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Vrai ou faux Conflit Israël-Palestine : mosquée Al-Aqsa en feu, offensive terrestre à Gaza… On décrypte cinq intox qui circulent sur les réseaux sociaux

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Un arbre en feu à proximité de la mosquée Al-Aqsa, à Jerusalem, le 10 mai 2020. (CLAIRE GOUNON / AFPTV)

Franceinfo revient sur des fake news abondamment partagées, dans les deux camps, que cela soit par des particuliers ou des officiels.

Dans le sillage des violences, la bataille des images et de l'intox. Les nouveaux affrontements israélo-palestiniens s'accompagnent de nombreuses informations erronées qui circulent notamment sur les réseaux sociaux. 

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Franceinfo revient sur cinq fake news abondamment partagées, dans les deux camps, que cela soit par des particuliers ou des officiels.

Des Israéliens fêtent un incendie à la mosquée Al-Aqsa : faux

Des images montrant des flammes à proximité de la mosquée Al-Aqsa ont été abondamment relayées, lundi 10 mai. Cet édifice se trouve sur l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam, ou mont du Temple pour les juifs, le lieu le plus saint du judaïsme. Sur les images partagées, on voit des Israéliens en train de chanter et danser, certains l'interprétant* comme une célébration de l'incendie de la mosquée Al-Aqsa. La vidéo qui suit enregistre quelque 14,8 millions de vues.

En réalité, la mosquée Al-Aqsa n'a pas été victime d'un incendie. Comme le montrent d'autres images, les flammes proviennent d'un arbre en feu, qui se trouve aux abords du bâtiment. 

L'agence Reuters* rapportait, le jour des faits, que le début d'incendie avait été rapidement maîtrisé. La mosquée n'a pas subi de dommages et a pu accueillir les festivités de la fin du mois de ramadan.

Des musulmans fêtent la fin du mois de ramadan à proximité de la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem, le 13 mai 2021. (AHMAD GHARABLI / AFP)

L'origine de l'incendie, elle, n'est pas clairement établie. Le feu est survenu après l'utilisation de feux d'artifice par des Palestiniens, selon la police isréalienne, quand d'autres accusent cette dernière d'en être la cause.

Mais pourquoi des Israéliens sont-ils en train de danser à proximité de la mosquée alors que des flammes s'élèvent dans le ciel ? Ils célébraient la "Journée de Jérusalem", qui commémore la conquête de Jérusalem-Est par les forces israéliennes en 1967, lors de la guerre des Six jours. Cet événément est essentiellement fêté par l'extrême droite israélienne. La doctorante Elizabeth Tsurkov, membre du think tank américain Newlines Institute, a dénoncé sur Twitter* "une orgie de haine au pied du mur des Lamentations".

Ces nationalistes ont-ils salué l'incendie aux abords de la mosquée Al-Aqsa ? Comme le montre une vidéo repérée par Libération, la fête et les chants ont commencé bien avant que l'arbre ne prenne feu (vers la 42e minute de la vidéo). Une chose est certaine : l'incendie n'a pas mis fin aux festivités.

De fausses funérailles palestiniennes pour émouvoir le monde : faux

"Devons-nous en rire ou en pleurer ?" s'est interrogé sur Twitter Dan Poraz, un conseiller du ministre des Affaires étrangères israélien. Il a accusé, le 10 mai*, les Palestiniens d'attiser la violence avec de fausses funérailles. Afin d'appuyer son affirmation, il a partagé une vidéo montrant de jeunes hommes marchant dans la rue en portant une planche sur laquelle se trouve un corps recouvert d'un drap. Au moment où une sirène retentit, tous posent la planche au sol et prennent la fuite. Quelques secondes plus tard, le drap s'agite, un jeune homme se lève et déguerpit à son tour.

Cette vidéo a également été partagée par d'autres internautes, parfois sur d'autres réseaux sociaux comme Facebook, accusant le Hamas d'avoir monté un stratagème pour engendrer l'indignation de la communauté internationale.

Mais, comme l'a montré l'AFP*, la scène n'a rien à voir avec la flambée de violence dans la bande de Gaza. La même vidéo a initialement été partagée en mars 2020. Elle montre de jeunes personnes, filmées en Jordanie, prétextant de fausses funérailles pour échapper au confinement mis en place en raison de la pandémie de Covid-19.

Malgré cette démonstration et les commentaires d'internautes et de journalistes le renvoyant vers la vidéo originale, Dan Poraz a tardé à supprimer son tweet. Son message était toujours en ligne le 18 mai, mais il a fini par le retirer entre cette date et le 20 mai.

Des images montrant des roquettes du Hamas frappant des immeubles civils : faux

Ofir Gendelman, un porte-parole du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, a partagé, le 11 mai, une vidéo sur Twitter en affirmant qu'elle montrait des roquettes tirées par le Hamas sur des immeubles abritant des civils. "Un tiers de ces 250 roquettes sont tombées dans la bande de Gaza, tuant des Palestiniens", écrivait-il.

