Solitaire du Figaro : Xavier Macaire, un solitaire heureux et tenace
Xavier Macaire est un homme heureux, serein, cela s’entend dans sa voix lorsque nous l’avons joint vendredi. Deux podiums au classement général en 2013 et 2015 n’ont pas enlevé le manque de ne pas avoir remporté une victoire d’étape dans la solitaire du Figaro. Cette fois Xavier est comme soulagé d’avoir mis fin à tant d’années de disette, trois fois il avait failli toucher au but, en 2011, 2015 et surtout 2016. On peut identifier cela comme un syndrome Poulidor. C’est grave docteur Macaire ?
"En 2016 je gagne à la Rochelle mais à cause d’une vis qui ne tenait pas bien, un extincteur s’était détaché et avait cassé un plomb de sécurité, j’ai pris une pénalité de huit minutes qui m’a coûté la victoire. Rageant. Mais bon, ce qui est vécu est vécu et ça reste gravé en nous. Mais c’est satisfaisait de dire qu’il n’y pas de soucis là-dessus. On se moquait un peu de moi quand même. Je n’avais pas de pression et je n’étais pas obsédé de ne pas avoir encore gagné. J’avais juste envie de bien faire et jeudi, j’étais content d’avoir réussi" analyse-t-il.
"Gagner une Solitaire du Figaro sans gagner d’étape, ça ne me dérangerait pas du tout aussi"
On l’a compris l’homme est bien dans sa tête, et c’est sans doute cela qui lui a permis de faire la course quasi parfaite. Xavier Macaire a roulé sa bosse entre ses années à courir la Mini Transat et la Solitaire du Figaro. C’est aussi un acharné de la météo et il s’est projeté sur le plan d’eau avec plusieurs scénarios avant le départ de la première étape au départ de la baie de Saint-Brieuc.
"Très vite je me suis écarté de certaines options, j’avais une préférence pour rester au centre de la flotte et mon fil conducteur était fait dans ma tête. Après sur l’eau ça ne passe pas toujours pas comme prévu, c’est l’adaptation et le feeling qui te guident. Ça s’est fait naturellement à l’inspiration. Lors de la première nuit j’étais dans le paquet et ça bagarrait fort. En fin de première nuit je me positionne bien et hop c’était parti."
Le Fastnet au feeling
La course cette année invite les Figaristes à enrouler le phare du Fastnet. Lieu de passage mythique et dramatique dans le monde de la course au large. En 1979 une tempête terrible va coûter la vie à 15 marins. On ne passe pas le Fastnet par hasard, sans y penser. Xavier va apprécier ce passage, d’autant qu’il aura dans son rétroviseur Armel Le Cléac’h.
"J’ai doublé ce phare tellement de fois. Il est mythique dans le monde des marins, il se mérite, il faut aller le chercher. Ceux qui en font le tour savent la valeur de ce qu’il représente, c’est un peu comme un Cap Horn. Partir de France, traverser la Manche, la mer celtique, c’est majestueux même si j’avais plutôt le nez dans le guidon. Idem quand on a passé les îles Silly à la pointe de l’Angleterre. Ça me fait souvent un effet curieux, quand je suis en course, je me dis que ce serait bien de passer en croisière ici. Et quand j’y suis en croisière, je me dis vivement que je revienne en course."
Xavier Macaire va faire marcher neurones et bateau en même temps. Etre dessus à fond comme on dit dans le jargon. Même si sur la fin de l’étape il a un souci avec des algues coincées dans l’hélice, et un boot qui s’est emmêlé dans le tout bloquant le bateau. "J’ai cru que ça allait me coûter la victoire mais je m’en suis sorti car j’avais un petit matelas d’avance. Mais je voyais Loïs revenir, il a fini à trente mètres de moi alors qu’il était à deux miles derrière à l’entrée de la baie de saint Brieuc. J’avais peur de tout perdre, je n’étais pas très détendu. Mais bon c’est passé".
On dirait le Sud…
D’où vient cette maitrise ? Comme les petits bretons le petit Xavier Macaire, né en Normandie, et très vite installé en Provence, va démarrer très tôt. Il est presque tombé dedans étant petit. Habitant Aix-en-Provence, son père l’emmène en ballade sur un petit voilier, mais aussi pour aller à la pêche, devant Marseille.
