Vendée Globe 2024 : "Je suis sous le choc", déclare la navigatrice Clarisse Crémer, privée de course après sa maternité
"Force est de constater que les règles choisies par le Vendée Globe interdisent à une femme d'avoir un enfant". Sur son compte Instagram, jeudi 2 février, Clarisse Crémer ne décolère pas. Maman d'une petite fille depuis novembre 2022, la skippeuse - révélation du dernier Vendée Globe après sa douzième place - devait concourir dans la catégorie Imoca lors de l'édition 2024 du tour du monde en solitaire sans escale. Mais, face à un risque de non-qualification lié au nouveau règlement de la course, son sponsor, Banque Populaire, a décidé de changer de skipper.
Le règlement du Vendée Globe dans le viseur
Le nœud de l'affaire réside dans un nouveau règlement de course sur le Vendée Globe, qui stipule que les skippers doivent désormais obtenir des points (milles), en participant à des courses du circuit Imoca entre l'hiver 2021 et l'été 2024 afin de faire partie des 40 qualifiés. Clarisse Crémer, un temps éloignée de la barre en raison de sa pause bébé, a donc vu ses chances de se qualifier se réduire à mesure que les courses défilaient. Contrairement au tennis, aucun classement protégé n'existe en voile pour les sportives qui ont eu un enfant. "Je suis sous le choc, d'autres projets lancés bien plus récemment continuent pourtant sans sourciller. Il restait 2 saisons complètes et 4 transatlantiques pour revenir au niveau, j'étais à fond pour finir ma rééducation au plus vite", explique la navigatrice.
"A qui veut-on faire croire que de telles règles seraient équitables ? On a beau jeu de déplorer, ensuite, le faible nombre de femmes sur les lignes de départ."
Clarisse Crémer
Il y a quatre ans, Clarisse Crémer aurait pourtant été qualifiée d'office, en raison de son statut de "finisheuse" de la précédente édition du Vendée Globe. Elle y avait d'ailleurs établi le nouveau record féminin de la course en 87 sept jours, deux heures, 24 minutes et 25 secondes.
Aucun accord trouvé avec l'organisation du Vendée Globe
Conscient de la situation de la navigatrice, le Team Banque Populaire a expliqué dans un communiqué avoir multiplié les échanges avec la SAEM Vendée dès l’été 2022 pour parvenir à un arrangement. Mais selon le sponsor, réuni lors d'une conférence de presse aux allures de gestion de crise jeudi, toutes les propositions émises afin "que le règlement prenne en compte la situation des femmes et la question de la maternité dans le Vendée Globe", sont restées lettre morte.
"Après tout ce qu'on a demandé à l'organisateur, c'est difficile de penser que le Vendée Globe puisse revenir sur sa décision. A ce stade, la réponse est négative quant à un départ de Clarisse", pointe Thierry Bouvard, directeur du sponsoring Banque Populaire.
"Nous avons fait tout notre possible, avec un intense lobbying auprès de la direction de course. Nous avons aussi affrété un bateau pour Clarisse, début 2022, en espérant faire des milles. Mais la perspective de participer s'éloignant, nous avons dû nous résoudre à changer de skipper."
Ronan Lucas, manager général de l'équipe Banque PopulaireFranceinfo: sport
De son côté, l'organisation de la course souligne qu'afin de préserver l’équité envers l’ensemble des prétendants, elle ne peut "en aucun cas se permettre de changer les règles, alors que le processus de sélection est déjà engagé", a-t-elle réagi dans un communiqué. Reste la perspective de l'attribution d'une invitation (wild-card), déjà relevée par le Team Banque Populaire. "C’est une possibilité (...) mais celle-ci ne pourra être fléchée avant la fin du parcours de sélection, le Vendée Globe ne connaissant pas les skippers qui pourraient y prétendre", exposent les organisateurs.
La situation de Clarisse Crémer a largement fait réagir dans le milieu sportif et politique. La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra s'est entretenue avec les parties prenantes sur le règlement de la course, indiquant dans un tweet que ce dernier "devra impérativement évoluer pour permettre aux navigatrices de vivre sereinement leur maternité".
Banque populaire "dans la tempête"
Le sponsor, qui se dit "dans la tempête", s'est donc vu obligé de faire un choix : continuer avec Clarisse coûte que coûte, en mettant potentiellement en péril sa présence au Vendée Globe, ou bien recruter un nouveau skipper ayant accumulé assez de milles (sur un autre bateau), pour valider sa présence sur les pontons vendéens." Aujourd’hui Banque Populaire décide que cela représente pour eux un « risque » qu’ils ne souhaitent finalement pas courir", déplore la navigatrice.
Banque Populaire explique vouloir annoncer le nom du nouveau skipper dans les prochains jours. Le nom de Nicolas Lunven, qui avait remplacé Clarisse Cremer pendant sa maternité, est notamment évoqué. "Nous mobilisons des finances importantes et beaucoup de collaborateurs travaillent dessus, nous devons aller jusqu'au bout du Vendée Globe. (...) C'est sûr que l'on n'imaginait pas continuer l'histoire ainsi avec Clarisse. En 2021, lorsqu'elle nous avait fait part de son désir de maternité, nous l'avions encouragée", regrette Thierry Bouvard, qui a ajouté que le groupe souhaite continuer à réfléchir sur la maternité des skippeuses, dans un sport qui en compte peu.
"Si je m’exprime aujourd’hui, ce n’est pas par vengeance, pour attirer l’attention ni me faire plaindre, mais pour susciter la réflexion, et dans l’espoir de faire progresser notre société", conclut Clarisse Crémer. Lors de la dernière édition du Vendée Globe, il n'y avait que six femmes parmi les 33 skippers engagés.
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