Le Brésil secoué par les plus grosses manifestations depuis plus de 20 ans
Contre le coût du Mondial-2014 de foot, la hausse des transports... les Brésiliens descendent en masse dans les rues. Retour sur cette mobilisation.
Le Brésil est secoué par les plus importantes manifestations sociales depuis celles dirigées en 1992 contre la corruption du gouvernement de l'ex-président Fernando Collor de Mello. Quelque 200 000 personnes ont défilé, lundi 17 juin, dans les rues des principales villes du Brésil. La manifestation de Rio, la plus grosse, a réuni 100 000 personnes, d'abord pacifiquement. Puis la mobilisation a dégénéré, à la nuit tombée. Motif de cette colère : le coût du Mondial de football notamment, qui doit avoir lieu en 2014. Voici ce qu'il faut savoir de ce mouvement de mécontentement.
Les raisons de la colère
Cette fronde se développe alors que le Brésil, après des années de vigoureux développement économique et social, traverse une passe délicate : la croissance est en berne et l'inflation fait une poussée, notamment sur le prix des denrées alimentaires. Les manifestants dénoncent en particulier l'augmentation des tarifs des transports publics, et les dépenses somptuaires engagées pour préparer le Mondial-2014 de football, environ 11,3 milliards d'euros.
Parmi les protestataires, on trouve une majorité de jeunes, "qui ont perdu confiance dans les partis politiques", selon des analystes de la chaîne d'info en continu Globo News.
La réaction policière violente lors des manifestations de la semaine passée a ranimé de mauvais souvenirs dans une population qui a connu deux décennies de dictature militaire, entre 1964 et 1985. Face à l'émoi provoqué, le gouverneur de l'Etat de Sao Paulo, qui avait qualifié les manifestants de "vandales", a demandé aux forces de l'ordre de laisser les défilés se dérouler et de ne pas faire usage de balles en caoutchouc.
Ces protestations se déroulent au moment où le pays accueille la Coupe des confédérations, tournoi de foot considéré comme une répétition de la Coupe du monde 2014. Les autorités brésiliennes espèrent que le Mondial, puis les Jeux olympiques de 2016 à Rio, seront l'occasion d'illustrer la place grandissante du pays, puissance émergente, sur la scène internationale.
Comment le mouvement se généralise
Les manifestations, organisées via les réseaux sociaux, ont perturbé le fonctionnement de plus d'une demi-douzaine d'agglomérations, parmi lesquelles Rio de Janeiro, Sao Paulo, Brasilia ou encore Belo Horizonte.
Un groupe de quelques dizaines de manifestants a pris d'assaut le parlement de l'Etat de Rio. Des hommes du bataillon de choc de la police militaire ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre ce groupe de manifestants, qui avaient tiré des cocktails Molotov et des pierres contre le parlement. Certains avaient même essayé de s'y introduire par des fenêtres. Auparavant, ils avaient incendié une voiture, des poubelles, cassé les vitrines de banques et pillé des commerces, pendant que d'autres manifestants leur criaient : "Voleurs ! Pas de vandalisme !". Plusieurs arrestations ont eu lieu. Dans les échauffourées, vingt policiers et sept manifestants ont été blessés, dont deux par armes à feu. Mais on ignore par qui ces balles ont été tirées.
A Brasilia, 5 000 manifestants ont protesté dans le quartier des ministères. Quelque 200 d'entre eux ont réussi à grimper sur le toit du Parlement, où ils ont entonné l'hymne brésilien avant d'en redescendre spontanément. "Nous sommes arrivés dans la maison du peuple. C'est le premier pas pour montrer que nous ne sommes pas morts. Ils pensaient que l'on s'arrêterait pour voir le football mais le Brésil n'est pas seulement ça", a expliqué un étudiant de 24 ans, assis sur le toit du Congrès national.
A Sao Paulo, où 65 000 manifestants ont défilé sur l'avenue Paulista, un groupe a essayé d'envahir le parlement local mais a été arrêté par les gaz lacrymogènes de la police.
Comment réagissent les autorités ?
"Nous ne permettrons pas que des manifestations perturbent les événements que nous nous sommes engagés à réaliser", a averti le ministre des Sports. Dans une apparente volonté d'apaisement, la présidente, Dilma Rousseff, a rectifié le tir quelques heures plus tard, affirmant que "les manifestations pacifiques sont légitimes et propres à la démocratie". "C'est le propre de la jeunesse de manifester", a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Le gouvernement a d'abord été pris de court par l'éclosion soudaine de ce mouvement apolitique la semaine dernière, après l'annonce de l'augmentation des tarifs des transports publics. Il semble à présent débordé par sa nouvelle dimension, en grande partie attisée par les violences policières.
La popularité du gouvernement a chuté de huit points en juin, pour la première fois depuis l'élection à la présidence en 2011 de Dilma Rousseff, qui reste largement favorite pour le scrutin de fin 2014.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.