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Comment les résultats du FN ont secoué le milieu de la culture à Avignon

Inquiété par le score élevé du Front national, le directeur du célèbre festival de théâtre a dit craindre de devoir délocaliser l'évènement, s'attirant de nombreuses critiques. 

Article rédigé par franceinfo
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Festival d'Avignon, image d'illustration. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

"Pitoyable." Invitée mercredi 26 mars de France Info, Marine Le Pen a réagi à la menace proférée lundi par le directeur du festival d'Avignon (Vaucluse). Inquiété par le score élevé du Front national dans la ville (29,63%), Olivier Py avait annoncé lundi que l'évènement devrait être délocalisé si le candidat frontiste accédait à la mairie. 

Or, il a des chances de l'emporter malgré le ralliement du Front de Gauche (12,46%) au PS (29,54%), puisque l'abstention particulièrement forte au premier tour (42,84%) entretient l'incertitude.

Francetv info revient sur cette polémique. 

Acte 1 : Olivier Py fait part de ses inquiétudes

Dimanche 23 mars, coup de théâtre : la liste Front national emmenée par Philippe Lottiaux arrive en tête du premier tour de l'élection municipale. Elle devance d'une courte tête la socialiste Cécile Helle. Interrogé au micro de France Info dès le lendemain, Olivier Py se dit inquiet pour la survie du festival qu'il dirige. "Je ne me vois pas travaillant avec une mairie Front national. Cela me semble tout à fait inimaginable", explique-t-il. "Donc je pense qu'il faudrait partir. Il n'y aurait aucune autre solution", dit Olivier Py.

Et d'ajouter : "Je ne vois pas comment, d'ailleurs, le festival pourrait vivre, défendre ses idées qui sont des idées d'ouverture, d'accueil de l'autre. Je ne vois pas comment le festival pourrait vivre à Avignon avec une mairie Front national, ça me semble inimaginable". Observant "qu'il y a eu 42% d'abstention au premier tour", il plaide donc pour un sursaut au second tour, afin de faire barrage au candidat frontiste. 

Acte 2 : des voix s'élèvent contre Olivier Py

"Quelle belle preuve de tolérance et d'ouverture d'esprit que de couper la culture (...) à des gens qui ne pensent pas comme vous !", s'indigne dès le lendemain l'éditorialiste du Point Jérôme Béglé. Dans la ville, la prise de position d'Olivier Py divise les acteurs culturels. Contactée par Le Monde.fr, Danièle Vantaggioli, directrice artistique du théâtre du Chien qui fume, lance : "Il faut rester à Avignon, et se battre pour [les jeunes]." Gérard Gelas du théâtre du Chêne noir abonde : "Je ne pense pas que le FN me ferait de cadeaux, mais je ne fermerais pas mon théâtre. Au contraire." Les professionnels craignent qu'un désengagement dans le secteur culturel attendu des mairies Front national n'entravent dramatiquement leur activité. 

Dans son édito, Jérôme Béglé note que la conquête de la mairie d'Orange par le FN en 1995 n'a pas eu raison des Chorégies d'Orange, notant que "la ville et l'association qui organise ce festival cohabitent en bonne intelligence", même si Télérama note par ailleurs que la culture y "est réduite à peau de chagrin". 

Mardi, c'est au tour du metteur en scène et directeur du festival d'Anjou, Nicolas Briançon, de désapprouver la déclaration d'Olivier Py, dans une tribune publiée par Le Nouvel Obs"Qu’est-ce que les gens comprennent de ces paroles ? Qu’on les abandonne car ils habitent dans la mauvaise ville, se désole-t-il. Nous devons comprendre pour qui et pour quoi nous faisons du théâtre." "On ne lit pas des œuvres pour conforter les esprits mais pour les bousculer", plaide-t-il, pensant par ailleurs à "tous ceux qui n’ont pas voté pour le Front national", "ces 70%".

Acte 3 : le FN nie être "anticulture"

Mercredi, le Front national a jugé "pitoyable" et "antidémocratique" la menace d'un déménagement du festival d'Avignon. "Il s'accorde des pouvoirs qu'il n'a pas, monsieur Py", a réagi Marine Le Pen. "Il est nommé, c'est un salarié. Par conséquent, il n'est pas propriétaire du festival d'Avignon. (...) Donc s'il n'est pas content, il démissionne, un autre le remplacera et le festival continuera de se développer."

Le candidat frontiste, lui, assurait la veille que la mairie continuerait à soutenir le festival, créé en 1947, s'il était élu, assurant que "l'image du FN anticulture est complètement dépassée". L'événement a bénéficié en 2013 d'un budget de 12 millions d'euros, lequel est financé à 26% par la ville et la communauté d'agglomération. Mais ce dernier génère une vingtaine de millions d'euros de retombées économiques sur la ville, pour sa seule partie officielle.

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