Affaire Cahuzac : la banque Reyl a-t-elle des choses à cacher ?
Les révélations sur la société qui aurait hébergé le compte de Jérôme Cahuzac font émerger de nouveaux soupçons. Reyl & Cie aurait en effet accueilli de nombreux VIP français.
Cette petite banque suisse affectionnée des Français pourrait être le détonateur de futures "affaires dans l'affaire" après les aveux de Cahuzac : Reyl & Cie, la société financière qui aurait permis à Jérôme Cahuzac de transférer son argent de la Suisse vers Singapour, a fait l'objet de plusieurs articles de presse durant le week-end du 6 et 7 avril. Avec une série de révélations qui font émerger de nouvelles questions.
Une société qui permet l'anonymat
Jusqu'en 2010, la société de gestion de patrimoine Reyl & Cie ne disposait pas de licence bancaire. En conséquence, comme le rappelle Le Monde, elle n'était "pas soumise aux mêmes règles que les banques et ne devait pas fournir de renseignement sur les détenteurs de ses comptes". Reyl & Cie avait notamment la possibilité d'ouvrir dans des banques, telles qu'UBS, des comptes regroupant plusieurs clients, appelés comptes "omnibus", enregistrés à son nom et sans révéler les identités des détenteurs de l'argent. C'est ce procédé qui aurait permis à Jérôme Cahuzac de garder un compte chez UBS sans que son nom apparaisse.
En 2010, Reyl & Cie est devenue officiellement une banque, qui peut accueillir directement les comptes de ses clients. Mais à cette époque, la législation contre la fraude fiscale s'est durcie en Suisse, et la société a décidé d'ouvrir une succursale à Singapour. C'est par cette voie que le compte de l'ex-ministre du Budget a pu être transféré vers le paradis fiscal asiatique.
Les liaisons troubles de Dominique Reyl avec le gestionnaire de fortune de Cahuzac
Reyl & Cie (baptisée Compagnie financière d'études et de gestion jusqu'en 1988) a été créée en 1998 par Dominique Reyl, un Français diplômé d'HEC qui a acquis la nationalité suisse et qui est bien connu "de la place financière genevoise", selon Le Figaro. Comme le révélait le quotidien suisse Le Temps dès le mois de décembre, Dominique Reyl n'est autre que le demi-frère de Hervé Dreyfus, le gestionnaire de fortune de Jérôme Cahuzac. Ce serait avec lui que l'ex-ministre du Budget s'entretient sur l'enregistrement qui l'a mis en cause, selon Mediapart (lien abonné).
Gestionnaire de portefeuilles dans une société française, Hervé Dreyfus "dirigeait ses clients fortunés chez Reyl & Cie et son demi-frère en Suisse lorsqu'ils souhaitaient défiscaliser leurs avoirs", explique le JDD. Un banquier entendu par la justice genevoise et interrogé par Le Monde va encore plus loin : selon lui, Hervé Dreyfus était "le porte-valises de Reyl à Paris. C'est lui qui livrait le cash et permettait ainsi un système de compensation." Hervé Dreyfus est souvent présenté comme un homme de réseaux, proche de Nicolas Sarkozy. Un lieutenant de l'ancien président l'a démenti dans le JDD, mais a reconnu qu'"Hervé Dreyfus, via sa femme, dont il est aujourd'hui divorcé, a été très proche de Cécilia Attias", l'ex-femme de Nicolas Sarkozy.
La banque discrète des VIP français
Parmi les fonds transférés par la banque Reyl de la Suisse vers d'autre pays, "il y avait le compte de Jérôme Cahuzac, mais aussi plusieurs dizaines d'autres Français. Des personnalités de la politique, du sport et du show-biz. Je connais certains noms… Certains vous surprendraient", a confié un banquier au JDD. Parmi les clients de Reyl figurerait notamment le cofondateur du groupe Accor, Paul Dubrule, selon le magazine Capital. Par ailleurs, Le Monde fait état d'une information selon laquelle le publicitaire Jacques Séguéla a confié depuis plusieurs années la gestion de sa fortune à Dorothée Marty, la présidente de Reyl France. Mais ce dernier a assuré au quotidien ne pas détenir de compte en Suisse. Pour Mediapart, cela ne fait pas de doute : "Le cas personnel de l’ex-ministre du Budget est sans doute l’arbre qui cache la forêt de la fraude organisée par la banque Reyl & Cie."
Une croissance considérable qui alimente les soupçons
Depuis 2006, la taille de la banque Reyl a été "multipliée par sept", note Le Temps. En 2006, la société ne gérait qu’un milliard de francs. Mais entre 2010 et fin 2012, l'établissement est passé de la gestion de 4 milliards d'euros à 7,3 milliards. "Zurich, Hong Kong, Londres, Paris en 2004, Singapour en 2010… Les bureaux se multiplient à travers le monde", observe Mediapart. "Une telle croissance pour une banque en ce moment s’explique très sûrement par l’accueil de clients non déclarés", assure un connaisseur de la place financière suisse cité par Le Temps. Reste à savoir qui sont ces clients non déclarés. Le parquet de Genève, qui a perquisitionné la banque Reyl le 22 mars, s'est concentré sur les documents liés à Jérôme Cahuzac. Il a transmis ses informations à la justice française. "A ce stade, le juge Van Ruymbeke n'est pas saisi d'une enquête sur Reyl & Cie, mais sur Jérôme Cahuzac. S'il devait découvrir d'autres placements suspects français, il avisera", indique une source judiciaire au JDD. Ce serait alors le début d'une enquête dans l'enquête.
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