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A Homs, "les habitants vont mourir à petit feu"

La "capitale" de la contestation au régime de Bachar Al-Assad est bombardée depuis une semaine par les forces loyalistes. FTVi revient sur le calvaire de la troisième ville de Syrie.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des hommes transportent des corps dans un camion, dans le quartier sunnite de Bab Amr, à Homs (Syrie), le 9 février 2012. (MULHAM ALNADER / REUTERS)

Homs était jusque-là connue comme "la mère des pauvres". Une ville d’un million et demi d’habitants, un centre universitaire et industriel où le coût de la vie était faible. Aujourd’hui, Homs est surtout connue comme "la capitale de la révolution". Après Deraa et Hama les mois passés, elle est devenue la cible principale des troupes fidèles au régime syrien, qui intensifient la répression de l’opposition au chef de l’Etat, Bachar Al-Assad. Et depuis une semaine, selon les termes du président américain Barack Obama, Homs est le théâtre d'"un bain de sang atroce".

"Plus de 400 civils ont été tués à Homs depuis le 3 février", a déclaré jeudi 9 février  le chef de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, Rami Abdel Rahmane. Visée par une pluie de roquettes et de tirs de mortier, la troisième ville du pays, qui abrite de nombreux rebelles de l’Armée libre syrienne, est largement privée d'eau et d'électricité. Nombre de ses infrastructures sont hors service et l’accès au minimum vital devient impossible. Anatomie du cœur de la révolution syrienne.

Bab Amr, quartier martyr

Situé au sud-ouest du centre de Homs, Bab Amr est l’un des bastions des rebelles de l’Armée libre syrienne. "Rien que ce matin, 50 obus sont tombés entre 6 heures et 9 heures, confiait un habitant du quartier, mardi à France 24. Et depuis aujourd’hui, les civils, y compris les enfants, sont visés par des batteries anti-aériennes. Il y a de gros dégâts matériels, beaucoup de maisons détruites et encore des cadavres sous les ruines." La plupart des 40 000 habitants du quartier vivent désormais réfugiés dans les caves des immeubles, selon le site du quotidien suisse La Liberté.


A quelques rues de là, des chars syriens ont pris d'assaut vendredi, avant l’aube, le quartier d’Inchaat, déjà cible d’une opération similaire mercredi. Les soldats ont ratissé le secteur maison par maison. Comme Bab Amr, Inchaat est un quartier sunnite particulièrement visé par les forces de Bachar Al-Assad, qui appartient à la communauté alaouite. "Réputée historiquement pour le climat de tolérance qui régnait entre les différentes communautés, Homs est la proie de tensions intercommunautaires depuis le soulèvement", note France 24, qui a cartographié la "capitale de la révolution".

"Nous avons faim, nous avons froid"

Dans les quartiers insurgés, "les réserves de vivres fondent à vue d’œil" et "les habitants vont mourir à petit feu", selon La Liberté. Un témoin interrogé par le journal suisse affirme que "l’armée du régime de Bachar a creusé de profondes tranchées de six mètres de largeur pour nous couper du reste de la ville". Tout ravitaillement devient impossible.

"La boulangerie de notre quartier a été bombardée, raconte un étudiant de Bab Amr, cité par France 24. Nous nous nourrissons de pain rassis trempé dans de l’eau." A Khalidiyé, dans le nord de Homs, la situation est la même : "Nous avons faim, nous avons froid, nous en sommes arrivés à faire les poubelles pour ramasser ce qui traîne. Car les commerces sont, pour la plupart, détruits", affirme à France 24 un traducteur qui habite le quartier. Les fenêtres ont volé en éclats, laissant s’infiltrer un froid glacial qu’aucun chauffage ne peut compenser, faute d’électricité, de mazout ou de bois.

Les snipers sèment la terreur

Les rues de Homs se sont vidées. Traverser une rue, c’est s’exposer aux snipers, aux patrouilles ou aux roquettes. Même pour les femmes et les enfants. Alors les habitants s’adaptent. "Nous cassons les murs mitoyens, ou creusons des trous sous les murs pour passer entre les maisons sans sortir", explique un habitant de Khalidiyé sur France 24. A l'intérieur même de leur domicile, certains doivent ramper. Par précaution, les "martyrs" sont enterrés dans les jardins des maisons.

Cette vidéo montre un passage construit dans le quartier de Karm al-Zeitoun. "On peut dire que c’est notre tunnel de Rafah [en référence aux tunnels clandestins qui relient l'Egypte à la bande de Gaza], explique l’homme à l’écran, dont les propos ont été traduits par France 24. Il sert à éviter les balles des snipers qui tirent dans cette direction. Au bout de cette rue, il y a un sniper qui tire sur le peuple. Hier, à cet endroit, une femme est tombée en martyre alors qu’elle ramenait du pain. Elle s’appelait Assia."


Les hôpitaux bombardés ou transformés en prison

Privés de nourriture, les habitants de Homs peinent aussi à se soigner. "En plus de la carence en médicaments et en matériel médical, nous n’avons plus accès aux soins depuis que les chars ont bombardé le principal hôpital de campagne installé à Bab Amr, livre un habitant à France 24. La plupart des blessés légers meurent d’hémorragie, faute de soins." Une vidéo du bombardement de l’hôpital a été publiée sur internet.

A l’hôpital Al-Walid, dans le nord-ouest de Homs, dix-huit bébés prématurés sont décédés ces derniers jours, faute d’électricité pour alimenter les couveuses. "Les ambulances ne peuvent plus pénétrer dans le quartier, tout comme le Croissant-Rouge syrien", se désole un médecin cité par La Liberté. Non loin de là, l’hôpital public Al-Hikma a été occupé par l’armée syrienne. "Ils l’ont transformé en une sorte de caserne militaire et en prison, où ils retiennent et torturent les citoyens", expliquait mercredi un habitant à France 24. L’ONG Médecins sans frontières a, elle aussi, évoqué des arrestations de blessés et des contrôles de distribution du sang par les forces de sécurité.
 
Homs, "la mère des pauvres", a accueilli le jeune Bachar Al-Assad en 1994. C'était à l'académie militaire, où il a fait ses premiers pas dans les rangs de l'armée, comme son père Hafez. Près de vingt ans plus tard, c'est toute la ville qui est devenue un champ de bataille.
 

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