Syrie : les raisons du soutien russe et chinois à Bachar Al-Assad
Moscou et Pékin mettent leur veto sur chaque résolution du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant Damas. En jeu : d'énormes intérêts, qui seraient remis en cause si le régime en place était renversé.
"Il ne faut pas se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il faut laisser les Syriens décider eux-mêmes de leur sort." Vladimir Poutine, le Premier ministre russe, reste mercredi 8 février droit dans ses bottes alors que la Russie et la Chine ont mis leur veto, quatre jours plus tôt, à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU au sujet de la Syrie. Moscou et Pékin, membres permanents du Conseil et disposant d'un droit de veto, avaient déjà bloqué une résolution similaire en octobre.
En Syrie, les violences se poursuivent et la situation semble sans issue. La répression de la révolte a fait, depuis la mi-mars, plus de 6 000 morts dans le pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). La communauté internationale a vivement réagi après le veto russe et chinois. Voici quatre raisons au refus de ces deux pays de condamner le régime de Bachar Al-Assad :
1/ Parce que la Russie a des intérêts en Syrie
La Russie est un allié stratégique de la Syrie. Moscou a aidé Damas dans son processus de libéralisation économique, souligne Le Parisien. Les investissements russes en Syrie sont importants, notamment dans le domaine énergétique. D'autre part, les Russes disposent, depuis 1971, d'une position militaire dans le port de Tartous, à l'ouest du pays. Il s'agit pour les Russes de leur unique accès direct à la Méditerranée, et c'est là un motif d'intervention supplémentaire de leur diplomatie sur les "dossiers chauds" de la région (Israël, Palestine, Iran, Liban). Car Moscou souhaite faire de ce port une base navale, destinée à accueillir des navires lourds, comme des frégates, des croiseurs et des porte-avions, rapporte RFI.
Autre donnée, économique cette fois-ci : la totalité des contrats de la Syrie avec l'industrie d'armement russe dépasserait les quatre milliards d'euros, explique Le Parisien. Avions, missiles, systèmes de défense aérienne... la Russie réalise 7% de ses ventes d'armement grâce aux Syriens. Et, au-delà de l'aspect économique, "l’enjeu, c’est (...) de montrer que Moscou est un fournisseur fiable, qui respecte sa parole", analyse Fabrice Balanche, géographe, spécialiste de la Syrie, interrogé par Europe1.fr.
2/ Parce que la Chine et la Russie sont alliés
Entre la Chine et la Russie, au conseil de sécurité de l'ONU, c'est du donnant-donnant."La Chine défend toujours les intérêts stratégiques de son partenaire en échange de son soutien lorsque les intérêts chinois sont menacés", précise Europe1.fr. Et les deux pays sont des alliés stratégiques. En 2001, ils ont signé un "accord de bon voisinage, d'amitié et de coopération". En 2011, un accord sur la coopération gazière entre les Russes et les Chinois vient enrichir le partenariat stratégique.
3/ Parce que la Chine et la Russie craignent un soulèvement... chez elles
La Chine et la Russie partagent la même méfiance vis-à-vis du printemps arabe, note l'Express.fr. Ces mouvements de contestation populaire, qui réclament davantage de démocratie, pourraient inspirer les anti-Poutine et ceux qui contestent le régime de Pékin. La Russie connaît une vague de contestation sans précédent depuis les législatives de décembre. Et même si cette fronde semble se tasser, elle nuit à l'image du Premier ministre candidat à la présidence, Vladimir Poutine. En Chine, l'année 2011 a été marquée par des conflits et des mouvements sociaux. Et au Tibet, immolations et affrontements entre manifestants et autorités chinoises se multiplient depuis le début de l'année.
4/ Parce que Pékin refuse tout droit d'ingérence
"Les Chinois, qui n'avaient pas mis leur veto à la résolution sur la Libye en mars 2011, ont eu le sentiment de s'être fait rouler. Ils pensaient avoir donné leur accord pour la paix, pas pour enclencher une guerre", explique Jean-Luc Domenach, sinologue, à Libération. La Chine rejette toute intervention étrangère et s'oppose au droit d'ingérence. "Parce que, eux-mêmes, peuvent avoir des soucis avec les Tibétains ou les Ouïghours, estime le sinologue Fabrice Bablanche, sur Ouest-France.fr. Donc, il n’est pas question de tendre le bâton pour se faire battre."
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