: Interview Tour de France : un Tour 100% Français, une première semaine imprévisible… Christian Prudhomme analyse le parcours de l’édition 2025
Un retour en France, un passage en Normandie et en Bretagne, deux chronos et de gros cols dans les Pyrénées et dans les Alpes : le parcours du Tour de France 2025 a été dévoilé à Paris, mardi 29 octobre. Pour l'occasion, le directeur de la Grande Boucle, décrypte pour franceinfo: sport les différentes étapes qui jalonneront cette 112e édition qui s'élancera de Lille le 5 juillet.
Quelle est l'idée directrice du parcours de cette édition 2025 ?
Christian Prudhomme : Déjà, c'est un grand départ de France après trois départs à l'étranger. Et c'est un parcours qui va mettre en avant les champions français qui ont fait l'histoire du Tour. A savoir Jacques Anquetil avec une arrivée à Rouen, Bernard Hinault avec un passage où il est né à Yffiniac (Côtes-d'Armor) ou encore un départ à Saint-Méen Le Grand (Ile-et-Vilaine), chez Louison Bobet.
On arrivera aussi sur les Champs-Elysées. Il y a 50 ans, c'était la première arrivée là-bas avec la victoire de Bernard Thévenet. Et il y aura aussi une arrivée à La Plagne, où Laurent Fignon s'est imposé deux fois. Donc, en dehors d'Antonin Magne et d'André Leducq, les multiples vainqueurs du tour français seront mis en valeur.
Après plusieurs départs accidentés, revient-on à un parcours plus limpide avec une première partie plutôt plate, et une deuxième très montagneuse ?
C'est une première partie dans la plaine totalement en trompe-l'oeil. Il y a quatre étapes pour puncheurs : une arrivée à Boulogne-sur-Mer (2e étape) avec trois côtes dans les dix derniers kilomètres, une étape à Rouen (4e étape) avec une bosse à cinq km de l'arrivée, quasiment l'équivalent du mur de Huy (côte finale de la Flèche wallonne).
Il y a une étape dans le bocage normand avec 3500 mètres de dénivelé, une arrivée avec 700 m à 10 % (6e étape). Je ne pense pas qu'on ait souvent vu d'étapes dans la plaine comme ça. Et il y a enfin ce festival des puncheurs, avec l'arrivée à Mûr-de-Bretagne (7e étape). C'est une fausse semaine de plaine qui s'ouvre évidemment aux favoris du classement général, mais aussi aux coureurs qui peuvent briller sur Liège-Bastogne-Liège.
Il y aura trois étapes dans le Nord, mais pas de pavés. Pourquoi ?
Vis-à-vis des pavés, je me sens très à l'aise, puisque après quasiment 20 ans où il n'y en avait pratiquement pas eu, ils sont revenus en 2010, avec des étapes formidables.
"On a fait le choix de ne pas mettre de secteurs pavés car on ne souhaitait pas que ça se joue à la roulette nordiste le premier ou le deuxième jour."
Christian Prudhomme, directeur du Tour de Franceà franceinfo: sport
Donc on a fait le choix des côtes. Et il s'illustre tout le premier week-end, puis avec Rouen, Vire, et avec le nord de Bretagne. C'est un choix totalement assumé.
La Normandie est également à l'honneur après une longue absence...
La dernière fois en Normandie, c'était en 2016 avec le Grand Départ de la Manche, donc ça faisait clairement trop longtemps. La Normandie est une victime collatérale du Covid-19 puisque qu'on avait dû intervertir les grands départs de Copenhague et de Bretagne. Dans la première version, avec la Bretagne en 2022 au lieu de 2021, on allait en Normandie, en l'occurrence à Rouen.
On est très heureux de revenir et fortement puisqu'on va rester plusieurs jours avec des étapes pour puncheurs et avec un contre-la-montre à Caen, qui sera important aussi pour le classement général.
Justement, il y aura deux contre-la-montre bien différents lors de cette édition...
