Syrie : ce que l'on espère de la conférence internationale
Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, accueillait lundi ses homologues russe et américain dans la perspective d'une conférence internationale sur la Syrie, en juin.
Petit à petit, les preuves s'accumulent. Lundi 27 mai, Le Monde a publié le fruit de deux mois de reportage dans les faubourgs de Damas. Deux journalistes du quotidien affirment qu'à quelques centaines de mètres du cœur de la capitale syrienne, l'armée a utilisé des armes chimiques contre les rebelles. Pas un usage massif, non. Le régime y a recours dans des zones stratégiques et de "manière ponctuelle, évitant des épandages massifs qui constitueraient facilement des faisceaux de preuves irréfutables". Ainsi, Bachar Al-Assad, qui bénéficie par ailleurs de la montée en puissance du Hezbollah, flirte avec la "ligne rouge" de Barack Obama pour qui "l'utilisation d'armes chimiques est et sera considérée comme tout à fait inacceptable".
C'est dans ce contexte que se sont retrouvés lundi dans la soirée, à Paris, les chefs des diplomaties américaine (John Kerry), russe (Sergueï Lavrov) et française (Laurent Fabius). Ils devaient s'entretenir du projet de conférence internationale sur le conflit syrien, voulue pour juin par Moscou et Washington et baptisée Genève-2.
Un précédent échec
Il y a un an, en juin 2012, une première conférence internationale sur la Syrie s'est tenue à Genève (Suisse). Un plan de transition a été adopté mais il est resté lettre morte, car il ne "fixait pas clairement le sort de Bachar Al-Assad", résume Libération. "Les Occidentaux faisaient de son départ du pouvoir un préalable. Les Russes s’y refusaient, concédant qu’il pourrait partir à la fin du processus de transition."
"Il n'y avait pas vraiment d'accord, alors les combats sont repartis", après la conférence, explique Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo). Les Russes ont misé sur la solidité du régime, tandis que Damas était attaquée de toutes parts, qu'Alep était partiellement prise, qu'un attentat décapitait l'état-major syrien et que les Qataris finançaient discrètement la rébellion. Mais "les Occidentaux avaient sous-estimé la capacité de résistance du régime et surestimé la capacité d'organisation de l'opposition", analyse le chercheur.
Une situation différente
Un an plus tard, le pays est fragmenté, le conflit a pris un tour religieux et se régionalise. Israël a frappé la Syrie. Le Liban plonge dans la violence. L'Irak menace de suivre et l'Iran s'implique par l'intermédiaire du Hezbollah. Sans compter que des combattants jihadistes venus de toute la région, mais aussi des chiites irakiens, viennent combattre en Syrie.
"Il y a un double constat. D'abord l'incapacité d'une partie ou de l'autre de s'imposer, et donc pas de solution militaire à ce stade. Ensuite, quant à une solution politique intersyrienne, elle est hors d'atteinte, car personne n'est légitime aux yeux de son adversaire. Le régime juge que les rebelles sont des terroristes soutenus par l'étranger, et la rébellion voit dans le régime de Bachar Al-Assad une dictature responsable de 80 000 morts", analyse Karim Emile Bitar, directeur de recherche à l’Iris et spécialiste du Proche et Moyen-Orient. Par conséquent, "la seule possibilité pour sortir de cette double impasse, c'est une solution diplomatique internationale".
Vers une transition politique ?
Pour cette nouvelle conférence, Moscou et Washington espèrent réunir des représentants du régime de Bachar Al-Assad et des représentants de l'opposition. Damas a déjà donné son accord de principe, mais l'opposition, trop divisée, n'a pas de position claire. Si la conférence se tient, il devrait être question, d'après Le Figaro, de "l'établissement d'une nouvelle charte intersyrienne et la formation d'un gouvernement de transition".
Il semble qu'à demi-mot, face à une opposition divisée et de plus en plus inquiétante, les Occidentaux revoient leurs ambitions à la baisse. "Moscou et Washington cherchent à calmer le jeu. Je pense que l'idéal, pour elles, serait de trouver un 'scénario à la yéménite' : on change la façade, mais on préserve l'ossature. Les Etats-Unis ont la hantise de ce qui s'est passé en Irak : l'effondrement des institutions étatiques qui a conduit à une guerre civile et des centaines de milliers de morts", poursuit Karim Emile Bitar. Il note toutefois qu'il faudrait un accord international qui soit répercuté à l'échelle régionale (les Etats-Unis faisant pression sur leurs alliés du Golfe et les Russes sur le régime de Bachar Al-Assad) avant que "les forces actives sur le terrain acceptent le projet". Bref, "on est encore loin du but" et la démarche a d'"assez faibles chances d'aboutir".
Fabrice Balanche, lui aussi, écarte toute possibilité de sortie de crise : "Les Occidentaux souhaitent que Bachar Al-Assad accepte de partager le pouvoir avec l'opposition, de préparer les conditions à une alternative politique. Mais Assad donnera des strapontins et s'ils pensent que le chef de l'Etat syrien va accepter, ils se trompent. Finalement, on est en train de lâcher l'opposition doucement."
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