Tour de France 2023 : des jumeaux pour une victoire, un cas unique et des sentiments contradictoires... La folle journée des frères Yates
Adam Yates est sans doute passé par tous les sentiments possibles en s'imposant lors de la première étape du Tour de France, samedi 1er juillet, à Bilbao. De la surprise d'abord, en voyant que le seul à le suivre pour plonger sur l'arrivée était son frère jumeau (et concurrent), Simon (Jayco-AlUla). De la joie, ensuite, en allant chercher son premier bouquet sur le Tour. Puis sans doute un peu de frustration de l'avoir décrochée face à celui qu'il connaît depuis son premier jour.
D'abord présent pour accompagner Tadej Pogacar dans la dernière côte de la journée, celle de Pike, le Britannique s'est écarté pour lancer le Slovène. Pour finalement mieux surgir dans la descente et surprendre la concurrence. Il a profité d'un regroupement après le sommet et du marquage entre les favoris, craignant tous son leader. Personne n'a voulu faire l'effort, hormis... son frère.
"Il m'a demandé ce matin ce qu'on allait faire et je ne lui ai rien dit. C'est un concurrent quand même ! Dans la dernière côte, Tadej m'a dit d'y aller et ça a payé", a expliqué Adam Yates à l'arrivée. "Je devais saisir l’opportunité de devancer Pogacar et Vingegaard qui sont rapides au sprint, explique de son côté son frère jumeau. Je suis parti avec lui, c’était serré mais j’ai eu des crampes dans le final. Malheureusement, il m’a eu, mais il y en aura d’autres."
Vainqueur pour la première fois sur le Tour, le Britannique de 30 ans a privé son frère d'un troisième bouquet, lui qui en avait empoché deux en quatre jours en 2019. "On s’est battus tellement de fois en grandissant, puis à l’entraînement. J’ai une relation fantastique avec mon frère, donc je suis très heureux pour lui", a lâché le jumeau vaincu devant son bus à l'arrivée. "Je pense qu’Adam a plus de regrets d’avoir gagné devant son frère que d’émotion d’avoir gagné. Parce qu’on sait l’alchimie qu’il y a entre des jumeaux", a noté Mauro Gianetti, le manager d'Adam chez UAE.
Rois des occasions manquées
Réputés très costauds sur une semaine, les deux Yates souffrent d'un déficit de popularité auprès du grand public pour leur discrétion, mais aussi à cause d'une sale habitude : celle d'avoir toujours un jour sans pendant les Grands Tours, les faisant dégringoler au classement. Simon Yates a réussi a vaincre le signe indien en remportant le Tour d'Espagne en 2018, ce que n'a jamais réussi Adam, souvent passé proche (4e du Tour 2016 et de la Vuelta 2021) et désormais plus souvent équipier que leader sur les courses de trois semaines.
"De l’extérieur, on ne le voit pas trop parce qu’il est timide, mais c’est un mec très sympa. Il rigole beaucoup. C'est une personnalité extraordinaire dans une équipe parce qu’il est simple mais très professionnel dans ses entraînements, sa mentalité, sa préparation, dévoile son manager. Il est très facile à gérer. Depuis le début de saison, il a toujours été dans de très bonnes conditions et on savait qu’il pouvait être un protagoniste de ce Tour."
Intronisé co-leader de la formation UAE-Emirates aux côtés de Tadej Pogacar, Adam a frustré son frère à coup sûr, mais il a fait un heureux : "Je suis sûr que Tadej est plus heureux d’une victoire d’un coéquipier qu’une pour lui ! J’en suis sûr, je le connais", lance son directeur sportif Joxean Fernandez Matxin. "Tadej et Adam s’entendent bien, ils sont de bons copains", confirme Mauro Gianetti. Troisième derrière la fratrie samedi, Tadej Pogacar a d'ailleurs levé les bras comme s'il avait lui-même gagné l'étape en battant les autres leaders au sprint. Maillot blanc sur les épaules, ce dernier s'est délesté d'un peu de pression et n'aura pas à assumer les responsabilités du maillot jaune.
Un maillot jaune que va arborer pour la deuxième fois Adam Yates, après l'avoir déjà porté quatre jours en 2020. "C'est un peu différent, la dernière fois c'était l'année du Covid-19, et Alaphilippe avait écopé d'une pénalité (20 secondes de débours pour ravitaillement dans les 20 derniers kilomètres). Là, j'ai vraiment l'impression de le mériter. Je ne suis passé pas loin plusieurs fois, et pas seulement sur le Tour de France, mais j'ai parfois eu des chutes." Dimanche, il arborera cette tunique que son frère n'a jamais eu l'occasion de porter. Une raison de plus pour Adam Yates d'entretenir des sentiments contradictoires.
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