant a été fait cet été. C'est la première fois que des matchs sont interrompus une minute ou hier pendant le match phare sur Canal+ pendant 10 minutes parce qu'il y a des propos ou des banderoles clairement homophobes. Et ensuite ces clubs sont sanctionnés avec la fermeture des tribunes. Ce n'est jamais arrivé. Ce n'est évidemment pas suffisant mais c'est un pas immense dans la bonne direction. Pendant tant d'années on a dit que la LFP, le foot professionnel français, ne faisait absolument rien contre l'homophobie, que c'était la politique de l'autruche. Là les choses sont en train d'évoluer.
Vous espérez qu'on aille plus loin la prochaine fois, avec des sanctions financières pour les clubs par exemple ?
Ce qu'on souhaite, ce n'est pas des sanctions pour tout le monde. Ce qu'on souhaite c'est qu'il y ait une prise de conscience généralisée, et notamment du côté des supporters, qu'il faut chanter autre chose. Qu'on peut aller au stade, chanter, vibrer, insulter s'il le faut, sans forcément discriminer. Et cette prise de conscience, je pense qu'elle peut avoir lieu par ces sanctions, qui sont à la fois fortes, symboliques mais pas non plus énormes. Pour les autres chants, qui sont des chants light, il y a juste des rappels à l'ordre qui sont faits, et tous les acteurs vont avoir intérêt à ce que cela cesse. Parce que les diffuseurs ne vont pas accepter pendant longtemps de voir tous leurs matchs interrompus pendant 10 minutes, que les clubs vont pas accepter non plus pendant longtemps d'avoir des pertes de revenu, parce que les tribus seront fermées ou que plus tard peut-être ils recevront des amendes. Et les joueurs aussi en ont marre, on a vu hier les réactions en direct pendant le match, ils l'ont dit : "Ces comportements ça suffit", "Ces banderoles, il y en a marre, nous on veut jouer au foot, c'est notre métier et on veut que ça s'arrête".
Faut-il se mettre autour de la table et dire aux supporters d'oublier ou de réécrire les paroles de leurs chants traditionnels ?
Oui, c'est ce qu'on va faire. Nous allons aller à la rencontre des supporters. C'était prévu, on l'avait annoncé dès le mois de mai quand on a fait l'immense opération avec les brassards arc-en-ciel qui ont été portés dans les stades pendant la journée contre l'homophobie, c'était une première. On avait dit qu'on allait faire de la pédagogie à la rentrée. Peut-être que le calendrier s'est accéléré parce qu'il y a eu ces interruptions de match pendant l'été, mais oui c'est ce qu'on va faire, on va aller à la rencontre des supporters pour parler. Nous aussi, on est joueurs de foot et nous aussi, on est supporters, et pourtant on arrive à chanter autre chose. Ce n'est pas parce qu'on dit des choses depuis des années qu'on n'a pas le droit à un moment de se dire que peut-être finalement cela blesse une partie de la population et qu'il faut prendre conscience qu'on peut changer. On y est arrivés avec le racisme et le hooliganisme. Il faut se souvenir de l'ambiance dans les stades dans les années 80 et 90, à un moment on a dit ça suffit, stop. On a pris des mesures radicales et on a réussi à enlever quasi-totalement les insultes racistes, les peaux de banane, les cris de singe. Pourquoi on n'y arriverait pas pour l'homophobie ? Parce que pendant longtemps on s'est dit que ce n'était pas grave, c'est un chant comme ça. Mais en fait tous ces chants participent à de l'homophobie ordinaire qui mènent à de l'homophobie plus importante. Et pourquoi les gamins vont dire dans la cour de récré ce genre de propos insultants et homophobes ? C'est parce qu'ils les entendent à la télé. Parce qu'ils entendent toutes les semaines, en regardant le match de foot ou en allant au stade et qu'ils pensent que c'est quelque chose de normal.
On ne voit pas ça ailleurs, dans les tribunes de tennis ou de rugby. Pourquoi voit-on cela dans le foot ?
Non, on ne voit pas cela ailleurs, ou en tout cas moins. Le foot a une telle caisse de résonance que dès qu'il se passe un tout petit truc dans le foot, d'un seul coup des milliers de personnes l'entendent et le voient. Il y a de l'homophobie ordinaire ailleurs, ne le cachons pas. Mais ce qu'il se passe dans le foot est important, et autant y aller franco. Et ce qui se passe en ce moment est vraiment historique.
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