"Déjà dans la cour de récréation je pensais bateau et j’ai accroché très vite. Par exemple, sur le bateau de papa, le challenge était pour moi de faire les manœuvres tout seul, comme monter ou affaler la grand-voile. Le bateau était au Vieux-Port, on faisait souvent des sorties dans les Calanques, vers Sormiou ou les îles du Frioul, puis on allait plus loin vers Porquerolles ou en Corse pour les vacances. C’est clair je baignais plus dans ce milieu que dans le foot" se souvient-il. Paradoxe, son partenaire actuel le Groupe SNEF a soutenu pendant de très nombreuses années le skipper marseillais Jean Paul Mouren. Symboliquement Xavier Macaire aura donc repris le flambeau.
"Cette passion pour la mer est née spontanément, je ne me suis pas posé de questions"
Après être passé au Centre d’Entraînement Méditerranée, Xavier Macaire va ensuite poser ses valises à la Rochelle, puis aux Sables d’Olonne. Même si toute la famille est restée dans le Sud. Cette démarche correspond aussi à un choix logique dans sa carrière, qui l’a emmené des Minis aux Figaros. Sa première Solitaire du Figaro date de 2011, l’année de la victoire de Jérémy Beyou. "C’est un copain entrepreneur et voileux, Gilles Caminade, qui m’a dit d’y aller, de chercher mes limites plus loin car j’avais le tour de ce que je pouvais faire en classe Mini." Grâce à Yves Ravot, patron de Starter qui avait couru en même temps une Mini Transat et gagné avec lui le Fastnet Race en 2010, Xavier Macaire met le pied à l’étrier. Depuis on connait l’histoire, jusqu’à la victoire de jeudi dernier.
Aux Sables d‘Olonne, en partenariat avec l’agglomération, il pense forcément au Vendée Globe, même si ce n’est pas encore dans un objectif à court terme. "J’avais un projet pour le Vendée 2020, et des discussions assez avancées mais un sponsor est parti sur un autre skipper. Je ne perds pas l’idée de faire un projet sur le Vendée" précise Xavier. Fan de Philippe Poupon et de Loïck Peyron, puis de Michel Desjoyeaux, Xavier Macaire avoue avoir un petit faible pour Laurent Bourgnon. "J’ai dévoré son bouquin, le petit Prince de l’Atlantique, dix ou quinze fois. J’étais fan de ce gars-là, ça m’a marqué. Pourquoi ne pas faire la Route du Rhum un jour ? J’ai déjà bien fait la Transat Jacques Vabre en 2019, mais en restant en Figaro je suis resté concentré là-dessus. Peut-être un jour j’évoluerai vers autre chose, en Imoca ou Multi on verra…"
Rester libre en mer
Comme tous les marins qui ont repris la mer depuis la fin du confinement, Xavier Macaire apprécie ce retour à la compétition, d’une façon presque normale. "Quand on est à terre les briefings se font en visioconférence, on se déplace avec le masque et on est obnubilés avec cette pression et tout ce qui va avec, ça change beaucoup de choses. Mais quand on est en mer rien n’a changé, on retrouve ce moment de liberté sur notre bateau, quelque part on a cette chance de pouvoir pratiquer notre sport."
La deuxième étape qui conduira dès demain la flotte vers Dunkerque n’empêche pas Xavier Macaire de dormir. Malgré les pièges qu’on annonce entre les cailloux et les courants. Il ne va pas changer ses habitudes de navigation. "Cette première étape c’était pour tâter le terrain car aucun écart n’est fait, on repart à zéro. Ça ne sert à rien de défendre quoi que ce soit car il n y a rien à défendre, j’en serai à la dernière étape peut-être, mais là non. Il me suffira de naviguer en phase avec mes convictions et mes idées".
Pour ses enfants et sa compagne Aurélie, Xavier va continuer dans cette lancée. Léni, qui à bientôt 5 ans (déjà très bateau selon son papa) et Solène 3 ans sont venus avec leur maman sur le Figaro Groupe SNEF à Saint-Brieuc. Ils ont pu se rendre compte de ce que papa faisait et où il travaillait. De la voile, et du beau travail. Ça paie toujours un jour.
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