Tour de France 2023 : un peloton toujours impressionné au lendemain de la performance de Jonas Vingegaard
Abasourdi. A l’annonce du chrono de Jonas Vingegaard, les yeux écarquillés de Tom Pidcock (Ineos-Grenadiers) répondaient au dépit de Mauro Gianetti, le manageur d'UAE-Emirates, un peu plus loin, posté sous le parasol du bus de son équipe. En reléguant à 1'38" Tadej Pogacar, le Danois a écrasé le Slovène, assommé le Tour de France. Au lendemain de la performance, au départ de la 17e étape, mercredi 19 juillet, la sidération était encore omniprésente dans le peloton et parmi les suiveurs.
L’effervescence était d'ailleurs plus importante que d’ordinaire sur le long pont qui traverse Saint-Gervais Mont-Blanc. Beaucoup de questions tournaient autour d’un seul nom : Jonas Vingegaard. "Tout le monde a été surpris, moi je m’attendais à quinze-vingt secondes. Là, l’écart est abyssal. Que dire de plus ?", s'interroge le manager français de Lotto Dstny Stéphane Heulot. "J’avais annoncé une minute d’écart avec les meilleurs. Au final, c’est impressionnant sur les pentes raides. Ils font 20 kg de moins et ils voltigent", confirme Rémi Cavagna, le coéquipier de Julian Alaphilippe.
"Quand des mecs exceptionnels ont des journées exceptionnelles, ça donne quelque chose comme ça"
Si les doutes sur la performance de Jonas Vingeaard par rapport à celle de Tadej Pogacar, déjà excellente, ont envahi le débat, aucun acteur du Tour ne s’est aventuré à jeter l’opprobre sur le Danois. "Les doutes, je ne sais pas. Moi j’ai vu la maîtrise de Vingegaard, les risques qu’il a pris dans la première descente. Il connaissait vraiment bien son sujet et il a lui même dit qu’il était dans une journée exceptionnelle. Quand des mecs exceptionnels ont des journées exceptionnelles, ça donne quelque chose comme ça", explique Aurélien Paret-Peintre d’AG2R-Citroën, rejoint par Rémi Cavagna : "Les doutes, je ne sais pas. Forcément on se dit que les écarts sont incroyables. Mais après ce sont des athlètes professionnels, tout est optimisé, et ce sont les meilleurs coureurs du monde."
Simon Guglielmi remet lui en contexte la performance du Danois par rapport à celle du Slovène, intercalé entre la comète Vingegaard et le reste du monde. "C’est un temps impressionnant, et s’il n’y avait pas eu Vingegaard, on aurait dit que Pogacar avait fait un super chrono. Je pense qu’il l’a bien préparé, et il a déjà fait des supers chronos comme l’année dernière sur le Tour. Tout le monde peut se poser des questions, on s’en est toujours posé", rappelle le coureur d’Arkéa-Samsic.
Le dopage, qui a si longtemps gangrené les performances hors-norme réalisées jusque dans les années 2000, ne fait pas partie des explications avancées par les acteurs interrogés sur cet exploit. "Je ne voudrais pas participer à cette connerie. Les vélos sont contrôlés sur les moteurs, il y a des passeports biologiques, des contrôles inopinés et lui il a des contrôles tous les soirs en tant que maillot jaune. Si c’était le cas, ce serait très stupide, mais je ne crois pas", nous explique Patrick Lefevere, le patron de Soudal-Quick-Step, accoudé à sa voiture. "Personnellement, je me refuse à porter un jugement. L’histoire de notre sport a montré que certaines performances passées n’étaient pas crédibles, mais aujourd’hui il y a tellement d’ingénierie, de choses mises au service de la performance sur le matériel et les stages en altitude… Ça fait qu’aujourd'hui il y a des performances extraordinaires… Doit on systématiquement suspecter toute performance extraordinaire ?", s’interroge Vincent Lavenu, le manager d’AG2R-Citroën.
La Jumbo assaillie de questions
Tous invoquent la préparation, les capacités physiologiques exceptionnelles de Jonas Vingegaard (tout comme Tadej Pogacar), les combinaisons où excelle Jumbo-Visma afin de gratter des "gains marginaux" qui se transforment au final en un gouffre entre eux et les autres. Rappelons que les deux premiers coureurs au général portaient mardi les maillots distinctifs fournis par l'organisateur et non leur équipementier. "Ils font certainement tout un peu mieux que les autres, et on espère qu’il n’y a pas d’autre petit détail qui joue dans la performance", soutient Matis Louvel (Arkéa-Samsic). "Ça arrive que des gens soient hors norme et c’était le cas hier sur sa performance. On peut être surpris et se poser des questions, mais il ne faut pas avancer des choses sans preuve", défend l’ancien coureur Jimmy Turgis.
Du côté de la formation néerlandaise, assaillie de questions mercredi matin au bus, n’a pas changé de ligne, et rejette toute suspicion. "Je sais que Jonas est le coureur le plus propre. Les doutes, ça fait partie du cyclisme, mais je sais que Jonas est 100 % propre donc je n’ai aucun doute. Je ne peux pas influencer les gens, ils ont le droit de penser ce qu’ils veulent, mais nous sommes 100 % clairs sur cela", a affirmé le directeur sportif de Jumbo-Visma Frans Maassen. Il y a deux jours, c’est Jonas Vingegaard qui avait répondu aux questions. "Le matériel, la nutrition, l'entraînement, tout a changé et cela explique que les performances s'améliorent. Mais c'est bien d'être sceptique", jugeait le Danois. "Car sinon cela se reproduira."
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