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Cinq questions pour comprendre le combat de L214 contre les abattoirs

L'association s'est fait connaître du grand public avec des images chocs, destinées à montrer les mauvais traitements infligés aux animaux dans les abattoirs. Francetv info vous explique le message et les méthodes de ces militants.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Brigitte Gothière et Sébastien Arsac, cofondateurs de l'association L214, à Lyon, le 1er mars 2016. (JEFF PACHOUD / AFP)

Animaux visiblement mal étourdis et brutalisés, moutons saignés mais pas totalement inconscients, agneau écartelé encore vivant... L'association L214 a diffusé, mardi 29 mars, une vidéo montrant des mauvais traitements infligés à des animaux à l'abattoir intercommunal du Pays de Soule, à Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques). Ce n'est pas la première fois que l'organisation de défense des animaux dénonce de telles pratiques. Francetv info vous explique leur combat et leurs méthodes.

Qui se cache derrière l'association ?

Les fondateurs de l'association, Brigitte Gothière et Sébastien Arsac, sont des militants de longue date de la cause animale. En 1993, le couple décide d'arrêter de manger de la viande, avant de finalement se convertir au véganisme en abandonnant poisson, œufs, produits laitiers et tout autre produit d'origine animale, raconte Le Monde. Etonnant, quand on sait que les grands-parents de Sébastien Arsac officiaient comme éleveurs et bouchers.

Tous les ans en février, on attachait le cochon sur le char et on le saignait, afin de remplir le congélateur. C’était censé être un moment convivial, mais c’est devenu de plus en plus insupportable à mes yeux.

Sébastien Arsac, cofondateur de l'association L214

dans "Le Monde"

Les deux militants s'engagent d'abord en 2003 et créent le collectif Stop gavage, contre le foie gras. L'association L214 élargit le combat à partir de 2008, avec un nom en référence à l'article L214 du Code rural, le premier à désigner les animaux comme des êtres sensibles, dès 1976. "Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce", stipule le texte.

Quel est leur message ?

L'association promet de "révéler [les] conditions d'élevage, de transport, de pêche et d'abattage" des animaux utilisés dans la production alimentaire. L214 entend "démontrer l'impact négatif de la consommation de produits animaux" et prône son arrêt pur et simple, via le passage au véganisme.

"Ces productions créent de la misère humaine, mais aussi une très grande misère au niveau des animaux, qui sont des êtres sensibles et qui aimeraient eux aussi vivre leur vie de la meilleure manière possible, expliquait Brigitte Gothière à francetv info en pleine crise des éleveurs, en juillet dernier. Sans compter qu'on a des terres en surface limitée et de l'eau en quantité limitée."

Il faut beaucoup plus d'énergie pour produire une calorie d'origine animale qu'il n'en faut pour une calorie d'origine végétale : l'élevage est une aberration de ce point de vue-là.

Brigitte Gothière, cofondatrice de l'association L214

à francetv info

Qui sont les militants ?

L'association revendique à présent 10 000 adhérents, selon Libération. Son budget de fonctionnement – 600 000 euros en 2015 – est à 95% issu de leurs cotisations et de leurs dons, expliquent ses fondateurs au Monde. Des contributions parfois très importantes : L214 a récemment reçu un chèque conséquent de 94 000 euros, assure France 2.

Ces soutiens sont souvent convaincus par la nécessité de combattre la souffrance animale, mais aussi par l'impact négatif de la viande et d'autres productions sur la santé ou sur l'environnement, comme Olivier, rencontré par francetv info en 2014. La "vraie écologie", c'est le véganisme, plaidait ce trentenaire, qui comparait l'abattage des animaux à un "holocauste".

On est témoins de cette violence extrême faite aux animaux et on a l’impression que les gens ne veulent pas voir ou s’en foutent. Quelquefois, on aimerait bien les secouer.

Olivier, militant de L214

à francetv info

Quelles sont leurs méthodes ?

L'association emploie des méthodes de communication traditionnelle, en organisant par exemple des tractages réguliers. En 2014, francetv info avait ainsi pu suivre les militants de l'association en campagne devant des supermarchés de la capitale, où ils dénonçaient la vente d'œufs de poules élevées en batterie, ou à proximité du Centre Pompidou, où ils distribuaient de faux "jambon-beurre" d'origine végétale à l'occasion de la "journée sans viande".

Mais L214 ne se limite pas à cela. L'association s'est fait connaître du grand public avec des vidéos chocs, tournées en caméra cachée dans des élevages ou des abattoirs. Elles montrent de façon crue les traitements infligés aux animaux. Quand elle a connaissance de cas de cruauté, l'organisation adopte une procédure rodée, détaille Le Monde : les militants rencontrent les témoins pour leur expliquer comment filmer de longues séquences en guise de preuve, avant de soumettre ces images à des experts.

Des enquêtes qui ont fait de L214 la bête noire des professionnels du secteur. De la "propagande", "des images théâtralisées qui veulent faire peur et émouvoir", dénonçait auprès de francetv info la responsable du comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras, après la diffusion d'une séquence sur le broyage de canetons.

C’est un processus de culpabilisation des citoyens, pour les faire arrêter de manger de la viande.

Marc Pagès, directeur d’Interbev, l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes

dans "Le Monde"

Quels sont leurs faits d'arme ?

L'association peut se féliciter de plusieurs succès récents. L214 avait déjà révélé des mauvais traitements infligés aux animaux dans les abattoirs d'Alès et du Vigan (Gard), tous deux temporairement fermés après leur diffusion. Après leur nouvelle enquête dans un abattoir à Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques), le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a ordonné aux préfets de procéder d'ici un mois à des "inspections spécifiques sur la protection animale dans l'ensemble des abattoirs". Leurs résultats seront transmis à la commission d'enquête parlementaire "sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français", créée en réponse aux scandales révélés par L214.

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