Un policier mis en examen pour homicide volontaire
L'agent aurait tué d'une balle dans le dos un homme recherché pour des vols à main armée et en fuite. Les réactions de ses collègues, des magistrats et des politiques n'ont pas tardé.
Après la mise en examen pour "homicide volontaire" d'un policier de Seine-Saint-Denis, le parquet a annoncé ne pas vouloir faire appel, jeudi 26 avril. L'homme est soupçonné d'avoir tué samedi d'une balle dans le dos un multirécidiviste en fuite. Alors que les réactions de ses collègues, de magistrats et d'hommes politiques se multiplient, le parquet, sous la hiérarchie du garde des Sceaux, et donc du pouvoir politique, ne conteste pas la décision du juge d'instruction.
Plus tôt, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, avait dit espérer "de tout cœur" un appel du parquet sur la qualification d'"homicide volontaire" retenue contre le policier. Son avocat, Daniel Merchat, a quant à lui annoncé qu'il allait faire appel devant la chambre de l'instruction et dénoncé une affaire dans laquelle "il y a beaucoup trop de précipitation".
• Les faits qui ont conduit à la mise en examen
Samedi soir, des policiers de Noisy-le-Sec ont été prévenus par un appel anonyme qu'un homme recherché pour des vols à main armée se trouvait en ville, affirme le parquet. Un des policiers partis à sa recherche a raconté s'être retrouvé face au fuyard, qui "l'aurait alors visé en tendant son bras armé vers lui". L'agent de police a tiré à quatre reprises, tuant l'homme âgé de 28 ans.
Le policier a d'abord plaidé la légitime défense, mais sa version a été mise à mal par l'autopsie et un témoignage. La balle mortelle a atteint la victime dans le dos. En outre, un automobiliste a relaté "avoir assisté à une scène de course-poursuite (...) au cours de laquelle un homme faisait feu en direction d'un fuyard", rapporte le parquet.
Le policier, âgé de 33 ans, a été mis en examen pour "homicide volontaire" par le juge d'instruction après 48 heures de garde à vue. Il a été placé sous contrôle judiciaire, avec une interdiction d'exercer qui le prive de son salaire. "Certes, l'autopsie dit que l'impact est situé en région dorso-lombaire, mais c'est un fragment de projectile qui a été retiré, pas le projectile. (...) Le projectile a ricoché avant de le toucher, donc ce n'est pas un tir direct", a argumenté son avocat.
• Des policiers manifestent et sont reçus par Sarkozy
La mise en examen du policier a provoqué un mouvement de colère chez les gardiens de la paix. Elle est jugée "incompréhensible" par le syndicat de police SGP-FO Unité, qui a pris part mercredi soir à un rassemblement à Bobigny. Plusieurs centaines de policiers de Seine-Saint-Denis et de départements voisins se sont aussi réunis vers 19h30. Un cortège d'une centaine de véhicules des forces de l'ordre a défilé sur les Champs-Elysées.
"Nous sommes venus demander un soutien de l'Etat au ministère de l'Intérieur et dénoncer le non-respect de la présomption d'innocence pour notre collègue", a déclaré à l'AFP Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance, deuxième syndicat de gardiens de la paix. Il dénonce une décision "disproportionnée" de la justice.
Jeudi en début d'après-midi, plusieurs centaines de policiers ont à nouveau manifesté à Bobigny. Un groupe est parti pour Le Raincy, où ils ont été reçus par le président candidat, Nicolas Sarkozy. François Hollande doit lui aussi recevoir une délégation de policiers à 17h30, à son QG de campagne parisien, pour leur faire part de "sa vision et ses propositions". Selon une policière qui a souhaité s'exprimer sous couvert de l'anonymat, la manifestation s'est faite de façon "spontanée".
• Les magistrats défendent la décision du juge d'instruction
"Je ne comprends pas cette polémique, ou plutôt je ne la comprends que trop. C'est un grand classique", a déclaré jeudi le président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Christophe Régnard. "Dans une instruction judiciaire, on prend une qualification pénale qui paraît la plus proche de ce qui doit être retenu", a-t-il fait valoir, soulignant que la victime a été "tuée d'une balle dans le dos".
Le magistrat a relevé que le policier a été "placé sous contrôle judiciaire, pas incarcéré". "La dernière fois qu'on a eu ça à Bobigny [en 2010, comme le note Le Figaro.fr], on avait eu des commentaires du ministre de l'Intérieur et du président de la République", a-t-il déploré.
Au Raincy, Nicolas Sarkozy a exprimé jeudi sa confiance, son soutien et sa compréhension aux collègues du suspect et s'est déclaré favorable à une "présomption de légitime défense" pour les policiers.
• La sœur de la victime parle de "bavure"
"Je suis très contente que la justice ait pris le courage d'être indépendante, qu'elle ait fait son travail", a déclaré jeudi la sœur de la victime. "Mais je ne comprends pas que le président de la République, Nicolas Sarkozy, se permette d'intervenir, c'est honteux, inadmissible !", s'est-elle indignée, estimant qu'en "soutenant ce genre d'individu, cela signifie qu'on donne un permis de tuer". "C'est une bavure, ce n'est pas du tout de la légitime défense et il y a des témoins, une autopsie qui le prouvent", a-t-elle martelé.
"Oui, [mon frère] a fait des bêtises, il était en prison dès 13 ans, mais il n'a jamais tué personne, samedi il a essayé de s'échapper, il ne voulait juste pas retourner en prison", a affirmé la jeune femme.
"Je ne veux surtout pas qu'on utilise cette affaire à des fins politiques en cette période d'entre-deux-tours d'élection présidentielle", a-t-elle plaidé, annonçant qu'"une marche blanche sera organisée samedi à partir de 14h30 à Meaux en la mémoire d'Amine".
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