Tour de France 2023 : Tadej Pogacar-Jonas Vingegaard acte II, qui a l'avantage ?
Ce sera la troisième fois qu’ils s’affronteront sur le Tour de France, mais ce sera bien la deuxième où ils se jaugeront les yeux dans les yeux. En 2021, quand Tadej Pogacar avait écrasé le Tour de France, Jonas Vingegaard était alors lieutenant de rechange de Primoz Roglic, même s’il avait été le seul à décrocher Pogacar de sa roue sur le Mont Ventoux. En 2022, le Danois, intronisé leader, avait vengé son équipe en harassant dans le col du Granon un Pogacar exsangue, victime de la chaleur et des coups de boutoir de la Jumbo-Visma.
Les voici prêts pour le deuxième acte, à partir de Bilbao samedi. Et s’ils semblent seuls sur leur planète pour viser la victoire finale, ils démarrent ce Tour avec des préparations différentes.
Préparation : avantage Vingegaard
Sans sa grosse chute lors de Liège-Bastogne-Liège, qui lui a occasionné une blessure au poignet et un arrêt de compétition jusqu’à la semaine dernière, Tadej Pogacar aurait sans doute remporté ce premier duel. Le Slovène de 24 ans avait fait feu de tout bois en début d’année : deux victoires sur ses courses à étapes (Tour d’Andalousie et Paris-Nice, avec trois victoires d’étapes à chaque fois), et une campagne de classiques exceptionnelle (victoire sur le Tour des Flandres, l’Amstel Gold Race et la Flèche Wallonne).
Mais cette chute à Liège le 23 avril est venue tout chambouler, et faire planer le doute : avec seulement deux jours de course depuis cette date (ses championnats nationaux sur route et contre-la-montre, tous les deux remportés), Pogacar arrive à l’arrêt au Tour, là où tous aiment arriver lancés. "Les entraînements se sont bien passés, les sensations sont bonnes, je me sens prêt", a balayé le double vainqueur jeudi. "Il est jeune et tellement doué que je suis sûr qu'il répondra présent. Parfois, un peu de repos te rend même plus fort", a ajouté son fidèle sherpa Rafal Majka.
De son côté, Jonas Vingegaard a suivi une trajectoire de préparation bien plus rectiligne. Le discret Danois ne s’est pas éparpillé sur les classiques, se contentant d’écraser les courses par étapes qu’il a disputées (Gran Camino, Tour du Pays basque, Dauphiné). Il a été dominé par Pogacar sur Paris-Nice (3e) mais le pic de forme et juillet étaient encore loin, et la suite l’a confirmé : sur le Dauphiné début juin, il semblait très largement au-dessus de la concurrence. "J’ai eu une bonne période après le Dauphiné, on est allé en camp d'entraînement, je me sens prêt. Je suis là où je voulais être, ma forme est bonne. Lors des deux derniers mois, je n’ai pensé qu'à l'entraînement pour être prêt pour le Tour. On verra dans trois semaines si c’est suffisant", a expliqué le vainqueur sortant jeudi.
Polyvalence : avantage Pogacar
Un Tour se gagne toujours en montagne, mais peut se perdre à peu près n’importe où. Et à ce jeu-là, Tadej Pogacar a tout pour bousculer son rival. En 2022, son coup de force sur les pavés avait coïncidé avec la pagaille des changements de vélo de Jumbo-Visma, qui avait finalement limité la casse. L’agilité sur sa monture, la capacité à dompter tous les terrains et tous les temps, ainsi que son punch donnent à Pogacar un large avantage face au Danois en cas de terrain imprévu ou de conditions dantesques. Le Pays basque en regorge déjà.
Jonas Vingegaard comptera, lui, beaucoup sur son équipe pour éviter les pièges. Le Danois n’est pas aussi félin que Pogacar sur le vélo, calcule bien plus ses coups de pédale, mais son caractère anxieux éveille ses sens en permanence, et il ne part que très rarement à la faute, en course et tactiquement. Et c’est lui qui avait fini par surprendre, et user, Pogacar l’an passé. "J’ai beaucoup appris de l’année dernière, notamment à faire moins de choses stupides. Nous aurons une mentalité un peu différente cette année", a indiqué Pogacar. Il en faudra sans doute encore plus cette année pour faire vaciller le Danois.
Guerre psychologique : égalité
"Jonas est le favori". Déchu de son titre l’an dernier, Tadej Pogacar en profite pour basculer toute la pression sur son rival, qui se retrouve dans sa situation un an plus tard. Délesté de la pression du champion sortant, le Slovène reprend le costume qu’il affectionne : celui de chasseur. Le Slovène à la mèche dépassant du casque, rappelant un aileron de requin, repart à la chasse au Danois, et c’est sans doute là qu’il est le plus redoutable. "Pogacar va arriver avec zéro pression, ça le rend encore plus dangereux", résume Mathieu van der Poel.
Jonas Vingegaard, lui, préfère comme souvent botter en touche et dédramatiser la rivalité naissante. "D’un côté je suis chassé, mais de l’autre je chasse toujours la victoire. Ça n'importe pas beaucoup de dire qui est le grand favori", a-t-il évacué jeudi. Le Danois, qui avait su manœuvrer sans trembler la défense d’un premier maillot jaune en 2022, s’était cependant mis en retrait du cyclisme pendant deux mois, avouant avoir eu une "explosion mentale". "Les choses ont changé quand tu gagnes le Tour, mais je n’ai pas changé", a-t-il mis en garde jeudi. Le feu de Pogacar trouve toujours son antithèse dans la glace de Vingegaard, et chacun a joué ses cartes jusqu'au Grand Départ, où ils ne pourront plus jouer à cache-cache.
Force d’équipe : avantage Vingegaard
Un Tour ne se gagne jamais tout seul, Pogacar comme Vingegaard le savent et n’oublient jamais leur garde rapprochée. Déjà moins armée sur le papier, la formation UAE-Emirates de Pogacar avait évolué un ton en dessous de Jumbo-Visma en 2022, pas aidée par les abandons de George Bennett, Marc Soler et Rafal Majka. En 2023, le manager Mauro Gianetti a troqué Bennett contre Felix Grossschartner et Marc Hirschi contre… Adam Yates, récent 2e du Dauphiné.
L’intronisation du Britannique comme "co-leader" par son manager donne autant de gages sur le niveau de Yates que de doutes sur celui de Pogacar. Est-ce du bluff ? Toujours est-il que, si elle manquera de force sur le plat, la formation de Pogacar pourra l’accompagner longtemps dans les cols. "Nous avons une bonne équipe, en tout cas pour l’instant. Elle était forte l’année dernière aussi mais c’est allé de pire en pire. J’espère que cette année, la chance sera plus de notre côté, nous avons beaucoup travaillé ensemble ces derniers mois", espère Pogacar.
Pour Vingegaard, deux changements sont également à noter par rapport à 2022 : Primoz Roglic, vainqueur du Giro, laisse sa place à Dylan van Baarle, alors que Steven Kruijswijk, initialement prévu, a chuté et est remplacé par Wilco Kelderman. Pour les Néerlandais, déjà l’équipe la plus complète l’année dernière, c’est la force de l’habitude qui sera le principal atout. "Ce sont les mêmes gars, nous connaissons nos forces pour beaucoup d’entre nous. Nous aurons plus de calme cette année", explique Wout van Aert, qui pourrait quitter la course en cas de naissance de son nouvel enfant. Jumbo-Visma a une solution pour tous les terrains, et tous ont déjà intégré qu’il n’y a qu’un seul objectif pour eux : amener Jonas Vingegaard à un deuxième sacre.
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