Le premier à Caen (5e étape) fera 33 km, il sera totalement plat. Donc ce sera un tracé pour purs spécialistes où la puissance primera. L'autre dans les Pyrénées (13e étape) est complètement différent, c'est vraiment pile ou face. C'est 11 km, dont huit de montée. On finit sur le fameux altiport de Peyragudes, avec 250 mètres à 16%, une sorte de sprint au ralenti. Donc c'est 11 km qui vont compter. Et ça va faire une arrivée absolument magnifique, dans un décor superbe, avec des pentes très, très raides.
Thierry Gouvenou, chargé du tracé du Tour, a estimé que les étapes de sprint en 2024 avaient "un peu déçu" et qu'on allait peut-être en avoir moins. Cette volonté s'est-elle matérialisée sur ce parcours ?
Oui, sur la première semaine. Effectivement, quand tu vois les noms, tu te dis que ça va être tout plat, à l'ancienne, sauf que c'est un trompe-l'œil complet. On favorise les puncheurs par rapport aux sprinteurs, même si tu auras quand même six ou sept étapes pour les sprinteurs.
On est allés traquer les côtes encore plus. Ensuite, on a raccourci les étapes où il n'y a pas de difficulté, d'une quinzaine de kilomètres en moyenne. Et tu as même, de manière encore plus forte, l'étape de Toulouse : 154 km pour les sprinteurs, sauf qu'à huit kilomètres de l'arrivée, il y a un raidard à 20%. Et ce jour-là, je jouerais plutôt Mathieu van der Poel que Jasper Philipsen.
"Je pense qu'on est allé au maximum de ce qu'un organisateur peut faire avec la géographie de la France. Après, ça va dépendre des coureurs qui peuvent magnifier un parcours, et ils le font souvent."
Christian Prudhomme, directeur du Tour de Franceà franceinfo: sport
Donc oui, il y a des étapes, a priori, faites pour les sprinteurs, mais avec un raidard terrible qui fait que, peut-être, l'échappée ira au bout parce que les équipes de sprinteurs se diront : "Mais attends, mon sprinteur, il n'a aucune chance !" Et peut-être que le peloton explosera dans cette dernière côte et qu'on aura devant un Van Der Poel ou un Pogacar. Donc ça va mettre du suspense dans ces étapes-là.
On aura des Alpes colossales avec le retour du Mont Ventoux et la montée vers la Plagne, plus escaladée depuis 2002...
Il y avait la volonté de remettre au goût du jour le Mont Ventoux, ce sommet emblématique du Tour de France, parce qu'en 2021, on était arrivé en bas. En 2016, on n'avait pas pu arriver en haut parce qu'il y avait eu ce vent, avec des caravanes qui tombaient sur le côté. Donc ça va être la première arrivée au sommet depuis 2013. Au lendemain de la seconde journée de repos, on sait très bien que pour certains coureurs, c'est plus compliqué. Ils devront aussi gérer ça.
L'étape de la Plagne, où Laurent Fignon a gagné en 1984 et 1987, sera sur un format restreint puisque c'est 4600 m de dénivelé en 130 km de course. Il n'y aura pas beaucoup de plat. Ça peut partir tout de suite, tu peux avoir 120 km de bagarre. Tu arrives aussi à plus de 2000 m en toute fin de troisième semaine du Tour de France. Donc, tout pourra encore s'y passer.
On repassera également par le col de la Loze, nouveau monument du Tour...
Ces toutes dernières années, on a découvert ce bijou qu'est le col de la Loze. Et la récurrence est très importante pour moi pour créer des mythes. Mais là, pour la première fois, on va arriver côté Courchevel : tout aussi irrégulier, presque aussi raide, mais moins long. Tu as une étape à 5 500 mètres de dénivelé positif, ce qui n'est pas arrivé depuis un bon bout de temps.
Pour finir, la journée de repos sera exceptionnellement le mardi puisque le 14 juillet tombe un lundi...
On voulait une étape le 14 juillet. Ce sera la première en montagne de ce Tour avec 4400 mètres de dénivelé (au Mont-Dore en Auvergne). C'est dans la même logique que l'étape du Lioran, qui était pour moi la plus belle de l'été dernier. Je ne sais pas si ça se finira pareil, mais c'est le même esprit. Ca fait 15 ans qu'on s'attèle à faire en sorte qu'à côté des Pyrénées et des Alpes, qui sont incontournables, on trouve et on montre qu'il y a des cols mythiques dans les autres massifs.
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