Tour de France 2024 : comment Remco Evenepoel est passé d'un espoir du football à un maître du chrono
Il était le grand favori, il n'a pas failli. En s'imposant sur le contre-la-montre de la 7e étape en Côte d'Or, vendredi 5 juillet, Remco Evenepoel a confirmé une assertion qui n'attendait que le Tour de France pour être validée : il est actuellement le meilleur rouleur du monde. "C'est un rêve qui se réalise. Je ne me rends pas encore trop compte, mais ce soir ça va rentrer dans la tête, c'est vraiment la folie", s'est félicité le Belge. "C'est le meilleur du monde en contre-la-montre", a loué Tadej Pogacar, son dauphin du jour pour douze secondes.
À seulement 24 ans, le Belge a déjà fait main basse sur tous les exercices solitaires : 15 victoires en contre-la-montre, champion d'Europe dès sa première année en 2019, champion du monde en titre, et donc une étape du Tour de France, dès son premier essai.
Qu'est-ce qui rend le Belge si fort, alors qu'il ne mesure qu'1m71 et rend à peine 60 kg sur la balance ? "Il est assez petit mais tellement bien posé sur un vélo, tellement aérodynamique", admire le champion de France Bruno Armirail (Decathlon-AG2R La Mondiale), 22e vendredi. "Sa puissance et son aérodynamisme. Et aussi sur la montée, il est très léger", confirme à l'arrivée Koen Pelgrim, un des entraîneurs du Belge.
Un profil qui fait des merveilles, et pas uniquement dans l'exercice solitaire. "À Liège-Bastogne-Liège, j'ai pris sa roue, je forçais plus que quand j'étais tout seul devant. On n'est pas à l'abri derrière lui, il a un corps qui est fait pour rentrer dans l'air. Mais il a une grosse force également. C'est un tout qui fait qu'il est fort en chrono", poursuit Armirail.
Une endurance innée développée au football
Remco Evenepoel, qui n'a commencé le cyclisme qu'à… 17 ans, a immédiatement démontré des capacités extraordinaires en chrono, en juniors puis chez les pros. Des prédispositions qui lui viennent de son passé dans le football, où il aurait selon lui, "pu être professionnel".
Le natif de Schepdaal, dans la banlieue éloignée de Bruxelles, a commencé le football à 4 ans au club bruxellois d'Anderlecht, avant de passer au PSV Eindhoven (Pays-Bas) à 11 ans, puis de revenir à Anderlecht jusqu'à ses 16 ans, glanant au passage des sélections de jeunes avec la Belgique.
Déjà à cette époque, Remco Evenepoel démontre une capacité à absorber les efforts qui décontenance ses formateurs. D'abord gardien, le jeune Evenepoel est remarqué et incité à monter d'un cran pour évoluer au cœur du jeu, là où les efforts sont les plus continus.
Une endurance qui se rapproche de celle du contre-la-montre, et qu'il a donc naturellement transposée. "Il peut pousser son extrême limite durant un moment. Sur un terrain de football, il n'était jamais à la rupture, il faut vraiment qu'il aille très loin pour être mal", rembobinait Jean-François Lenvain de la cellule sociale du club, à DHnet.
"En U10, son père est venu me montrer un document. Il s’agissait de ses résultats de tests à l’effort. Je me souviens encore du commentaire laissé par le médecin : ‘Jamais vu ça dans ma carrière.'"
Marc van Ransbeeck, ancien coordinateur des jeunes d’Anderlechtà DHnet
Vorace de musculation dans ses années football, morfale de la performance, Remco Evenepoel en a profité pour développer un rapport poids/puissance unique une fois passé au vélo. "J'ai beaucoup de muscles dans le haut du corps, comme dans mes dernières années de foot. J'ai les muscles de la ceinture abdominale développés, ce qui m'aide à maintenir ma position dans les chronos", expliquait-il à L'Equipe en février 2023.
Et si ça n'avait pas été pour le cyclisme, ça aurait pu être la course à pied. À seulement 16 ans, un an avant son arrêt du football, il réalise un temps exceptionnel au semi-marathon de Bruxelles : 21,1 km en 1h16. Il termine 13e sur 500 participants, alors que la moyenne d'âge du top 15 dépasse les 26 ans.
Une endurance innée, développée au football et magnifiée sur sa monture : Remco Evenepoel a su mêler ses qualités physiques rares au rythme de vie draconien du cyclisme. "J'ai essayé de me pousser le plus possible lors du camp en altitude, en termes d'entraînement, de nutrition, j'ai essayé d'améliorer tout ce que je pouvais", anticipait le Belge avant le départ.
Vendredi, le maillot jaune Tadej Pogacar, pourtant pas maladroit dans l'exercice, s'est même satisfait d'un tel écart à l'arrivée. "J'aurais aimé lui reprendre du temps, mais il n'est pas champion du monde pour rien. Donc ne perdre que 10-12 secondes sur lui, c'est très satisfaisant", a estimé le Slovène. Un écart qui aurait même pu être plus grand, alors que le Belge a perdu quelques secondes, pensant avoir crevé dans le final.
Le "Petit Cannibale" est désormais le seul sous la minute derrière Tadej Pogacar (33 secondes) et confirme qu'il pourrait être plus qu'outsider d'ici à l'arrivée à Nice. "Je vois Tadej Pogacar gagner ce Tour avec quelques facilités, honnêtement. Il a encore prouvé qu'il était en bonne forme, et qu'il serait quasiment imbattable. Mais on ne sait jamais", a conclu Remco Evenepoel.
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