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Wimbledon : pourquoi les têtes de série tombent comme des mouches

Paul-Henri Mathieu, aujourd'hui. Jo-Wilfried Tsonga, hier. Après à peine quatre jours de compétition, le tournoi britannique déplore douze forfaits ou abandons. Explications.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Jo-Wilfried Tsonga se fait masser le genou, le 26 juin 2013 à Wimbledon (Royaume-Uni). (CARL COURT / AFP)

Une hécatombe. Après à peine quatre jours de compétition, le tournoi de Wimbledon déplore douze forfaits ou abandons. Sept pour la seule journée de mercredi, et non des moindres : parmi eux, Roger Federer, Jo-Wilfried Tsonga, Maria Sharapova et Victoria Azarenka. Jamais, depuis le début de l'ère open en 1968, un tournoi du Grand Chelem n'avait perdu autant de joueurs et joueuses en une journée. Dernières capitulations en date, jeudi 27 juin : celles de Michaël Llodra, victime d'une blessure à une jambe, peut-être aggravée par une glissade, et de Paul-Henri Mathieu, touché aux cervicales. Mais pourquoi une telle série noire ?

Parce que le gazon a changé

Jamais autant de chutes et de glissades n'ont été recensées sur le gazon londonien. La tentation est donc grande de vouloir les lier à la qualité des courts du All England Club. Victoria Azarenka, numéro 2 mondiale, a dû déclarer forfait à cause d'une blessure au genou. "Le court n'était pas en très bon état, a jugé la Biélorusse, citée par Le FigaroCe serait génial si le club ou quelqu'un qui prend soin du court examinait ou essayait de trouver un problème pour que cela n'arrive plus."

Tête de série numéro 3 et favorite de Wimbledon, Maria Sharapova a été éliminée par une modeste 131e mondiale portugaise, après une glissade et un douloureux grand écart. "C’est la première fois de ma carrière que je glisse trois fois dans le même match", a commenté la Russe, comme le rapporte Sport24.com. La Danoise Caroline Wozniacki, tête de série numéro 9, s'est elle aussi écartelée et a été chassée du tournoi.

Mercredi après-midi, les organisateurs du tournoi ont publié un communiqué pour défendre leur nouveau jardinier en chef, Neil Stubley – remplaçant pour la première fois de l'historique head groundsman Eddie Seward, parti à la retraite –, et leurs brins d'herbe. "Nous n'avons rien changé à leur préparation ni à leur arrosage", ont-ils assuré.

Les joueurs ne sont pas convaincus. Ils constatent que le gazon est plus proche de celui des Jeux olympiques que de celui du tournoi 2012. Comme Marion Bartoli, finaliste en 2007, dans Le Monde. "Le gazon est coupé très haut, ça fait une espèce de matelas et vous vous enfoncez dedans. Il y a des endroits où il n'y a plus de gazon du tout donc, là, vous glissez sur une espèce de terre. Du coup, il faut faire attention sur ses appuis car on peut vite tomber." La polémique rappelle celle du Masters 1000 de Madrid en 2012, au sujet de la fameuse terre battue bleue, une patinoire qui a été depuis abandonnée.

La Biélorusse Victoria Azarenka chute sur le court de Wimbledon (Grande-Bretagne), le 24 juin 2013. (BEN STANSALL / AFP)

Parce que le jeu sur herbe est éprouvant

A Wimbledon, cette année, la liste des abandons sur blessure est impressionnante. Jo-Wilfried Tsonga a été touché à un genou. Même diagnostic pour l'Américain John Isner et le Croate Marin Cilic. Le Belge Steve Darcis, tombeur de Rafael Nadal au premier tour, a déclaré forfait à cause d'une blessure à l'épaule droite. Le Tchèque Radek Stepanek a craqué d'une cuisse.

Le jeu sur gazon peut être en partie jugé responsable. Il se révèle très exigeant pour les organismes, notamment pour les articulations du genou. Le rebond très bas de la balle impose aux joueurs des flexions répétées, souligne Le Point

"L’appui est beaucoup plus instable et il faut anticiper très rapidement", complète dans 20 Minutes Jérôme Bianchi, le kiné de l’équipe de France de Fed Cup. "Dès qu’il y a un contre-pied, on essaie de repartir et là le pied glisse, et le genou se retrouve en porte-à faux. D’autant plus si la surface est humide." Et justement, comme en France, la pluie s’est abattue plus que de coutume outre-Manche, gorgeant les courts d’eau.

La Russe Maria Sharapova reçoit un traitement médical après une glissade sur le gazon londonien, le 26 juin 2013 à Wimbledon. (ADRIAN DENNIS / AFP)

Parce que les héros sont fatigués

Les corps lâchent aussi parce qu'ils sont usés par les tournois enchaînés à un rythme effréné. "Aujourd’hui, il y a une telle densité sur le circuit et tellement de tournois où le règlement impose d’être présent… Les joueurs sortent de six mois à fond, et à force de tirer sur la corde, ça casse", commente Julien Benneteau dans 20 Minutes. Lui aussi a chuté lourdement sur le gazon londonien.

"Il y a un peu moins de fraîcheur car j'ai beaucoup joué. Je n'ai pas pu vraiment bien récupérer, donc voilà, oui, il y a de la fatigue", reconnaissait Jo-Wilfried Tsonga dans un entretien à L'Express, avant son premier match à Wimbledon. "On enchaîne vraiment, soulignait-il lui aussi. Tu joues, tu joues, tu joues et tu ne t'arrêtes pas beaucoup. Du coup, forcément, il y a des moments dans la saison où c'est un peu plus dur qu'à d'autres et Wimbledon en fait partie parce qu'il arrive à la suite d'une longue série de tournois." 

Les ramasseurs de balles se précipitent vers Julien Benneteau, à terre après une glissade, le 26 juin 2013 à Wimbledon (Grande-Bretagne). (GLYN KIRK / AFP)

Parce que Wimbledon arrive juste après Roland-Garros

Wimbledon occupe en effet une place délicate dans le calendrier des tournois. "Quand arrive Wimbledon, les joueurs sortent d’une saison intense sur terre battue où les organismes ont été mis à rude épreuve. Et en général, la saison sur gazon est celle où tout déraille", souligne Sébastien Petit sur Ace, le blog tennis d'Eurosport. "Les joueurs ont à peine le temps de s’adapter à la surface que Wimbledon arrive, seulement deux semaines après la fin de Roland-Garros."

L’ATP, qui supervise l'ensemble des grands tournois, a pris la mesure du problème. En juillet 2012, elle a décidé de reporter d'une semaine le début de Wimbledon, rapportait le site spécialisé We love tennis. Mais ce nouveau calendrier ne sera pas mis en place avant 2015. Les joueurs bénéficieront de trois semaines de récupération et de préparation entre la terre battue parisienne et le gazon londonien. Pour l'heure, la saison d'herbe reste la plus courte des quatre surfaces, avec seulement quatre semaines, loin derrière les longues tournées sur dur ou sur terre. Elle sera donc rallongée.

Voilà qui explique aussi pourquoi Wimbledon est si dévastateur. Pas autant toutefois que l'édition 2008, qui avait enregistré treize désistements. Le record d'abandons ou de forfaits sur la durée d'un tournoi du Grand Chelem reste détenu par l'US Open 2011, avec dix-sept défections.

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