Affaire Merah : le patron du renseignement intérieur défend ses services
Bernard Squarcini balaie les critiques au lendemain de la mort de l'auteur présumé des tueries de Toulouse et Montauban. Il assure que l'homme n'avait "pas les attributs extérieurs du fondamentaliste".
"Nous ne pouvions pas aller plus vite. Nous aurions bien aimé." Dans un entretien au Monde vendredi 23 mars, le directeur central du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, surnommé "le squale", défend l'action de ses services. Ces derniers sont pointés du doigt par certains experts et politiques dans l'affaire Mohamed Merah, l'auteur présumé des tueries de Toulouse et Montauban. FTVi détaille les arguments du chef du renseignement français pour balayer les critiques concernant le temps d'intervention du Raid et les accusations sur la surveillance du jeune homme.
• Sur l'enquête
Bernard Squarcini reconnaît qu'elle a été difficile. Samedi soir, "on s'interroge encore à ce moment-là sur la piste de l'ultradroite, du djihad ou d'un fou", raconte-t-il. "Il était impossible de dire dimanche soir : 'C'est Merah, il faut aller l'attraper'", assure le chef du renseignement intérieur. "Lui-même n'avait d'ailleurs pas prévu d'attaquer l'école juive lundi matin", fait-il valoir.
Mais il assure qu'elle s'est déroulée sans dysfonctionnements. Il nie un quelconque téléscopage lors de la collaboration entre la police judiciaire et les services de renseignement : "Au contraire, nous avons gagné du temps", répond-il.
Interrogé sur les cinq jours (comme l'a souligné Owni) mis pour remonter à Mohamed Merah via l'adresse IP (donnée qui permet d'identifier un ordinateur), Bernard Squarcini a une explication : "Nous savons dimanche soir que Mme Aziri est la mère de Mohamed et Abdelkader Merah. Son nom apparaît dans la liste des gens qui ont consulté une annonce de vente de moto sur Leboncoin.fr. Mais elle a cinq enfants, cela fait six personnes qui auraient pu se connecter. Cela ne fait pas encore d'elle et de ses deux fils des suspects."
• Sur la surveillance
Bernard Squarcini explique que ses services n'ont pas manqué à leur mission. Ils se sont intéressés à Mohamed Merah dès 2010, "après un simple contrôle routier à Kandahar, en Afghanistan" car l'incident a été signalé à ses services par la direction de la sécurité et de la protection de la défense (DSPD), un des services de renseignement des armées. Il assure que dès lors, ses services "ont fait une enquête pour voir ce qu'il vaut. Mais il n'y a rien."
Il rappelle que la convocation de Mohamed Merah en novembre 2011 par ses services ne laissait rien présager. "Le fonctionnaire qui l'a reçu n'a pas senti une volonté d'esquiver, au contraire", précise Bernard Squarcini.
Par ailleurs, il met en cause la défaillance d'autres spécialistes du renseignement : "Ni les services pakistanais, ni les Américains, ni la DGSE ne nous ont alertés."
• Il n'était pas dans un réseau islamiste
Il "s'est autoradicalisé en prison, tout seul, en lisant le Coran. C'est un acte volontaire, spontané, isolé. (...) Il n'y a aucune appartenance à un réseau", martèle Bernard Squarcini.
Pourtant, selon Le Monde (article payant), Mohamed Merah a été pris en charge par le Mouvement islamique d'Ouzbékistan et a eu des liens avec le Tehrik-e-Taliban Pakistan, un mouvement des talibans pakistanais, lors de ses voyages en Afghanistan. Ces organisations lui auraient permis d'accéder aux zones tribales et à des camps d'entraînement lors de ces deux voyages.
De son côté, Bernard Squarcini assure que Mohamed Merah a "bénéficié d'un entraînement particulier au Waziristan par une seule personne. Et pas dans les centres de formation."
Quant à l'endoctrinement dont il aurait été victime en prison, le chef du renseignement estime qu'il n'y a rien à signaler : "Il a à peine 18 ans à l'époque des faits. Il ne peut pas apparaître comme un activiste chevronné. Il était plutôt un petit délinquant."
• Merah souffrait de troubles mentaux
"Il faut remonter à la cassure de son enfance et à ses troubles psychiatriques. Pour avoir fait ce qu'il a fait, cela relève davantage d'un problème médical et de fanatisme que d'un simple parcours djihadiste", estime le patron du renseignement français. Il précise d'ailleurs qu'une "fragilité psychologique [avait été] détectée (...) lors de ses condamnations par le tribunal pour enfants".
Bernard Squarcini sous-entend également que Mohamed Merah souffrait d'un trouble de la personnalité : "C'est un Janus, quelqu'un qui a une double face."
Il qualifie le parcours de Mohamed Merah "d'atypique, d'irrationnel et de violent (...) qu'on ne peut rattacher à aucune typologie".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.