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Tour de France 2021 : pourquoi le nombre d'abandons est particulièrement élevé cette année

39 coureurs ont déjà quitté la route du Tour de France après 16 étapes, du jamais-vu depuis l'édition 2012. Entre les chutes, les hors-délais et les Jeux olympiques, plusieurs raisons expliquent cette hécatombe.

Article rédigé par Vincent Daheron, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Primoz Roglic franchit la ligne l'épaule éraflée après une chute entre Lorient et Pontivy, le 28 juin 2021. (BENOIT TESSIER / AFP)

Les coureurs du Tour de France ont déjà payé un lourd tribut lors des deux premières semaines de course. Après 16 étapes, 39 coureurs ont déjà mis le clignotant et ne rejoindront pas les Champs-Élysées, dimanche. 

Sur les dix dernières éditions, une seule compte davantage d'abandons que cette année après 16 étapes (voir infographie). En 2012, 46 coureurs avaient quitté la course après 16 étapes. Mais le Tour 2012 comptait 198 coureurs au départ, contre 184 pour l'édition 2021.

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À l'inverse, le Tour 2019 avait subi seulement 21 défections dont deux coureurs exclus. Pourquoi l'édition 2021 compte-t-elle donc autant d'abandons ? Les raisons sont multiples.

Parce que les chutes ont été nombreuses

La première journée en selle, après le Grand Départ de Brest, a été marquée par une chute surréaliste. En tête de peloton, Tony Martin (Jumbo-Visma) a été percuté par la pancarte d'une spectratrice inattentive. Une grande partie du peloton s'est retrouvée au sol dans un enchevêtrement invraisemblable de vélos. 

Jasha Sütterlin (Team DSM) a été le premier coureur à quitter le Tour 2021 avant d'être rapidement rejoint par Cyril Lemoine (B&B Hotels-KTM) et Ignatas Konovalovas (Groupama-FDJ) à cause d'une nouvelle chute à grande vitesse sur la fin de la première étape. Lui aussi touché, Marc Soler (Movistar) a passé l'arrivée avec deux fractures au bras avant de se retirer.

Deux jours plus tard, la troisième étape a également marqué le peloton dans sa chair. Geraint Thomas, Primoz Roglic ont été pris dans des chutes et Caleb Ewan a violemment goûté le bitume lors du sprint final. Touché à la clavicule, le sprinteur australien a quitté le Tour quelques instants plus tard. Thomas est toujours en course mais pas Roglic, qui a abandonné au matin de la 9e étape. Le Slovène n'avait pas récupéré après sa chute.

La deuxième semaine a aussi connu son lot d'accidents. Le malheureux Tony Martin a bâché sur la 11e étape après une troisième rencontre avec le bitume. Sur cette seule étape, entre Sorgues et Malaucène par le Mont Ventoux, sept coureurs ont abandonné. Du jamais-vu depuis 10 ans ! Enfin, sur la 13e étape, une partie du peloton a été projetée à terre dans une descente à plus de 65km/h. Simon Yates et son coéquipier Lucas Hamilton (BikeExchange) ont quitté la Grande Boucle. Nacer Bouhanni s'est accroché deux jours, avant de rendre les armes dimanche.

Parce que la vitesse moyenne est folle

Le Tour de France 2021 est parti sur des bases records. Après 16 étapes, l'allure moyenne du peloton est largement au-dessus des années précédentes avec 42,16 km/h de moyenne. La Grande Boucle est en avance sur les éditions 2019 (41,57 km/h après 15 étapes), 2017 (41,52 km/h) et 2005 (41,47 km/h après un début en fanfare), les trois plus rapides de l'histoire. Les étapes de haute montagne dans les Pyrénées vont logiquement faire baisser la vitesse moyenne tandis que le contre-la-montre de la 20e étape la rehaussera.

Ces chiffres reflètent souvent l'intense bataille pour former l'échappée à chaque étape, et échapper à la domination de Mark Cavendish (Deceuninck-Quick Step) sur le plat et Tadej Pogacar (UAE-Team Emirates) en montagne. L'allure devient alors effrénée comme lors de la 13e étape, pourtant vallonée, avalée à 47,3 km/h. La 7e étape, la plus longue de ce Tour de France (249 km), a aussi été bouclée sur un rythme d'enfer : 45,5 km/h.

"J'ai réalisé l'un de mes meilleurs efforts (sur) dix minutes en carrière au départ de la 8e étape, a raconté le baroudeur belge Thomas de Gendt (Lotto Soudal) sur Sporza. Normalement, avec ces chiffres, je peux faire voler le peloton en éclats. Là, j'étais 100 mètres derrière dans un groupe de 70 coureurs alors que j'ai pris le départ dans les premiers rangs." 

Cette vitesse folle a des conséquences en queue de peloton. Neuf coureurs ont déjà terminé hors délais et ont donc été disqualifiés de la course. Du jamais-vu depuis 1995 (20 hors délais). Au XXIe siècle, l'édition 2021 est déjà la plus frappée par les hors délais devant celle de 2017 (voir infographie). 


Les sprinteurs français Arnaud Démare (Groupama-FDJ) et Bryan Coquard (B& Hotels-KTM) ont pris la porte lors d'une 9e étape dantesque entre Cluses et Tignes. Mark Cavendish (Deceuninck-Quick Step) a été sauvé in extremis. L'addition aurait pu être encore plus salée si quatre coureurs ne s'étaient pas sauvés pour cinq petites secondes.

Pour rappel, les délais sont calculés en fonction de la vitesse moyenne du vainqueur de l'étape en rapport avec le profil de la journée (plat, accidenté, très accidenté, grande difficulté et contre-la-montre). Les trois dernières étapes dans les Pyrénées pourraient par exemple encore faire des dégâts

Parce que les Jeux olympiques arrivent vite

Depuis l'annonce en mars 2020 du report d'une année des Jeux olympiques de Tokyo, les coureurs savent qu'il sera difficile de doubler Tour de France et JO alors que la course en ligne (24 juillet) est prévue seulement six jours après l'arrivée sur les Champs-Élysées. Dans une préparation, prévoir deux pics de forme en un temps si court ressemble à une mission impossible. Tout comme ne pas payer au Japon la fatigue accumulée sur les trois semaines du Tour.

Plusieurs coureurs ont donc fait leur choix, sans se cacher. Mathieu van der Poel (Alpecin-Fenix) a quitté le Tour en fin de première semaine après six jours en jaune pour se concentrer sur son objectif ultime de la saison : l'or en VTT. Handicapé par une chute, Primoz Roglic n'a pas forcé dans l'optique de Tokyo. Peter Sagan s'était lui aussi retiré dans l'optique des JO, mais, opéré à un genou, le Slovaque ne pourra finalement pas y participer.

Lundi 12 juillet, Vincenzo Nibali (Trek-Segafredo) a même justifié son abandon en expliquant que le Tour constituait "le moyen idéal pour atteindre sa meilleure forme avant Tokyo".

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