Tour de France 2023 : sonné par Jonas Vingegaard la veille, Tadej Pogacar a répondu à l'orgueil
La grande lessiveuse du Tour de France donne à chaque journée une coloration unique, qui balaie toutes les certitudes de la veille et ne donne aucune indication sur celles du lendemain. Mercredi, Tadej Pogacar était sonné, repoussé dans les cordes dès le premier round par Jonas Vingegaard. On pouvait imaginer le Slovène atteint après avoir été collé au bitume du col de Marie Blanque, concédant plus d'une minute à son rival. Jeudi, le double vainqueur du Tour s'est frayé un chemin parmi tous les vents contraires qui lui faisaient face : un Danois affamé, une minute de débours et une mauvaise nouvelle, celle d'une commotion cérébrale pour sa compagne également cycliste, Urska Zigart, apprise après l'arrivée mercredi.
C'est peut-être même cette dernière inquiétude qui lui a donné l'impulsion de combattre, alors que son orgueil a fait le reste. Esseulé autour de quatre Jumbo-Visma, lui rappelant déjà le mauvais souvenir du col du Granon, Pogacar n'a pas bronché, laissant l'équipe néerlandaise s'épuiser dans le col du Tourmalet, avant de voir les équipiers se garer les uns après les autres, l'infatigable Wout van Aert ayant même dû être soutenu par des spectateurs pour ne pas tomber. "Aujourd’hui, les sensations en course étaient bien meilleures que mercredi, je suis vraiment très heureux. Dans le Tourmalet, je pensais tout le temps : 'Je ne peux pas lâcher la roue, je ne peux pas lâcher la roue !' C’est ce que j’ai fait, j’ai suivi à 100% parce que, sinon, j’aurais vraiment été dans la panade", a dévoilé Pogacar au micro de France 2 à l'arrivée.
La "masterclass" de Pogacar
Dans les pentes de l'ultime ascension, bouche ouverte et lunettes sur le casque pour laisser supposer au Danois ses difficultés entrevues la veille, Pogacar a finalement démarré à 2,8 km du sommet, laissant à son tour Vingegaard à ses questionnements, lui qui avait allumé la première mèche à 51 km de l'arrivée. "Pogacar avait des meilleures jambes aujourd’hui. On a essayé dans le Tourmalet mais je n'ai pas réussi à le décrocher, j’aurai aimé le décramponner là. J’aurais eu Wout van Aert devant moi pour mener le train dans la vallée, ça aurait été parfait, mais il était en bien meilleure forme qu’hier", a salué le Danois, qui pourra se consoler avec le maillot jaune repris à Jai Hindley, qui n'a pu que constater le delta qui le sépare du duo. "On a quand même des cracks devant, je ne pouvais rien faire", s'est résigné l'Australien au micro d'Eurosport.
Jeudi soir, voilà Pogacar revenu à 25 petites secondes de Jonas Vingegaard, lui qui en comptait 53 au matin. Le zébulon slovène s'est rebiffé, et refait pousser une graine de doute dans le cerveau de l'imperturbable Danois. "Je ne parlerais pas d’une revanche, c’est bien de gagner et de prendre un peu de temps, ça va me rebooster, je me sens mieux. C’est presque parfait (l’écart de 25 secondes), ce sera une grosse bagarre jusqu’à la dernière étape", a commenté le vainqueur du jour, qui avoue avoir été inquiet après la démonstration du Danois mercredi.
"Quand Vingegaard a commencé à accélérer dans le Tourmalet, je me suis dit : 'Merde, ça va encore m’arriver, comme hier, on va prendre nos vélos et rentrer à la maison !' Heureusement, j’avais des bonnes jambes aujourd’hui."
Tadej Pogacaraprès la 6e étape
Alors que la pluie commençait à tomber sur Cauterets et que les coureurs revenaient emmitouflés à leur bus, le sourire était revenu au sein de l'équipe UAE-Emirates du Slovène, qui en est déjà à dix victoires sur le Tour en quatre éditions. "Pogi' est là pour gagner le Tour, donc il y avait de la déception, mais on s'est bien repris. Aujourd'hui il est revenu avec une masterclass. C'est un champion, il sait ce qu'il a à faire. On va pouvoir fêter un peu ça à l'hôtel, et on repart", s'est félicité Matteo Trentin, suivi par Félix Grosschartner."On croit toujours en lui, et on ne sait jamais ce qui peut se passer. Aujourd'hui, il est revenu dans la bagarre."
Un peu plus loin, sous le bus jaune et noir de la Jumbo-Visma, la joie de récupérer le maillot jaune cachait difficilement la vraie information du jour : Tadej Pogacar est peut-être désormais l'outsider, mais il contournera chaque porte fermée pour passer par la fenêtre. "Pogacar est un bagarreur, il voulait revenir aujourd’hui, je suis très impressionné par ce qu’il a fait. C'est le meilleur coureur du monde, donc nous nous attendions à ce qu'il essaye de revenir", a salué, beau joueur, le chien de garde de Vingegaard, Sepp Kuss. En célébrant sa victoire par un salut théâtral, comme pour signifier à tous que sa prestation n'était que le deuxième acte de la pièce qu'il partage avec Vingegaard, Pogacar a surtout fait en sorte de rappeler qu'il ne faut jamais l'enterrer trop vite.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.