Vendée Globe 2024 : "Ca a été un soulagement de ne pas partir"... Derrière les skippeurs engagés, des remplaçants naviguent entre anxiété et excitation

A chaque édition, les navigateurs engagés sur le célèbre tour du monde en solitaire, dont le départ est donné dimanche, ont la possibilité de désigner un skippeur remplaçant, prêt à partir en mer à tout moment.
Article rédigé par Othélie Brion
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'Imoca Macif de Charlie Dalin, dont Loïs Berrehar est le remplaçant pour le Vendée Globe, lors de la Transat CIC, le 28 avril 2024. (MATHIEU RIVRIN / AFP)

"J’avais le stress que le test covid de Clarisse [Crémer] soit positif. J’aurais été obligé de partir et ça ne m’aurait pas forcément enchanté". Son expérience de skippeur remplaçant, Erwan Le Roux, s’en souvient encore. Même quatre ans après. En 2020, c’est l’équipe Banque Populaire qui avait fait appel à lui. Comme le stipule l’avis de course du Vendée Globe, dont le départ a lieu dimanche 10 novembre aux Sables-d’Olonne, chaque engagé peut désigner un skippeur, prêt à le remplacer au pied levé s’il ne peut pas prendre le départ pour des raisons médicales ou "en cas de circonstances exceptionnelles". Et ce, jusqu’à 10 jours après le jour J. Un rôle à responsabilités, qui demande des nerfs solides et un brin d’adaptation.

A bord, tout est, en effet, aménagé pour le skippeur titulaire. "Même la nourriture a été choisie par lui, donc c’est difficile de se glisser dans ses chaussons", résume Jean-Luc Nélias, le team manager de Macif, qui a engagé Charlie Dalin sur le Vendée Globe. Surtout, les skippeurs remplaçants ont souvent une faible maîtrise de l’engin sur lequel ils pourraient naviguer. "Si je devais partir demain, il me faudrait un petit guide pratique", avoue en souriant Loïs Berrehar, le remplaçant de Charlie Dalin cette année.

Une maîtrise du bateau minimale

Concentré sur la saison de Figaro, le natif de Tours apprivoise l'Imoca Macif seulement depuis avril. "Avec Charlie, on a pris un maximum de temps pour naviguer ensemble mais ce n’est pas facile de faire coordonner les emplois du temps, souligne le marin de 30 ans. C’est en plus un bateau très technologique, complexe. Ça demande du temps et beaucoup d’observation."

"Quand on accepte le rôle de remplaçant, on ne se rend pas compte de l’impact de notre décision. On se dit que c’est super, que ça va être une bonne expérience. Mais plus ça va, plus on se rend compte de l’ampleur de la tâche et du manque de navigation. On prend conscience que si jamais ça se passe, on va être dans la merde", raconte le triple vainqueur de la Transat Jacques Vabre en Ocean Fifty (2009, 2013 et 2015). 

Le remplaçant, plus qu'un plan B

Lui n’est finalement pas parti, "un soulagement". On pourrait croire que se préparer pour une course et ne pas partir peut causer de la frustration, mais c’est loin d’être le sentiment qui domine. "Je n’aurai pas eu la préparation que j’aurais souhaitée, donc il n’y a pas de déception si je ne pars pas. C’est déjà énorme d’être remplaçant. Ça me donne de l’expérience et ça me booste pour être moi-même au départ dans quatre ans", confie Loïs Berrehar.

Il faut dire que le rôle de remplaçant ne se résume pas à s’entraîner et être prêt à prendre la mer à tout moment. Le skippeur suppléant est souvent le dernier à quitter le monocoque le jour du départ. "Le 10 novembre, je vais placer le bateau sur la ligne de départ, pendant que Charlie fera ses interviews, ses dernières siestes. C’est une manœuvre importante car il faut choisir le bon angle pour prendre le meilleur départ possible", détaille Loïs Berrehar.

Auprès de Clarisse Crémer, Erwan Le Roux estime lui avoir davantage été un "accompagnant" qu’un remplaçant : "J’ai essayé de l’aider un maximum dans son projet pour qu’elle puisse prendre le plus de plaisir dans son aventure. On a beaucoup échangé et je pense que ça nous a fait réfléchir sur nos pratiques, sur comment fonctionnait le bateau", explique le vainqueur de la Route du Rhum 2022 en Ocean Fifty

Une sélection "casse-tête"

Pour obtenir une telle alchimie entre le skippeur titulaire et son remplaçant, Jean-Luc Nélias s’assure que le skippeur engagé valide le choix de son suppléant. Une sélection inévitable - pour que le bateau et son sponsor soient, quoi qu’il en soit, visibles des médias et dans les ports - qui n’a rien d’anodin. "C’est un processus assez long, c’est toujours un casse-tête", avoue même le team manager de Macif. Les remplaçants doivent, en effet, remplir certaines conditions, dont certaines sont imposées par les organisateurs du Vendée Globe, comme avoir participé à l’une des courses de sélection du Championnat Globe Series

En plus, "le remplaçant doit correspondre à l’image du sponsor. Même si c’est forcément une autre histoire qu’on raconte, puisque le suppléant n’a souvent pas les mêmes armes que le skippeur titulaire", précise l’ancien navigateur, vainqueur de la transat Jacques Vabre avec Thomas Coville (catégorie Ultim) en 2017. Etre dans l’ombre de l’un des favoris de cette 10e édition, n’est cependant pas une source de pression pour le remplaçant de Charlie Dalin, Loïs Berrehar : "Je n’irai pas avec les mêmes objectifs sportifs que lui donc ça me met moins la pression. Globalement, je suis plus excité qu'apeuré", conclut même le récent second de la Solitaire du Figaro

En dépit de l’anxiété qu’il a pu ressentir à l’époque, Erwan Le Roux se dit, de son côté, prêt à accepter un nouveau rôle de remplaçant. Mais à une condition : "Etre sur un projet de longue date". Cette année, c’est le cas de Yann Eliès. Le skippeur de 50 ans, deux Vendée Globe au compteur (2008 et 2017), a été désigné remplaçant de Yoann Richomme, dont il a été le co-skippeur en 2023. Les deux hommes ont même pris la deuxième place de la Transat Jacques Vabre 2023 sur leur Imoca Paprec Arkea. "C’est en quelque sorte ça un vrai remplaçant, quelqu’un qui connaît aussi bien le bateau que le titulaire", souligne Erwan Le Roux. 

Vrai ou faux remplaçant, tous ont en tout cas le même objectif : "Ne pas remplacer le titulaire, mais être une assurance pour l’équipe et les sponsors", confiait Yann Elies à Voiles et voiliers début octobre. Jusqu’à présent, aucun remplaçant n’est entré en course. 

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