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L'attaque de Benghazi était coordonnée, mais pas forcément par Al-Qaïda

Les républicains américains voient dans l'assaut sanglant contre le consulat la signature du réseau terroriste. Mais les avis de spécialistes interrogés par FTVi divergent sur la question.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une voiture et une maison carbonisées dans l'enceinte du consulat américain à Benghazi, en Libye, le 12 septembre 2012.  ( BORIS HORVAT / AFP)

VIOLENCES ANTI-AMERICAINES - Le jour choisi, mardi 11 septembre, ne serait pas une coïncidence. L'attaque contre le consulat américain de Benghazi en Libye, au cours de laquelle l'ambassadeur des Etats-Unis et trois autres Américains ont été tués, semble avoir été planifiée, estiment mercredi 12 septembre des responsables américains. 

"Il y a des détails encore assez flous, mais clairement on a la signature d'Al-Qaïda", a estimé le président républicain de la commission du renseignement au Congrès, Mike Rogers, interrogé sur la chaîne CNN. Les autorités libyennes, qui ont aussitôt présenté leurs excuses aux Etats-Unis, ont pointé du doigt à la fois les partisans du régime déchu de Mouammar Kadhafi et les terroristes d'Al-Qaïda.

Cette hypothèse invalide celle d'une riposte spontanée et violente à la diffusion sur internet du film anti-islam L'innocence des musulmans. Les agresseurs se seraient servis du long métrage comme d'un "prétexte" pour s'en prendre au consulat américain avec des armes de petit calibre mais aussi des lance-roquettes.

Une vengeance après la mort d'Abou Yahya Al-Libi ?

Refusant de se prononcer sur l'identité des auteurs, d'autres responsables américains ont évoqué une "attaque complexe", menée dans le cadre d'une opération coordonnée. Pour Roland Jacquard, président de l'Observatoire international du terrorisme contacté par FTVi, la thèse avancée par Mike Rogers est crédible. "La commission du renseignement américain a accès aux documents des services secrets. Ces déclarations se basent sur ces renseignements. Il y a donc probablement une grande part de vérité dans ses propos", estime-t-il.

"Abou Yahya Al-Libi, l'un des principaux stratèges d'Al-Qaïda, avait la nationalité libyenne et il a été tué le 4 juin 2012 dans un bombardement effectué par un drone américain, dans une zone tribale du Pakistan. Avant sa mort, il avait encore beaucoup d'influence en Libye. L'attaque du consulat américain pourrait donc être une revanche organisée à la suite de sa mort", avance Roland Jacquard. Selon lui, les chefs locaux d'Al-Qaïda "continuent de discuter d'actions terroristes" et ont des liens avec les salafistes en Libye, vraisemblablement les assaillants de l'attaque à la roquette contre le consulat américain à Benghazi. "Des membres d'Al-Qaïda ont donc pu s'engouffrer dans cette attaque", ajoute-t-il.

"Aujourd'hui, Al-Qaïda est un label"

Mais pour Pierre Conesa, chercheur et historien spécialiste des questions stratégiques internationales et du terrorisme, également contacté par FTVi, la "violence spontanée exprimée par des musulmans radicalisés" ne signifie pas qu'Al-Qaïda est derrière. "Al-Qaïda n'est plus une grande organisation aujourd'hui, mais un label", juge-t-il. "Les Etats-Unis utilisent ce label car cela les arrange : ils n'ont ainsi pas à remettre en cause leur politique étrangère, qui pourrait avoir suscité des réactions violentes chez des individus qui ont le sentiment que le monde arabo-musulman est sans cesse la cible d'attaques", ajoute-t-il.

Pierre Conesa reconnaît que le 11 septembre n'a certainement pas été choisi au hasard, et "qu'il est possible que le calendrier ait joué". "Mais les auteurs de ces violences, visiblement organisées, qui ont choisi le 11 septembre, ne sont pas nécessairement issus d'Al-Qaïda", souligne-t-il. Pour lui, il faut davantage s'intéresser aux liens entre la Libye, le Pakistan et l'Arabie saoudite pour savoir qui est derrière ces attaques. En tout cas, pour l'instant, il n'y a eu aucune revendication.

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