Hydrothérapie animale : quand chiens et chats se mouillent pour leur santé
Francetv info s'est rendu au centre Alforme, établissement spécialisé dans la rééducation et le bien-être de l'animal, situé au cœur de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne). Reportage.
En France, cette pratique est encore méconnue. Jugée farfelue par certains, d'un intérêt douteux par d'autres, l'hydrothérapie pour animaux de compagnie est pourtant efficace. Rééducation, surpoids, entretien physique, entraînement sportif, bien-être... cette méthode a fait ses preuves, et s'est implantée avec succès au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis.
"De nombreux travaux scientifiques montrent l'intérêt de l'hydrothérapie", assure le vétérinaire Artem Rogalev, responsable du centre Alforme. Cet établissement de rééducation, situé au cœur de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), est spécialisé dans l'hydrothérapie, c'est-à-dire l'utilisation de l'eau à des fins thérapeutiques. "D'abord, il y a l'effet porteur de l'eau. Immergé, l'animal ne supporte plus que 20 à 30% de son poids réel. Donc, c'est plus facile de déclencher des mouvements s'il manque de muscles ou s'il est paralysé", explique le vétérinaire, debout près du bassin de la salle de travail où règne une discrète odeur de piscine, bien que l'eau soit traitée sans chlore. "Il y a aussi la résistance de l'eau grâce à laquelle l'animal peut se muscler. Troisième effet intéressant avec la température : l'eau est entre 25°C et 28°C. L'effet chaud détend le muscle."
Artem Rogalev, à la tête de ce centre depuis l'obtention de son diplôme, six ans auparavant, précise que trois des quatre écoles vétérinaires de France sont désormais dotées de matériel similaire à celui disponible dans ses locaux.
Il concède que "les vétérinaires français ont eu du mal à y croire au départ", mais qu'il y a eu un effort pédagogique après des résultats probants. Par exemple, à Maisons-Alfort, chaque étudiant vétérinaire passe au moins à deux reprises dans son centre pour s'initier aux différentes techniques et applications de cette méthode. C'est le cas d'Audrey Monnier, en troisième année, qui assiste silencieusement aux soins.
Cet effort des écoles répond également à une demande croissante. "Le nombre de clients du centre ne cesse d'augmenter de manière impressionnante, affirme Artem Rogalev. Il y a encore un an, on était à huit clients par jour. Maintenant on est à 15-20. Dans les années 2000, on faisait une quarantaine de soins par an. L'année dernière, on en a fait 2 500."
"Les gens veulent les mêmes soins pour leur animal que pour eux"
Il est 11 heures, en ce lundi ensoleillé de juin. Vénus, une chienne larbrador de 13 ans, est dans le bac de douche, étape obligatoire avant de faire trempette. Elle se prépare à nager une quinzaine de minutes, comme chaque semaine. La maîtresse a également amené son autre chien, Ulysse. Il assite à la séance, assis sur le rebord de la piscine.
"C'est de l'entretien, dit la maîtresse. C'est comme les personnes âgées qui doivent faire de l'exercice pour ne pas perdre leurs muscles", ajoute-t-elle en séchant la chienne après la séance. "A son âge, elle ne marcherait pas aussi bien sans ces exercices."
"Les propriétaires veulent aujourd'hui pour leur animal le même genre de soins qu'ils ont eux. Ils veulent de la rééducation après une opération, ils veulent éviter les anti-inflammatoires quand c'est possible. Ils veulent que leur animal ait un confort de vie lorsqu'il prend de l'âge", explique Artem Rogalev, alors qu'un cheval entouré d'un large bandage abdominal blanc passe dans son dos, dans l'allée de l'école.
"Maintenant, elle fait l'andouille"
Les animaux défilent au centre, principalement des chiens. "Entre 80% à 90% des animaux que nous traitons sont des chiens. Le reste, ce sont des chats. Nous avons parfois des furets ou des lapins", indique Artem Rogalev. Effectivement, au cours de la matinée, cinq animaux sont soignés : quatre chiens et un chat.
Paulette est une chienne bouledogue anglais âgée d'un peu plus d'un an. Elle boite après une opération de la hanche, intervention nécessaire car l'extrêmité d'un fémur lui rentrait dans le bassin. Les séances de natation font partie de son protocole de rééducation. "Il y a aussi du surpoids à traiter, précise le responsable du centre. "Le chirurgien qui l'a ouvert a dit qu'il n'y avait que de la graisse", ajoute sa maîtresse en souriant.
Dans l'eau, Paulette maintient une nage rapide malgré son embonpoint. "Allez, on travaille !", encourage le vétérinaire. "Fainéante !", harangue la propriétaire en plaisantant. "On a senti un changement positif en quelques séances. Elle s'est remise à courir et à faire l'andouille", témoigne la jeune femme pendant qu'Artem Rogalev contrôle les mouvements de l'animal.
