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Trois questions sur l’hormone de juments administrée à des lapins, dénoncée par L214

L'hormone PMSG est prélevée sur les juments gestantes via une prise de sang de plusieurs litres, en Amérique du Sud, dans des conditions difficiles. Elle est ensuite injectée sur d'autres animaux, notamment les lapins, en Europe, pour améliorer leur fertilité. 

Article rédigé par franceinfo
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L'association L214 a publié, le 20 août 2019, une nouvelle vidéo montrant un élevage de lapins dans les Deux-Sèvres.  (CAPTURE ECRAN L214)

Cages insalubres, grillagées, où des lapins blessés ou morts s'entassent. Des images chocs, tournées dans une exploitation des Deux-Sèvres, ont été publiées par l'association L214, mardi 20 août. Au-delà des conditions d'élevage déplorables des lapins à viande, la vidéo montre le recours massif aux médicaments : antibiotique, antiparasitaire, vaccin et surtout une hormone, la PMSG aussi appelée eCG. Franceinfo vous en dit plus sur cette substance, issue du sang de juments gestantes d'Amérique du Sud, et qui n'est pas inconnue des élevages.  

A quoi sert cette hormone ? 

L'hormone PMSG ou eCG pour "gonadotrophine chorionique équine" se trouve dans plusieurs médicaments utilisés pour la médecine vétérinaire en France. Elle sert à déclencher et à synchroniser les chaleurs des animaux dans le but de rendre les femelles fertiles en même temps. "Cette hormone stimule les ovaires et synchronise les cycles. Elle peut augmenter le nombre d’ovulations et aussi traiter les cas d’infertilité", avait détaillé à Libération en 2017 le vice-président de la fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF). Administrée aux lapins dans la vidéo de L214, l'eCG est aussi utilisée dans les élevages porcins pour augmenter le nombre de petits par truie, ainsi que dans les élevages caprins et ovins pour assurer une production laitière toute l'année.

Cette hormone est sécrétée par le placenta des juments entre le 40e et le 120e jour de gestation. Pour récupérer l'eCG, des fermes –notamment en Argentine et en Uruguay– prélèvent plusieurs fois par an le sang de juments gestantes par la veine jugulaire. A chaque fois, près de dix litres de sang sont prélevés. Lorsque l'hormone n'est plus produite, les juments sont avortées manuellement et sans anesthésie. Elles sont alors de nouveau fécondées. 

Les cas de mauvais traitements des juments étaient-ils déjà connus ?

Deux associations de défense animale, TSB en Suisse et AWF en Allemagne, avaient déjà révélé l'existence de ces "fermes à sang" dans une enquête que le journal Libération a dévoilée en octobre 2017. Plusieurs médias, dont franceinfo, avaient alors relayé l'information.

Les deux ONG, qui ont approché cinq établissements en Argentine et en Uruguay, ont livré des vidéos, des photos, des témoignages dans lesquels, notamment, d'anciens employés expliquent comment fonctionnent ces fermes. Le quotidien rapporte que les juments qui survivent à ces maltraitances sont envoyées à l'abattoir quelques années après. Selon Welfarmune association consacrée à la protection des animaux de ferme, interrogée par Libération dans ce même article, les pays d'Europe sont parmi les premiers importateurs de l'hormone produite par ces juments. 

La situation a-t-elle évolué ? 

Les révélations de Libération avaient provoqué plusieurs réactions. Adeline Colonat, chargée de communication éditoriale à Welfarmjugeait "inacceptable que des laboratoires français se fournissent auprès de pays moins regardants en matière de bien-être animal". Florian Guillou, directeur de l'unité Physiologie de la reproduction et des comportements à l'Inra (Institut national de la recherche agronomique), expliquait alors que la "situation pose des questions éthiques mais présente aussi un risque sanitaire potentiel, vu le grand nombre de lots sanguins nécessaires à cette production". En 2017, une pétition, signée par plus de 1,9 million de personnes, demandait déjà l’interdiction d’importer l’eCG depuis l’Argentine et l’Uruguay.

Mais les choses ont-elles vraiment changé ? Dans l'enquête de Libération, le laboratoire MSD Santé assurait avoir cessé depuis fin 2016 toute importation venant d'Amérique du Sud. De son côté, le laboratoire Ceva santé animale indiquait continuer à se fournir en Argentine, après des contrôles dans les élevages de chevaux ne présentant aucune anomalie. Pourtant, en juillet 2018, Libération a publié de nouvelles images de juments gestantes maltraitées, prouvant que ces pratiques perdurent. Dans cet article, le directeur des affaires publiques du laboratoire Ceva, qui s'est vraisemblablement ravisé, explique qu'à partir de septembre 2019, "les avortements cesseront chez notre fournisseur, la société Syntex en Argentine".

Concernant la position des autorités européennes, le Parlement européen a exhorté, en mars 2017, "la direction de la Commission chargée des audits et des analyses dans les domaines de la santé et de l’alimentation à contrôler que les entreprises certifiées pour produire l'hormone PMSG respectent les dispositions de protection animale en vigueur pendant la production".

Des chercheurs de l'Inra et du CNRS ont quant à eux publié, en mars 2019, les résultats de travaux liés à la création d'une molécule de synthèse sans eCG d’origine animale, appelée "kisspeptine C6". Tout comme l'hormone issue des juments, elle permettrait d'induire un cycle de reproduction chez la chèvre et la brebis.  

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