Sauf que, comme l'explique la BBC*, la vidéo partagée montre des événements survenus en 2018, en Syrie, lorsque les forces gouvernementales syriennes menaient une opération contre des groupes rebelles dans la ville de Deraa.

Dans un message daté du 13 mai*, Twitter a pointé l'erreur du porte-parole et souligné le travail de vérification mené par plusieurs journalistes, comme Jane Lytvynenko, journaliste pour Buzzfeed News*, ou encore Raf Sanchez, correspondant de la chaîne américaine NBC News au Moyen-Orient*. Ofir Gendelman a fini par supprimer son tweet.

L'armée israélienne annonçant une attaque terrestre sur Gaza : faux

L'armée israélienne a annoncé, dans la nuit du 13 au 14 mai, le lancement d'une attaque aérienne et terrestre de la bande de Gaza.

L'annonce a aussitôt été reprise par de nombreux médias internationaux, comme Al-Jazeera* et le New York Times, qui parle "d'escalade importante".

Mais l'armée est finalement revenue sur ses propos quelques heures plus tard. Pour justifier cette volte-face, son porte-parole a évoqué "un problème de communication en interne". "Ce sont des choses qui arrivent lors d'une opération complexe avec de nombreux éléments, et alors qu'il est difficile d'avoir une vision claire de ce qui est en train de se passer", a-t-il déclaré devant la presse. Et d'assurer : "Dès que j'ai compris que j'avais la mauvaise information, j'ai diffusé un rectificatif."

Des journalistes et des spécialistes ont affirmé qu'il s'agissait d'une stratégie délibérée de l'armée israélienne pour piéger le Hamas. "On a appris grâce aux chaînes israéliennes, aux correspondants militaires israéliens, que c'était en fait une manipulation pour amener le Hamas à réagir", a déclaré à la RTBF Charles Enderlin, ancien correspondant de France Télévisions au Proche-Orient.

Le Jerusalem Post* explique que le Hamas se préparait à une attaque terrestre mais que la véritable manœuvre "a eu lieu dans les airs, où 160 avions se sont rassemblés pour un bombardement massif de la bande de Gaza". Selon le journal, "leur cible était ce que les forces armées israéliennes appellent le 'métro', un réseau souterrain de tunnels où le Hamas a stocké ses armes et qu'il utilise pour se déplacer dans la bande de Gaza à l'abri des avions israéliens". L'armée a confirmé dès vendredi matin viser "le réseau de tunnels du Hamas à Gaza".

"C'était une manipulation. C'était intelligent et cela a été efficace", a commenté sur une chaîne israélienne le correspondant et ancien militaire Or Heller, cité par Le Monde. Ce que nous avons vu ce soir est une opération sophistiquée avec une composante médiatique."

Des photos d'enfants palestiniens victimes des raids israéliens : attention aux détournements

Des internautes propalestiniens partagent sur Twitter des photos d'enfants présentés comme des victimes palestiennes des raids aériens menés par l'armée israélienne.

En réalité, cette fillette n'est pas palestinienne. Elle vit en Russie, comme le montre le compte Instagram de sa mère (en russe), elle est toujours en vie et a fêté ses 5 ans en avril. Sollicitée, la mère de la petite fille n'a pas répondu aux questions de franceinfo.

"Apparemment, certains disent que la photo n'est pas la bonne. Si c'est vrai, j'en suis désolé, mais cela retire-t-il quelque chose au crime ? Ils ont bien tué la petite Melek", s'est défendu sur Twitter, le 17 mai, l'auteur du message cité précédemment.

D'autres photos d'enfants ont été détournées. Parmi celles qui circulent largement, celle d'une fille de 6 ans, qui s'appellerait Rahaf Al-Masry. Elle est présentée comme une victime des bombardements israéliens par nombre d'internautes (comme celui-ci, dont le tweet a été partagé un peu plus de 14 000 fois*), mais également un ancien vice-Premier ministre de la Turquie (suivi par quelque 2,7 millions de personnes) ou encore une journaliste basée à Londres.

Sauf que la photo de la même petite fille a été partagée sur Facebook, en juillet 2016, par un compte turc relayant des actualités sur la "communauté du monde arabe et des cultures", et qui n'est plus actif depuis 2017. Contacté par franceinfo, l'administrateur de la page affirme ne rien savoir sur la fillette figurant sur la photo.

Depuis le début du nouveau cycle de violences armées entre l'Etat hébreu et des groupes de Gaza le 10 mai, au moins 230 personnes ont été tuées, en grande majorité des Palestiniens.

* Les liens suivis d'un astérisque sont en anglais.

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