Après une séance de massage à base de gel à l'arnica, dans une petite salle voisine, Touna, une chienne croisée labrador de 13 ans, s'avance. Elle prend place sur le tapis roulant immergé pour les chiens de grande taille. En attendant que l'eau parvienne au niveau adéquat, Vincent Prudhomme, l'assistant vétérinaire, va chercher une balle de tennis. "Chaque animal a un jouet qu'il préfère. Elle, c'est ça qui marche le mieux pour l'encourager", explique-t-il d'une voie douce. Touna souffre d'arthrose, ce qui provoque des problèmes moteur au niveau des pattes arrières. Le soigneur souligne que le dispositif choisi permet de lui imposer un rythme de travail, et l'oblige à lever davantage la patte.
L'hydrothérapie est un complément des massages quotidiens effectués par sa maîtresse. Ils peuvent durer jusqu'à une heure entre l'application d'une poche chaude et les différentes parties du corps à manipuler. Mais tous ces efforts sont récompensés. "J'ai vu des progrès rapides. Le surlendemain après le début des massages, elle a mieux marché", assure la maîtresse .
Totalement paralysée, elle remarche
Chipie, une chienne de 11 ans, sort de la salle de travail dotée d'obstacles à sauter. Sous le regard attendri et attentif de ses maîtres, elle monte pour la première fois sur le tapis roulant après cinq séances de piscine.
Victime d'un écrasement vertébral, Chipie a eu la moëlle épinière touchée. "Ses quatre pattes ne bougeaient pas. Sa queue non plus. Elle ne pouvait remuer que la tête", indique son propriétaire. Aujourd'hui, la chienne remarche doucement et parvient à bouger trois de ses quatre membres. La patte avant gauche, elle, est plus raide. "On revient de loin. Je ne pensais pas qu'on en serait là maintenant", reconnaît le maître, qui s'est rendu au centre Alforme sur les conseils de son vétérinaire.
Silver, un chat qui ne craint pas l'eau
La matinée se termine avec Silver. Un chat "exceptionnellement coopératif", commente Artem Rogalev en douchant l'animal de 2 ans, paralysé des pattes arrière après une chute du 4e étage. Effectivement, s'il ne semble pas tout à fait ravi, il ne cherche pas s'enfuir, et ne montre aucun signe d'agressivité. Placé sur le même tapis roulant que Chipie, le vétérinaire soumet Silver à différentes hauteurs d'immersion pour le contraindre à des efforts de plus en plus soutenus.
Puis il abaisse le tapis jusqu'à faire nager l'animal. On constate alors qu'il agite vigoureusement les pattes avant et qu'il bouge à peine les pattes arrières.
"Les progrès sont énormes, dit le maître. Mais ils sont visibles ici. Chez nous, il ne se force pas d'efforts puisqu'il arrive à se déplacer malgré tout".
"Il faut prévoir un budget"
Tous les propriétaires d'animaux rencontrés sont aimants et dévoués. Ils consacrent du temps à leurs petits compagnons, venant parfois de loin pour leur offrir ce traitement. La maîtresse de Paulette, par exemple, habite à Provins (Seine-et-Marne), à près de 85 km de là. Certains prodiguent des soins à domicile, d'autres veillent à ce que leur compagnon fasse quotidiennement leurs exercices à la maison.
Surtout, ces soins ont un coût. "Depuis l'accident, on en est déjà à plus de 2 000 euros. Rien qu'un scanner, c'est 300 euros", indique le maître de Silver, qui a fait une cinquantaine de minutes de route depuis la Seine-Saint-Denis. "Une séance au centre coûte entre 30 à 50 euros, selon le nombre de soins", précise Artem Rogalev, qui relève que le tarif est relativement bas comparé à celui pratiqué dans d'autres centres. Généralement, une quinzaine de rendez-vous, à raison d'un ou deux par semaine, sont à prévoir pour de la rééducation.
Selon le vétérinaire, l'un des facteurs qui freine le développement de l'hydrothérapie en France est le faible taux d'animaux assurés. Le maître de Silver avait hésité à prendre une mutuelle lorsqu'il l'a adopté, et a finalement décidé de s'en passer. "Cela me fait réfléchir pour la prochaine fois", remarque-t-il en haussant les épaules. De son côté, la maîtresse de Paulette a été prudente : "On nous a dit dès le début que les bouledogues étaient des chiens très fragiles, alors on a pris une mutuelle." Mais tous les soins ne sont pas remboursés, comme les séances au centre. "Cela dépanne, mais il faut aussi prévoir le budget à côté", prévient-elle. Pour la propriétaire de Vénus, "adopter un animal, c'est comme avoir un enfant. Il faut assumer. On les prend pour le bon mais aussi pour le moins bon".
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